J.O. 240 du 14 octobre 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre


NOR : ARTT0500090S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu la directive 2002/22 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») ;

Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (« lignes directrices ») ;

Vu la recommandation C(2003)497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;

Vu la recommandation C(2003)2647 de la Commission des Communautés européennes du 23 juillet 2003 concernant les notifications, délais et consultations prévus par l'article 7 de la directive « cadre » (recommandation « notification ») ;

Vu la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, et notamment son article 133 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles L. 36-7, L. 37-1, L. 38, L. 38-1 et D. 301 à D. 315 (« CPCE ») ;

Vu le décret no 96-1225 du 27 décembre 1996 portant approbation du cahier des charges de France Télécom, et notamment l'article 18 de ce cahier des charges annexé audit décret ;

Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, et dont le siège social est situé au 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, à établir et exploiter un réseau de téléphonie ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public, ci-après dénommée « France Télécom » ;

Vu la décision no 97-170 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 13 juin 1997 arrêtant la liste des services et fonctionnalités complémentaires et avancés devant figurer au catalogue d'interconnexion des opérateurs soumis aux articles D. 99-11 à D. 99-22 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision no 97-345 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 17 octobre 1997 relative à la définition des zones locales de tri ;

Vu la décision no 98-901 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 28 octobre 1998 établissant la nomenclature de coûts et précisant les règles de pertinence relatives à l'interconnexion des opérateurs soumis aux articles D. 99-11 à D. 99-22 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision no 98-902 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 30 octobre 1998 complétant la liste des services et fonctionnalités complémentaires et avancés devant figurer au catalogue d'interconnexion des opérateurs soumis aux articles D. 99-11 à D. 99-22 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision no 99-490 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 9 juin 1999 portant adoption des lignes directrices relatives aux procédures opérationnelles de la présélection ;

Vu la décision no 99-1077 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 8 décembre 1999 précisant les conditions et les délais de mise en oeuvre de la sélection du transporteur appel par appel et de la présélection ;

Vu la décision no 2001-650 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 4 juillet 2001 modifiant les règles de pertinence relatives à l'interconnexion des opérateurs soumis aux articles D. 99-11 à D. 99-22 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision no 2001-691 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juillet 2001 précisant les conditions et les délais de mise en oeuvre de la sélection du transporteur pour les appels locaux internes aux zones locales de tri ;

Vu la décision no 2002-1027 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 5 novembre 2002 portant sur l'adoption des coûts moyens incrémentaux de long terme comme coûts de référence pour les tarifs d'interconnexion de France Télécom ;

Vu la décision no 2004-1000 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 23 novembre 2004 approuvant l'offre technique et tarifaire d'interconnexion de France Télécom pour les exploitants de réseaux ouverts au public et les fournisseurs de services téléphoniques au public valable à compter du 1er janvier 2005 ;

Vu la consultation publique de l'Autorité de régulation des télécommunications relative à l'analyse des marchés de la téléphonie fixe publiée le 9 juillet 2004 et clôturée le 9 septembre 2004 ;

Vu les réponses à la consultation publique susvisée, publiées le 21 décembre 2004 ;

Vu le document de synthèse des réponses à la consultation publique susvisée, publié le 21 décembre 2004 ;



Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence en date du 5 janvier 2005 ;

Vu l'avis no 2005-A-05 du Conseil de la concurrence du 16 février 2005 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des télécommunications en application de l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques, portant sur l'analyse des marchés de détail et de gros de la téléphonie fixe ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative et les obligations imposées à ce titre, lancée le 15 juin 2005 et clôturée le 15 juillet 2005 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision précité, lancée le 29 juillet 2005 et clôturée le 15 septembre 2005 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu le projet de décision portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative et les obligations imposées à ce titre, notifié à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 29 juillet 2005 ;

Vu les observations de la Commission européenne en date du 14 septembre 2005 ;

Après en avoir délibéré le 27 septembre 2005,


Préambule



Les articles L. 37-1 à L. 37-3 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) disposent qu'il incombe à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (« ARCEP ») d'analyser les marchés énumérés par la Commission européenne comme marchés pertinents pour une régulation sectorielle, de déterminer les entreprises disposant éventuellement d'une influence significative sur ces marchés et de définir les obligations ex ante susceptibles de remédier aux problèmes concurrentiels identifiés.

Conformément à l'article D. 301 du même code, l'ARCEP a mis en consultation publique, entre le 9 juillet et le 15 septembre 2004, un document d'analyse des marchés de la téléphonie fixe de détail et de gros. Dans ce document, l'ARCEP proposait une délimitation des marchés pertinents, une détermination des entreprises y disposant d'une influence significative, ainsi que des projets d'obligations afin de remédier aux problèmes concurrentiels identifiés.

L'ARCEP a reçu 14 réponses à cette consultation, qu'elle a rendues publiques à l'exception de rares passages couverts par le secret des affaires. Ces réponses ont fait l'objet d'une synthèse publique, dans le cadre de la saisine pour avis du Conseil de la concurrence le 5 janvier 2005, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article D. 301 du CPCE.

A l'issue de ces démarches, l'Autorité a établi un projet de décision relative à la détermination des marchés pertinents, à l'influence significative de la société France Télécom et aux obligations imposées à ce titre sur les marchés de la téléphonie fixe.

Ce projet n'inclut pas l'analyse des marchés de terminaison d'appel vocal sur les réseaux des opérateurs alternatifs, ni les analyses du marché de détail de la publiphonie et des marchés des services spéciaux, qui feront l'objet d'une décision ultérieure de l'Autorité.

Le projet de décision no 2005-0571 a été mis en consultation publique le 15 juin 2005 pour 4 semaines. Il comportait alors notamment une adaptation de la délimitation des marchés, de détail et de gros, envisagée précédemment, afin de prendre en compte les observations du Conseil de la concurrence dans son avis susvisé.

L'ARCEP a reçu 11 réponses à cette seconde consultation, qu'elle a publié le 29 juillet 2005, tout en préservant la confidentialité de certaines contributions à la demande de leurs auteurs.

Le projet de décision no 2005-0571 a été notifié à la Commission européenne et aux autres autorités compétentes des autres Etats membres de la Communauté européenne le 29 juillet 2005, pendant qu'une consultation publique était menée en parallèle pour six semaines. Les régulateurs des autres Etats membres n'ont pas émis de commentaires sur la notification de l'ARCEP. La Commission européenne a adressé à l'Autorité deux courriers en date du 14 septembre 2005, par lesquels elle formule certaines observations et conclut que « l'ARCEP peut adopter le projet de mesure finale » (1) (2). Ses observations ont conduit l'Autorité à préciser son analyse sur certains points.


(1) Cas FR/2005/0227, FR/2005/0228 et FR/2005/0229 : départ d'appel sur le réseau téléphonique public en position déterminée, terminaison d'appel sur les réseaux téléphoniques publics individuels en position déterminée et services de transit sur le réseau téléphonique public fixe. Observations conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 2002/21 /EC. (2) Cas FR/2005/0221 A 226 : marchés des services de détail des accès bande étroite et appels fixes. Observations conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 2002/21 /EC.




Période temporelle d'analyse


Conformément aux prescriptions de l'article D. 301 du code des postes et des communications électroniques, l'inscription d'un marché sur la liste de l'ensemble des marchés pertinents « est prononcée pour une durée maximale de trois ans ». L'Autorité doit réviser cette liste, de sa propre initiative, « lorsque l'évolution de ce marché le justifie » ou encore « dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne » « marchés pertinents » du 11 février 2003 susvisée.

En outre, en vertu des articles D. 302 et D. 303 du même code, les décisions déterminant l'existence d'une influence significative et imposant aux opérateurs des obligations peuvent être réexaminées dans les mêmes conditions.

L'Autorité fait porter son analyse des marchés de la téléphonie fixe sur la période qui s'étend de la publication de la présente décision au Journal officiel au 1er septembre 2008.



L'Autorité s'est attachée à effectuer une analyse prospective des marchés sur cette période. Néanmoins, en tant que de besoin et conformément à l'invitation de la Commission européenne, elle pourra être amenée à en effectuer une nouvelle analyse avant la fin de la période envisagée, dans les conditions prévues par le CPCE.


Portée géographique


L'analyse porte sur la métropole, les départements d'outre-mer et Mayotte (ci-après dénommés « territoire d'analyse »).

Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité territoriale d'outre-mer. La réglementation communautaire n'y est pas applicable, mais elle entre dans le périmètre couvert par le code des postes et des communications électroniques.

L'Autorité note que, sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, un seul opérateur possède une boucle locale : il s'agit de SPM Télécom, filiale du groupe France Télécom.

Tenant compte de la jurisprudence communautaire qui se réfère notamment au territoire couvert par un réseau pour délimiter la dimension géographique des marchés pertinents, l'Autorité distingue deux zones géographiques : le territoire national hors Saint-Pierre-et-Miquelon, et Saint-Pierre-et-Miquelon.

La présente décision traite par défaut des prestations offertes dans la zone géographique correspondant au territoire d'analyse. Pour les marchés de gros, cela implique que les prestations d'interconnexion de France Télécom sur lesquelles les opérateurs s'appuient pour proposer des offres de communications électroniques de détail à destination de Saint-Pierre-et-Miquelon, et en provenance du territoire d'analyse précité, soient traitées dans la présente analyse.

L'Autorité s'est attachée à effectuer une analyse prospective des marchés sur cette période. Néanmoins, en tant que de besoin, par exemple en cas d'évolution significative de la structure du marché, elle pourra être amenée à en effectuer une nouvelle analyse avant la fin de la période envisagée.

Après avoir délimité les marchés pertinents de la téléphonie fixe (partie I), et analysé l'influence significative des opérateurs sur ces marchés (partie II), sont étudiées les obligations permettant de remédier aux problèmes concurrentiels identifiés (parties III, IV et V).


I. - DÉLIMITATION DES MARCHÉS PERTINENTS DE LA TÉLÉPHONIE FIXE


La délimitation des marchés pertinents s'effectue conformément à des principes (I-1), qui permettent de définir des marchés de détail (I-2) et des marchés de gros (I-3). L'analyse de l'Autorité a fait l'objet d'observations du Conseil de la concurrence et de la Commission européenne (I-4).


I-1. Introduction sur la délimitation des marchés pertinents


L'exercice de délimitation des marchés a pour but de définir le contour, en termes de services et en termes géographiques, des marchés susceptibles d'être régulés par une autorité sectorielle. Cet exercice est, en application des dispositions de la directive « cadre », effectué conformément aux principes issus du droit de la concurrence.

La délimitation des marchés de détail est suivie de celle des marchés de gros, car les produits et services disponibles sur les marchés de détail dépendent des prestations techniques disponibles sur les marchés de gros qui sont fournies aux opérateurs alternatifs.


I-1.1. Délimitation des marchés en termes de produits et services


Le périmètre des marchés du point de vue des services repose principalement sur l'analyse des éléments suivants :

- les caractéristiques objectives, le prix et l'usage des services : ces éléments, cités par les « lignes directrices » de la Commission, permettent de définir l'ensemble des services qui peuvent appartenir à un même marché, en particulier sur les marchés de détail ;

- la substituabilité du côté de la demande : deux produits ou services appartiennent à un même marché s'ils sont suffisamment « interchangeables » (3) pour leurs utilisateurs, du point de vue de l'usage qui en est fait, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de « migration » d'un produit vers l'autre, etc. Afin d'apprécier cette notion d'interchangeabilité, l'analyse doit entre autres prouver que la substitution entre les deux produits est rapide (4) et prendre en compte les « coûts d'adaptation » (5) qui en découlent ;

- la substituabilité du côté de l'offre : un produit B peut appartenir au même marché que le produit A en cas de substituabilité du côté de l'offre, c'est-à-dire lorsque les fournisseurs du produit B peuvent se mettre à produire le produit A en cas de hausse du prix de marché de ce produit, sans qu'ils aient à subir des coûts importants de modification de leur appareil de production.



Pour établir l'existence d'une substituabilité éventuelle entre services du point de vue de la demande ou de l'offre, l'analyse peut également impliquer la mise en oeuvre de la méthode dite du « monopoleur hypothétique », ainsi que le suggèrent les « lignes directrices » de la commission (6). Du point de vue de la demande, ce test consiste à étudier qualitativement les effets sur la demande d'une augmentation légère (5 à 10 % par exemple), mais réelle et durable, du prix pratiqué par un hypothétique monopoleur sur un service donné, de manière à déterminer s'il existe des services considérés comme substituables par les demandeurs, vers lesquels ils seraient susceptibles de s'orienter. Du point de vue de l'offre, il s'agit de savoir si, face à une telle hausse de prix, des entreprises commercialisant d'autres services seraient en mesure de fournir, rapidement et facilement, un service équivalent à celui du monopoleur hypothétique. Ainsi que le mentionnent les « lignes directrices », l'utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en oeuvre n'implique pas une étude économétrique.


(3) Point 51 des lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002. (4) Point 49 de ces lignes directrices. (5) Point 50 de ces lignes directrices. (6) Point 40 de ces lignes directrices.




I-1.2. Délimitation des marchés en termes géographiques


Il est rappelé au point 56 des « lignes directrices » susvisées que, « selon une jurisprudence constante, le marché géographique pertinent peut être défini comme le territoire sur lequel les entreprises concernées engagées dans la fourniture ou la demande des produits ou services sont exposées à des conditions de concurrence similaires ou suffisamment homogènes et qui se distingue des territoires voisins sur lesquels les conditions de concurrence sont sensiblement différentes ».

Concrètement, deux principaux critères permettent, selon les « lignes directrices » de la Commission, de procéder à la délimitation géographique des marchés de communications électroniques : d'une part, le territoire effectivement couvert par les réseaux, d'autre part, l'existence d'instruments de nature juridique conduisant en pratique à distinguer une zone géographique ou une autre ou, au contraire, à considérer que le marché est de dimension nationale (7). On peut ajouter à ces deux critères la notion de politique commerciale, dont la définition tend à être homogène sur un même périmètre géographique (8).


(7) Lignes directrices, paragraphe 59 de la section 2.2.2 « Marché géographique ». (8) Dans son avis no 2003-A-13 du 18 juillet 2003 relatif à la demande d'avis présentée par l'Autorité, le Conseil de la concurrence « considère que les activités de téléphonie fixe (...) sur la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon devraient faire l'objet d'un traitement spécifique dans la mesure où elles sont exercées en monopole. »




I-1.3. Introduction sur la pertinence des marchés


L'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques dispose que l'Autorité doit définir les marchés, « au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective ». Ainsi, pour qualifier un marché pertinent au regard de la régulation sectorielle, il convient de mener une analyse concurrentielle de ce marché.

En application des directives susvisées, la Commission européenne a publié les « lignes directrices » précitées, relatives au processus d'analyse de marché. Elle a également adopté sa recommandation « marchés pertinents » définissant une liste de 18 marchés susceptibles d'être pertinents pour une régulation sectorielle.

L'Autorité a tenu le plus grand compte de cette recommandation « marchés pertinents » et de ces « lignes directrices » dans l'élaboration de son analyse de marché.

Pour définir les marchés de la téléphonie fixe pouvant être considérés pertinents pour une régulation sectorielle, la recommandation « marchés pertinents » de la Commission s'appuie sur trois critères :

- la présence de barrières à l'entrée élevées et non provisoires ;

- l'absence d'évolution vers une situation de concurrence effective ;

- l'efficacité insuffisante du droit de la concurrence.

L'Autorité considère, conformément au paragraphe 36 des lignes directrices de la Commission susvisées, que, s'agissant d'un marché recensé par la Commission, il ne lui est pas nécessaire de démontrer à nouveau les éléments qui ont déjà été pris en compte par la Commission dans sa recommandation « marchés pertinents » et sur lesquels l'Autorité porte la même appréciation. La recommandation « marchés pertinents » précise en effet que ces critères doivent être réexaminés par les autorités réglementaires nationales lorsqu'elles recensent des « marchés qui ne figurent pas dans la recommandation ».

Toutefois, conformément à l'article L. 37-1, elle s'attachera, dans le cadre de la présente analyse, à démontrer les obstacles au développement de la concurrence.


I-2. Définition des marchés de détail


Tout d'abord, sont définies les prestations incluses dans les marchés de détail de la téléphonie fixe (I-2.1), puis ces marchés sont délimités géographiquement (I-2.2), et enfin ils sont considérés comme pertinents (I-2.3).


I-2.1. Définition des prestations incluses dans les marchés de détail


L'analyse de marché conduit à distinguer diverses catégories de service (I-2.1.1), en particulier les prestations d'accès (I-2.1.2) et les prestations de communications (I-2.1.3).


I-2.1.1. Périmètre des marchés de détail


L'analyse de marché conduit à considérer que les services mobiles ne sont pas substituables aux services fixes (a), que les services d'accès et de communications sont distincts (b), et que parmi chacun d'eux on distingue les services destinés à la clientèle résidentielle et ceux destinés à la clientèle professionnelle (c).


a) Les services mobiles ne sont pas substituables aux services fixes


Un accès mobile comporte une spécificité intrinsèque liée au fait même que l'utilisateur peut y avoir recours indépendamment de sa localisation ; cette fonctionnalité de mobilité conduit par nature à ce que l'utilisateur perçoive ces services comme différents des services « en position déterminée » (c'est-à-dire « fixes »). En outre, les réseaux mobiles reposent sur des technologies radio qui ne permettent pas de garantir une qualité de service uniforme sur le territoire couvert, ni permanente dans le temps. De plus, les technologies radio sont plus coûteuses que les technologies filaires. Les accès mobiles et les communications qui en dépendent ne sont donc pas substituables à leurs équivalents fixes.



On observe néanmoins des effets de substituabilité limités, ou porosités, entre les deux types de services. L'Autorité observe qu'un usager final pourra utiliser un accès mobile sur le lieu où il dispose de son accès fixe (la réciproque étant fausse par nature). Ces comportements, s'ils sont couramment observés, ne sont pas généralisables et découlent principalement des politiques de forfaits quasi-généralisées sur les réseaux mobiles, et du niveau relativement élevé du prix des communications depuis un poste fixe vers un mobile en comparaison de celui des communications d'un mobile vers un autre.

L'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel mobile menée par l'Autorité (9) a soulevé ce point et conclu à la non-substituabilité entre les appels entre postes fixes et les appels depuis un mobile. L'avis du Conseil de la concurrence (10) relatif à l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel mobile a confirmé cette conclusion.

Cette séparation entre les marchés des services de téléphonie mobile et des services de téléphonie fixe correspond à celle que propose la Commission dans sa recommandation « marchés pertinents ».


(9) Cf. décision no 2004-936 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 9 décembre 2004 portant sur la détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles en métropole. (10) Avis no 2004-A-17 du 14 octobre 2004 relatif à une demande d'avis présentée par l'Autorité de régulation des télécommunications en application de l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques.




b) Les services d'accès et les services de communications

constituent des marchés distincts


D'un point de vue historique, on observe que les prestations d'accès ont toujours été proposées séparément des prestations de communications. Même si aujourd'hui se développent des offres combinant accès et communications, la plupart des clients continuent à distinguer l'abonnement et les communications dans leurs choix d'achats et dans le contrôle de leur budget.

En outre, le mécanisme de sélection du transporteur introduit progressivement à partir de 1997 repose sur la séparation entre l'accès et les communications et maintient cette distinction. La sélection du transporteur a été mise en oeuvre pour développer la concurrence entre les opérateurs fournissant l'acheminement des appels, indépendamment des conditions de concurrence qui pouvaient être observées sur le marché de l'accès au réseau téléphonique public (ci-après dénommé « RTP »), qui comprend l'ensemble des réseaux de communications électroniques utilisés pour fournir le service téléphonique au public défini par le 7 de l'article L. 32 du CPCE. De fait, la souscription à un abonnement de téléphonie fixe et la souscription à un service de communications fixes, appel par appel ou en présélection, peuvent être effectuées auprès d'opérateurs distincts. Par ailleurs, les barrières à l'entrée de nouveaux acteurs sont plus faibles sur les marchés des communications. L'intensité concurrentielle est donc sensiblement différente entre ces marchés et ceux de l'accès.

A l'horizon de la présente analyse, l'Autorité estime donc que les marchés de l'accès et des communications ne sont pas substituables et constituent des marchés distincts.

Cette analyse est conforme à la recommandation « marchés pertinents » de la Commission qui prévoit elle aussi une distinction entre les marchés de détail de l'accès (marchés 1 et 2) et ceux des appels sortants (marchés 3 à 6) (11), sur la base de l'observation précédente relative au mécanisme de sélection du transporteur, mais aussi en appliquant le test du monopoleur hypothétique : un opérateur présent sur un marché des communications ne serait pas incité à entrer sur les marchés de l'accès par la hausse significative des prix qui y sont pratiqués.


(11) P. 17 de l'exposé des motifs de la recommandation « marchés pertinents ».




c) Les clientèles résidentielle et professionnelle délimitent des marchés distincts


La Commission distingue dans ses lignes directrices et dans sa recommandation « marchés pertinents » deux types de clientèles : les « abonnés résidentiels » et les « abonnés d'affaires » qui regroupent les professions libérales, les PME et les grandes entreprises (12). Néanmoins, en pratique, la séparation entre ces deux catégories de clientèle ne saurait être stricte. Certains abonnés résidentiels pourront souscrire à des offres destinées aux abonnés d'affaires. Certaines entreprises souscrivent à des offres destinées aux résidentiels pour des implantations isolées de petites tailles. Il existe un chevauchement naturel entre les franges de ces deux marchés.

L'Autorité considère que, dans le cas français, la segmentation des marchés de détail en fonction des clientèles résidentielle et professionnelle est pertinente d'un point de vue concurrentiel. S'il existe un certain degré de substituabilité en matière de demande, celle-ci n'est pas totale. Les clients professionnels ont une demande nettement supérieure en termes de qualité de service (disponibilité, temps de rétablissement, service après-vente, etc.). Ils tendent à demander davantage de services associés ou avancés (présentation du nom, double appel, transfert d'appel, statistiques d'usage, etc.). Les profils d'usages diffèrent sensiblement. Les clients professionnels utilisent les services de communications électroniques principalement durant les heures et jours ouvrables, à l'opposé des résidentiels. Les opérateurs tendent donc à développer des offres tarifaires différentes pour chaque clientèle. Enfin, les canaux de distribution et de commercialisation, et plus généralement les politiques de marketing, sont distincts entre les deux clientèles. Il convient donc de segmenter les marchés pertinents de produits par type de clientèle.

Du côté de l'offre, la substituabilité entre l'offre destinée à la clientèle résidentielle et celle qui cible la clientèle professionnelle est faible, dans la mesure où l'effort, notamment commercial, permettant d'élargir la cible première d'un opérateur est substantiel. Une grande partie des opérateurs alternatifs continue de ne cibler qu'un seul type de clientèle.

Il se pose néanmoins la question du seuil de délimitation entre clientèle résidentielle et clientèle professionnelle.

Dans les réponses à la consultation publique de 2003 sur les critères proposés par l'Autorité pour définir le périmètre respectif des marchés résidentiels et professionnels, les acteurs du marché ont évoqué notamment :

- le montant de la facture des clients ;

- la capacité du lien raccordant le client au réseau ;

- le marketing des offres des opérateurs ;

- la nomenclature INSEE (numéro de SIREN).

Au vu de ces éléments, l'Autorité estime justifié de segmenter les types de clientèle sur lesquels porte la délimitation des marchés et d'analyser la clientèle résidentielle, d'une part, et la clientèle professionnelle, d'autre part. Ce choix est comparable à celui de l'Observatoire des marchés qu'elle publie. Dans la segmentation ainsi retenue, la clientèle résidentielle regroupe les ménages, personnes physiques, professions libérales et entreprises individuelles. La clientèle professionnelle correspond à la clientèle qui n'est pas résidentielle, c'est-à-dire les petites, moyennes et grandes entreprises ainsi que les administrations.


(12) Point 65 des lignes directrices.






I-2.1.2. Périmètre des marchés de l'accès au réseau téléphonique public


Les produits d'accès commercialisés aujourd'hui peuvent comporter plusieurs dimensions :

- l'accès au réseau de l'opérateur (selon diverses technologies : analogique, RNIS, ADSL...) ;

- l'accès aux services proposés par l'opérateur (accès au RTP, accès à internet, accès à des canaux audiovisuels, accès à un réseau privé) ;

- l'engagement en qualité de service (délais de livraison, garantie de temps de rétablissement...) ;

- les services complémentaires (facturation, prestations liées à l'accès téléphonique [messagerie, transfert d'appel], prestations liées au réseau privé [administration], prestations liées conjointement à l'accès téléphonique et au réseau privé [annuaire partagé, messagerie partagée...]).

Parmi les prestations d'accès, on peut distinguer quatre types de produits selon leur lien avec la téléphonie :

- les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie, tels que l'abonnement de base pour une ligne téléphonique fixe ;

- les accès utilisés principalement pour la téléphonie, tels que l'abonnement de base d'une ligne téléphonique fixe en dégroupage partiel permettant aussi l'accès à internet à haut débit ;

- les accès dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie, tels qu'une offre en dégroupage total permettant l'accès à internet à haut débit, l'accès au service téléphonique et/ou à la télévision ;

- les accès de données tels qu'un réseau privé virtuel ou une liaison louée, qui peuvent être utilisés pour fournir un accès au réseau téléphonique public.

La question de la substituabilité ou de son absence se pose dans la comparaison de chacun de ces accès. L'analyse qui suit porte sur la substituabilité entre les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie et les accès utilisés principalement pour la téléphonie (a), sur la non-substituabilité entre les accès utilisés principalement pour la téléphonie et les accès dont l'usage principal ne se limite pas à l'accès au service téléphonique (b), sur la non-substituabilité entre les accès utilisés principalement pour la téléphonie et les accès de données (c) et sur la substituabilité ou non entre la composante « accès RTP » et les accès principalement téléphoniques dans les offres globales pour les entreprises (d).

Pour cette analyse, l'Autorité utilisera les définitions suivantes :

IP. On désigne par « IP » le protocole internet défini par l'Internet Engineering Task Force (IETF) ;

Voix sur IP. On désigne par « voix sur IP » la technologie utilisant le protocole IP pour le transport de la voix, au niveau de l'accès ou du coeur du réseau ;

Voix sur large bande (VLB). On désigne par « voix sur large bande » ou « VLB », les services de téléphonie fixe utilisant la technologie de la voix sur IP sur un réseau d'accès à internet dont le débit dépasse 128 kbit/s, et dont la qualité est maîtrisée par l'opérateur qui les fournit ;

Voix sur internet (VoI). On désigne par « voix sur internet » les services de communications vocales utilisant le réseau public internet, et dont la qualité de service n'est pas maîtrisée par son fournisseur.


a) Les accès utilisés exclusivement pour la téléphonie

et les accès utilisés principalement pour la téléphonie sont substituables


La plupart des produits commercialisés aujourd'hui pour donner accès au réseau téléphonique public permettent aussi d'accéder à internet en bas débit. En outre, les offres d'abonnement analogiques de France Télécom permettent à leurs clients de souscrire un accès haut débit à internet auprès de France Télécom ou d'un autre FAI ; à ce titre, ces offres d'abonnement analogiques ne sont pas utilisées exclusivement pour accéder au réseau téléphonique. Enfin, on peut observer que l'offre d'accès de base RNIS comprend deux canaux B utilisés principalement pour la voix et un canal D utilisé pour la signalisation et le transport de données.

Tous ces produits sont vendus dans une gamme de prix qui reflète principalement l'usage d'accès au réseau téléphonique public, même s'ils permettent d'autres usages annexes.

Ces usages annexes peuvent bien sûr représenter les usages principaux de certains clients : une entreprise située dans une zone sans haut débit pourra utiliser un abonnement analogique ou RNIS uniquement pour accéder à internet, un client ayant récemment déménagé pourra utiliser son abonnement principal uniquement pour pouvoir souscrire à un abonnement haut débit, une entreprise pourra commander un accès de base RNIS uniquement pour utiliser le canal D si elle doit pouvoir communiquer avec un serveur n'autorisant les connexions que depuis ce type d'accès.

Néanmoins, le jeu concurrentiel est analysé sur l'ensemble du marché. A l'échelon national, les offres sont commercialisées pour un usage principal de téléphonie, et sont tarifées en conséquence.

Il existe donc une substituabilité du côté de la demande.

Ces produits doivent donc être considérés dans les mêmes marchés, y compris les prestations annexes incluses dans ces offres, que ce soit pour accéder à un réseau de données (notamment internet et X.25), ou pour fournir des prestations liées à l'accès téléphonique (notamment le signal d'appel, l'affichage du numéro ou du nom des appelants, le renvoi d'appels, le rappel du dernier appelant, la restriction de la présentation du numéro, le double appel, la conférence téléphonique, la messagerie vocale, le répertoire téléphonique, le suivi de consommation, la restriction d'appels, la sélection directe à l'arrivée) dans la mesure où l'ensemble de ces services est commercialisable en bouquet indissociable.

Conformément à l'article L. 32-1-II (13°) du CPCE, l'analyse de l'Autorité doit veiller à être technologiquement neutre. Si un opérateur commercialisait un produit d'accès avec d'autres technologies d'accès que celles utilisées aujourd'hui pour la voix (analogique, RNIS), par exemple de la voix sur IP sur un accès exploitant la technologie ADSL, et que ce produit était principalement utilisé pour accéder au réseau téléphonique public, et s'il était vendu dans une même gamme de prix, alors il devrait être inclus dans les mêmes marchés que les autres accès principalement téléphoniques.

Dans la suite on dénomme « principalement téléphonique » les accès exclusivement ou principalement téléphoniques.


b) Les accès utilisés principalement pour la téléphonie

et les accès dont l'usage principal ne se limite pas à la téléphonie ne sont pas substituables


Les produits qui ne sont pas principalement utilisés pour accéder au réseau téléphonique ne peuvent pas être considérés comme substituables aux produits étudiés dans la section précédente.

Certaines offres d'accès à haut débit, qu'elles soient par câble, par paire de cuivre, ou par fibre optique, permettent d'accéder au réseau téléphonique mais fournissent de manière conjointe d'autres services comme l'accès à haut débit au réseau internet ou l'accès à un bouquet de chaînes de télévision. Néanmoins, dès lors que ces offres ne sont pas choisies par le client final principalement pour la prestation de téléphonie mais aussi, voire principalement, pour leur caractère « multiservice » (notamment leur capacité à accéder au réseau internet à haut débit ou à des services audiovisuels), elles ne répondent pas à la même demande que celles destinées principalement à l'accès téléphonique. Il n'existe donc pas de substituabilité du côté de la demande.



En outre, le positionnement et le développement des offres multiservices à haut débit, auxquelles un utilisateur s'abonne pour des services qui peuvent inclure le service téléphonique, mais sans en constituer l'élément principal, les distinguent des offres dont cet accès est le principal usage. Les conditions de concurrence ne sont donc ni similaires ni suffisamment homogènes.

Ainsi, le parc de clients haut débit de 1998 ne comptait que quelques dizaines de milliers d'abonnés, et se concentrait sur le câble ; le marché actuel a bénéficié du fort développement des offres ADSL : au premier trimestre 2005 on comptait près de 500 000 abonnés au câble et 6,8 millions en haut débit sur le marché résidentiel (13). Par ailleurs, le tarif de détail des accès haut débit, s'il a été divisé par trois en deux ans pour un débit de 512 kbit/s, reste sensiblement plus élevé que celui d'un accès dédié à l'accès téléphonique et à l'accès à internet bas débit : les offres de débit 512 kbit/s commencent à environ 15 EUR, en plus de l'abonnement téléphonique pour les accès partiellement dégroupés (l'évolution des offres va actuellement surtout dans le sens d'une augmentation des débits). Les offres en dégroupage total impliquent pour leur part l'acquisition d'un modem qui peut coûter de 3 à 4 EUR par mois. Enfin, une dizaine d'acteurs majeurs interviennent sur le marché du haut débit, alors qu'on a vu le nombre excessivement faible d'opérateurs intervenant sur celui des offres principalement téléphoniques, en particulier pour la clientèle résidentielle.


(13) Observatoire des marchés : Le marché des services de communications électroniques en France au premier trimestre 2005, www.arcep.fr.




Offres les moins chères de chaque opérateur, pour chacune des 4 catégories concernées, au 17 mai 2005

(Tarifs TTC après 12 mois de souscription et sans engagement de présélection)


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





Cette analyse est identique pour le marché résidentiel et pour le marché professionnel : les produits dont l'usage principal n'est pas limité à l'accès au réseau téléphonique ne sont pas substituables à ceux qui sont utilisés principalement pour accéder au réseau téléphonique. Cependant, pour le marché professionnel, il existe des offres de services de capacité qui peuvent être complétées par des offres complémentaires ouvrant l'accès au réseau téléphonique. Ces offres complémentaires doivent alors être considérées comme un accès principalement téléphonique, et être inclues dans le marché.

Sur le marché résidentiel, les « packs » actuels (par exemple l'offre de Free combinant pour 30 EUR TTC accès haut débit à internet, téléphonie fixe vers fixe national illimitée et certains canaux audiovisuels) doivent être considérés dans leur ensemble et ne sont donc pas considérés comme des accès principalement téléphoniques. Dans le cas des offres destinées aux professionnels, un accès semblable à celui qui est fourni sur les marchés résidentiels, même si le niveau de la qualité de service est supérieur (par exemple l'offre « Wanadoo Phone Pro » telle qu'elle est commercialisée au 1er mai 2005), est à considérer comme les offres correspondantes sur le marché résidentiel et donc à exclure du marché.


c) Les services de capacité et les accès à des réseaux de données

ne sont pas substituables aux accès utilisés principalement pour la téléphonie


Les services de capacité regroupent principalement les liaisons louées, quelle que soit leur interface (offre « point à point »), et les offres de service de capacité en architecture « point à multipoints ». Les accès à des réseaux de données regroupent principalement les offres de réseaux d'entreprises (réseaux privés virtuels), les accès à des réseaux de données privées (par exemple les offres d'accès au réseau X.25 de Transpac) ou publics (réseau internet).

Même dans le cas où son débit est comparable à celui d'une ligne téléphonique traditionnelle, un service de capacité - par exemple une liaison louée analogique ou numérique - n'est pas substituable à un accès utilisé principalement pour la téléphonie. Les liaisons louées ne permettent que le transport de voix ou de données entre deux points fixes, et ne fournissent pas l'accès au réseau téléphonique ouvert au public. Réciproquement, une liaison louée assure la fourniture d'une capacité de transmission à la fois garantie et dédiée à l'utilisateur, ce qui n'est pas le cas des accès en bande étroite en position déterminée (parmi lesquels seul l'accès numérique offre un débit garanti mais pas dédié). Une liaison louée peut être utilisée comme élément constitutif d'un accès utilisé pour la téléphonie, mais elle n'en est pas un substitut (voir section suivante).

La situation est identique pour les services de capacité, les accès

à des réseaux de données d'entreprise et les accès à des réseaux de donnés privés ou publics. Il est possible d'adjoindre une fonctionnalité qui permet d'accéder au RTP, mais cette fonctionnalité doit alors être considérée comme une composante spécifique (voir section suivante).

Pour ces raisons, il apparaît que les services de capacité et les accès à des réseaux de données ne peuvent être considérés comme substituables aux accès principalement utilisés pour la téléphonie. Ils ne sont donc pas inclus dans le même marché.

d) La composante « accès RTP » associée aux services de capacité est substituable aux accès principalement téléphoniques.

Certains services de capacité proposent une fonctionnalité optionnelle permettant d'accéder au RTP.



C'est notamment le cas pour une offre professionnelle telle que « SMHD » (« service multisite hauts débits »), par laquelle France Télécom fournit à l'entreprise cliente un service de capacité composé d'un ensemble de liaisons louées virtuelles à haut débit (155 Mbit/s à 2,5 Gbit/s) entre 3 de ses sites ou davantage sur une boucle optique SDH sous-jacente. L'offre SMHD comporte une option, l'option « Numéris connectivité », qui permet d'accéder au réseau téléphonique commuté de France Télécom. Ce type d'accès fait d'ailleurs actuellement l'objet d'une obligation de sélection du transporteur.

Ces options sont clairement distinguables de la prestation de services de capacité, aussi bien pour les opérateurs que pour les clients. Ces options ne sont donc pas soumises au même jeu concurrentiel que les offres de capacités associées, mais bien à celui des accès principalement téléphoniques. Le client peut arbitrer entre l'option Numéris offerte par France Télécom, les autres offres d'accès de France Télécom (groupement d'accès Numéris primaires) et les autres offres d'accès offertes par un concurrent, en accès direct à l'un de ses sites.

Dès lors il apparaît que ces prestations optionnelles d'accès au réseau RTP doivent être considérées comme substituables aux accès principalement téléphoniques.

En revanche, les offres de « service téléphonique tout-IP » fondées sur des réseaux privés virtuels se distinguent des offres classiques tant dans le périmètre de la prestation, qui inclut une forte composante de services complémentaires d'administration des réseaux IP sous-jacents, et de l'ensemble des prestations fournies sur ce réseau que dans les structures tarifaires qui en découlent. Ces offres de « téléphonie IP » peuvent combiner accès au RTP et fourniture d'un réseau interne de téléphonie (administration des postes, etc.). Ces offres ne sont donc pas substituables à un accès principalement téléphonique.


I-2.1.3. Périmètre des marchés de détail des communications


Toutes les communications téléphoniques sont substituables, quels que soient les accès auxquelles elles sont associées (a). Les communications nationales fixe-vers-fixe et fixe-vers-mobile peuvent être incluses dans les mêmes marchés (b), à la différence des communications nationales et internationales (c).


a) Les communications téléphoniques sont substituables

quels que soient les accès auxquels elles sont associées


Compte tenu de l'émergence récente de services de communications produits en utilisant des technologies VoIP, l'Autorité a invité les parties intéressées à s'exprimer sur l'opportunité de segmenter les marchés des communications sur la base des technologies sous-jacentes utilisées. Les nombreuses réponses sur ce point ont traduit une inquiétude liée à l'émergence de nouveaux services de téléphonie utilisant des accès large bande multiservices et à la fusion entre Wanadoo et sa maison mère. Le Conseil de la concurrence, dans son avis no 2005-A-05 susvisé, a également soutenu l'idée d'une inclusion des offres de voix sur large bande dans le périmètre des marchés pertinents des communications de la téléphonie fixe de détail.

Il a été indiqué supra que les prestations permettant l'accès au RTP pouvaient se diviser en deux catégories : les accès utilisés principalement pour accéder au RTP, et les accès multiservices ou utilisés marginalement pour accéder au RTP. Ces derniers sont constitués aujourd'hui notamment par les accès haut débit multiservices utilisant la VLB pour transporter les communications. Quant aux accès principalement téléphoniques, ce sont aujourd'hui majoritairement des accès analogiques ou RNIS mais également des accès utilisant la VLB (par exemple un accès primaire émulé vendu par un opérateur alternatif en utilisant une ligne dégroupée) mais n'offrant pas d'accès à d'autres services.

Alors que les accès multiservices ou utilisés marginalement pour accéder au RTP ne sont pas substituables aux accès majoritairement utilisés pour accéder au RTP, il n'en est pas de même pour les communications qui peuvent être émises sur ces deux catégories d'accès.

En effet un client, dès lors qu'il dispose d'un abonnement téléphonique et d'un abonnement à haut débit incluant un accès VLB, peut utiliser indifféremment l'un ou l'autre de ces accès pour téléphoner (on peut estimer qu'aujourd'hui 90 % des accès VLB sont commercialisés en plus de l'abonnement téléphonique classique, c'est-à-dire en deuxième ligne). Si les communications sont moins chères depuis l'accès VLB que depuis l'accès classique, le client téléphonera prioritairement en utilisant son accès VLB : c'est la situation actuelle pour les communications nationales non surtaxées. En revanche, si le client dispose avec son abonnement téléphonique classique d'une option tarifaire lui permettant d'obtenir des tarifs plus intéressants que l'accès VLB, il utilisera l'accès classique pour ces communications. On observe en outre actuellement que les tarifs des communications hors forfait classiques et VLB sont très proches (cf. tableau infra).

Il existe ainsi une substituabilité du côté de la demande. Cette substituabilité est limitée aux utilisateurs disposant à la fois d'un accès principalement téléphonique, tel l'abonnement principal de France Télécom, et d'un accès haut débit multiservices. En France, compte tenu du développement du marché de détail de l'accès haut débit, plusieurs millions de clients sont en mesure de faire jouer ces substituabilités. On observe que les offres forfaitaires permettant des appels illimités vers les postes fixes nationaux non surtaxés sont apparues dans un premier temps sur les seuls accès haut débit et ont fortement contribué à leur succès. Dans un deuxième temps, les offres de communications sur accès principalement téléphonique (offre de France Télécom ou des opérateurs de présélection) ont été enrichies d'offres forfaitaires équivalentes en réponse à cette nouvelle pression concurrentielle découlant des offres de communications sur des accès à haut débit.


Prix des communications classiques ou VLB hors forfait (c TTC) (18 mai 2005)


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

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Cette substituabilité n'existe que si la prestation est équivalente en termes de caractéristiques (appel depuis un numéro du plan de numérotation national français vers un numéro d'un plan de numérotation national français ou étranger) et de qualité de service. Les communications VLB, dont la qualité de service est maîtrisée par l'opérateur, sont devenues début 2005 d'une qualité très proche de celle des communications classiques. En revanche, il n'en est pas de même pour la « Voix sur internet » (ci-après dénommée « VoI ») dont le fournisseur de service n'est en général pas le FAI et qui nécessite de disposer d'un ordinateur personnel allumé pour émettre ou recevoir des appels.

L'Autorité considère donc que toutes les communications téléphoniques sont substituables, quels que soient les accès auxquels elles sont associées, à l'exclusion des communications utilisant la VoI.


b) Inclusion dans un même marché des communications

nationales fixe-vers-fixe et fixe-vers-mobile


Les communications nationales fixe-vers-fixe et fixe-vers-mobile sont des prestations différentes, néanmoins elles sont commercialisées conjointement, et l'opérateur les commercialisant subit les mêmes pressions concurrentielles pour ces deux types de prestations.

En outre, la commission souligne dans sa recommandation « marchés pertinents » susvisée (14), que les prestations ne peuvent être regardées comme suffisamment interchangeables pour être considérées comme relevant du même marché du point de vue de la demande. Toutefois, du point de vue l'offre, il est probable que les fournisseurs de services assurant l'une de ces prestations seraient en mesure d'acquérir les composantes du marché de gros nécessaires, y compris la terminaison d'appel mobile, si un monopoleur hypothétique tentait de relever les prix.

Cette analyse s'applique au contexte français et démontre ainsi qu'il existe une substitution du côté de l'offre.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'Autorité estime que les communications nationales fixe-vers-fixe et fixe-vers-mobile doivent être incluses dans les mêmes marchés.


(14) P. 18 de l'exposé des motifs.




c) Distinction entre les communications nationales

et les communications internationales


Les communications nationales et internationales sont certes généralement commercialisées conjointement. Néanmoins, l'opérateur qui les fournit s'insère dans des jeux concurrentiels différents. La Commission, dans sa recommandation « marchés pertinents » (15), indique que si une augmentation du prix des appels dans l'une des catégories d'appels téléphoniques (appels locaux, interurbains, appels vers les mobiles et appels internationaux) par un monopoleur hypothétique peut inciter les fournisseurs de services dans une autre catégorie à acquérir les composantes du marché de gros nécessaires à la fourniture des services correspondants, il existe toutefois certaines limites à cette faculté sur le marché des appels internationaux.

L'Autorité partage cette analyse. En outre, elle estime qu'il y a une forte distinction du rôle de l'opérateur dans la fixation de la terminaison d'appel selon que les appels sont terminés sur son réseau ou sur un réseau interconnecté en France, ou qu'ils sont terminés sur un réseau situé à l'étranger.

Pour ces raisons, il convient de distinguer les communications internationales des autres communications.


(15) P. 18 de l'exposé des motifs.




I-2.2. Délimitation géographique des marchés de détail


Après avoir délimité les marchés en termes de produits, il est nécessaire d'établir leur délimitation géographique.

Le groupe France Télécom est présent, tant pour les prestations de détail que pour les prestations de gros, sur tout le territoire d'analyse, qui comprend la métropole, les départements d'outre-mer, et Mayotte.

L'Autorité estime que les conditions de concurrence sont suffisamment proches en métropole, dans les départements d'outre-mer et à Mayotte pour les intégrer dans les mêmes marchés, au sens où la présence et la pratique d'une politique tarifaire uniforme sur l'ensemble de ce territoire de l'opérateur France Télécom y structurent le jeu concurrentiel de manière homogène.

Par conséquent, la délimitation géographique retenue dans la présente analyse pour les marchés de détail correspond à la métropole, aux départements d'outre-mer et à Mayotte.


I-2.3. Liste des marchés de détail pertinents


La recommandation « marchés pertinents » définit six marchés de détail : les prestations d'accès sont différenciées de celles des communications nationales et des communications internationales, pour les clientèles résidentielles et professionnelles.

La Commission européenne a estimé qu'il existait sur ces marchés des obstacles à une concurrence effective tels que l'imposition d'obligations ex ante pourrait être considérée comme nécessaire.

L'Autorité considère que l'analyse des marchés de détail qui est présentée par la Commission dans sa recommandation est pertinente dans le contexte français. En particulier, il existe sur ces marchés de fortes barrières à l'entrée et des effets d'échelle importants qui sont susceptibles de conduire un opérateur disposant d'une forte part de marché à exercer une influence significative sur ce marché.

Il convient ainsi de constater que ces marchés sont marqués par la présence de l'opérateur historique sur l'ensemble des marchés de l'accès où il se trouvait en position de monopole, avant l'ouverture des marchés à la concurrence en 1998.

Or il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer la boucle locale mais aussi le réseau de commutation de niveau local (les commutateurs d'abonnés) du réseau de France Télécom. De plus, la présence d'importants coûts irrécupérables, notamment de génie civil et de transmission, a pour effet de limiter l'entrée d'opérateurs concurrents sur ces marchés. C'est pourquoi elle n'est généralement envisagée que dans deux cas principaux : dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser les investissements nécessaires ou en ayant recours aux offres de gros de l'opérateur historique.



Le développement de la concurrence est donc progressif et nécessite à l'horizon de la présente analyse une régulation sectorielle.

En effet, la régulation sectorielle dispose d'outils adaptés pour intervenir sur les marchés de détail de la téléphonie fixe. Elle est nécessaire pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer sur un terme suffisamment long. Les outils spécifiques à la régulation sectorielle sont notamment les obligations de contrôle tarifaire ou la mise en place et le suivi d'obligations de comptabilisation des coûts. Le seul droit de la concurrence apparaît insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existant sur ces marchés. Il n'est en effet pas en mesure de pouvoir contrôler efficacement au cas par cas des évolutions tarifaires sur les marchés de détail qui pourraient néanmoins avoir des conséquences sur le développement de la concurrence.

L'Autorité considère donc que les marchés, tels qu'ils sont définis ci-après, doivent être déclarés pertinents au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques.

Les marchés de détail pertinents à l'issue de l'analyse de l'Autorité sont listés ci-dessous. Il s'agit tout d'abord des marchés de l'accès :

- le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle, ci-après dénommé « marché de l'accès téléphonique résidentiel ». Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle résidentielle principalement pour accéder au réseau téléphonique public ;

- le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle professionnelle, ci-après dénommé « marché de l'accès téléphonique professionnel ». Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle professionnelle principalement pour accéder au réseau téléphonique public ; en particulier, il inclut les prestations spécifiques des offres de services de capacité destinées aux clients professionnels qui donnent accès au réseau téléphonique public.

En outre, les marchés pertinents des communications sont les suivants :

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile du territoire national, pour la clientèle résidentielle, ci-après dénommé « marché des communications téléphoniques nationales résidentielles » ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou terminal mobile extérieur au territoire national, pour la clientèle résidentielle, ci-après dénommé « marché des communications téléphoniques internationales résidentielles » ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile du territoire national, pour la clientèle professionnelle, ci-après dénommé « marché des communications téléphoniques nationales professionnelles » ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile extérieur au territoire national, pour la clientèle professionnelle, ci-après dénommé « marché des communications téléphoniques internationales professionnelles ».


I-3. Définition des marchés de gros

I-3.1. Préambule

I-3.1.1. Architecture des réseaux téléphoniques

Architecture générique du réseau téléphonique public





Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





Ce schéma présente l'architecture type d'un réseau téléphonique.

Le terminal de l'abonné est directement relié à un équipement de commutation ou de routage, chargé d'aiguiller l'appel vers son destinataire. Si ce dernier n'est pas raccordé par le même élément de réseau, l'appel est véhiculé, sur un réseau de transit, jusqu'à l'équipement de commutation ou de routage le desservant.

Sur le réseau téléphonique commuté de France Télécom, les commutateurs raccordant les abonnés sont appelés « commutateurs d'abonnés » (CA) ou « commutateurs à autonomie d'acheminement » (CAA).



Architecture du réseau téléphonique commuté de France Télécom





Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





Un commutateur de transit (CT) raccorde plusieurs commutateurs d'abonnés et achemine le trafic qui leur est destiné ou qu'ils génèrent.

La métropole est divisée en 18 zones de transit (ZT), comprenant chacune un commutateur de transit (16) auxquels sont connectés plusieurs commutateurs d'abonnés.

Une communication type échangée entre deux abonnés raccordés par le même commutateur d'abonnés n'est commutée qu'au niveau de ce commutateur, et ne traverse donc aucun des commutateurs situés sur le réseau de transit de France Télécom.

Lorsque les deux abonnés sont raccordés par des commutateurs d'abonnés distincts, mais situés dans une même ZT, le trafic traverse le commutateur d'abonnés rattachant l'appelant, le commutateur de transit de la ZT, et le commutateur d'abonnés de l'appelé. Toutefois, certains commutateurs d'abonnés géographiquement proches peuvent être directement connectés l'un à l'autre, auquel cas le recours au commutateur de transit ne s'avère pas nécessaire.

Enfin, un appel type d'un abonné de France Télécom situé sur une ZT donnée à destination d'un abonné situé sur une autre ZT emprunte successivement le commutateur d'abonnés de rattachement de l'appelant, le commutateur de transit de la ZT de l'appelant, transite, via le réseau national de France Télécom, jusqu'à la ZT de l'appelé, et traverse de même un commutateur de transit de cette zone, puis le commutateur d'abonnés de l'appelé. Les évolutions successives du réseau de France Télécom conduisent toutefois à nuancer cette présentation, fondée sur l'existence de zones de transit autonomes, qui « discutent » entre elles lorsqu'un abonné situé sur l'une d'elles cherche à joindre un abonné situé sur une autre. Ainsi, certains commutateurs de transit récents sont également connectés à des commutateurs d'abonnés des zones de transit voisines.

Les réseaux commutés des autres opérateurs de boucle locale sont souvent d'envergure plus faible que celui de France Télécom, et ne possèdent généralement qu'un seul niveau de commutation, pouvant assurer simultanément des fonctions de transit et de commutation.

Les réseaux métropolitains ou nationaux des opérateurs assurant l'acheminement de trafic sur de grandes distances ont en général été construits en tenant le plus grand compte des commutateurs de France Télécom, auprès de laquelle ils sollicitent l'interconnexion. Ils sont alors en mesure d'acheminer tout type de trafic transitant d'un commutateur de France Télécom (CA ou CT) sur lequel ils sont interconnectés à un autre.


(16) En pratique, une zone de transit comprend un ou plusieurs commutateurs de transit doublons assurant la sécurité de l'acheminement du trafic géré par le commutateur de transit principal.




I-3.1.2. Les prestations de départ d'appel, de terminaison d'appel et de transit


Les marchés considérés dans la présente décision sont les marchés des prestations de gros achetées et vendues par les opérateurs de communications électroniques entre deux points fixes et leur permettant d'acheminer les communications bande étroite des utilisateurs finals.

D'une manière générale, on distingue trois types de prestations.

La prestation de départ d'appel, qui correspond à un service d'acheminement de trafic entre un abonné et un point d'interconnexion.

La prestation de terminaison d'appel, qui correspond à un service d'acheminement entre un point d'interconnexion et un abonné.

Enfin, les prestations de transit correspondent à des prestations d'acheminement entre deux points d'interconnexion.


I-3.2. Eléments d'analyse communs à tous les marchés

I-3.2.1. Les prestations de gros d'acheminement de trafic vocal, de trafic

à destination d'internet bas débit et à destination des services spéciaux sont substituables


Les marchés de gros analysés ici doivent être délimités de telle sorte à couvrir l'acheminement des communications téléphoniques. Les termes « communications téléphoniques » regroupent, dans le cadre de la présente décision, tant les communications vocales interpersonnelles que d'autres communications vocales, comme celles consistant à joindre des plates-formes de services avancés (les « services spéciaux »).

En pratique, les prestations de gros fournies par un opérateur pour ce type de trafic permettent également aux opérateurs acheteurs de véhiculer d'autres types de trafic bande étroite, comme, notamment, de l'internet bas débit (limité à 64 kbit/s), ou des communications par télécopie.

L'Autorité estime que les prestations d'acheminement de trafic en gros fournies pour ces différents types de trafic, et plus généralement pour l'ensemble du trafic à destination des numéros du plan national de numérotation, peuvent, à l'exception du marché de la terminaison d'appel, qui sera développée dans la partie consacrée à ce marché, être incluses dans un même marché.

En effet, la plupart des opérateurs offrant des prestations de gros d'acheminement de trafic pour l'un de ces types de trafic fournissent également ces prestations pour les autres trafics, et cela en utilisant les mêmes éléments de réseau. Par conséquent, et même si du point de vue de la demande les prestations d'acheminement des différents types de trafic ne sont pas substituables, elles présentent un degré de substituabilité du côté de l'offre qui justifie leur inclusion dans un même marché de produits.



I-3.2.2. Les prestations de gros d'acheminement de trafic

issu des abonnés résidentiels et non résidentiels sont substituables


De même, même si la structure de la demande des clients finals sur le marché de détail est différente pour les communications résidentielles et les communications non résidentielles (qui constituent d'ailleurs des marchés de détails pertinents distincts), la substituabilité du côté de l'offre sur le marché de gros permet également de regrouper les prestations appartenant à ces deux types de clientèle en un seul marché.


I-3.2.3. Les prestations de gros d'acheminement de trafic

produites selon différents modes techniques sont substituables


Les opérateurs qui s'échangent aujourd'hui des prestations de gros d'acheminement de trafic bande étroite se livrent ce trafic en mode commuté sur des interfaces d'interconnexion utilisant principalement des protocoles de signalisation de type « signalisation sémaphore no 7 ». Avant et après ce point d'interconnexion, les opérateurs acheminent le trafic sur leur réseau.

Les produits inclus dans les différents marchés de gros analysés ici désignent des « prestations » offertes aux opérateurs par d'autres opérateurs, pour assurer, pour leur compte, un acheminement de trafic. Par conséquent, ils sont définis par leur fonction et non par leur mode technique de production, conformément au principe de neutralité technologique.

En particulier, le fait que le trafic soit transporté, avant et après livraison sur l'interface d'interconnexion, en mode commuté, en mode VoIP, ou selon tout autre mode reste neutre sur la définition du produit du point de vue de l'acheteur. De fait, certains appels livrés actuellement à l'interconnexion en mode commuté sont acheminés sur le réseau de destination en mode et interface ATM ou VoIP.

De même, des prestations de gros qui seraient livrées sur de nouvelles interfaces d'interconnexion, et notamment sur des interfaces de type VoIP, et qui permettraient aux opérateurs y ayant recours de proposer sur les marchés de détail des produits similaires à ceux qui s'appuient aujourd'hui sur les prestations de gros existantes analysées dans la présente décision, seront de fait incluses dans les marchés pertinents correspondants.


I-3.3. Le marché du départ d'appel


Un service de départ d'appel est fourni par un opérateur A :

- pour du trafic vocal interpersonnel, pour permettre l'acheminement de l'appel passé depuis une ligne fixe de l'opérateur A ;

- pour du trafic internet, lorsqu'un utilisateur final bénéficiant d'une ligne fixe d'un opérateur A se connecte à internet bas débit (offres internet bas débit) ;

- pour du trafic services spéciaux, lorsqu'un utilisateur final bénéficiant d'une ligne fixe d'un opérateur A compose le numéro d'une plate-forme de services (en général, un 08 AB, ou un numéro court à 4 chiffres du type 3BPQ).

On dit de l'opérateur qui achète une telle prestation qu'il « collecte » l'appel. Cela signifie qu'il « récupère » le trafic pour en assurer l'acheminement ultérieur sur son propre réseau (ou éventuellement sur celui d'autres opérateurs auprès desquels il sollicite d'autres prestations de gros).


I-3.3.1. Délimitation en termes de produits et services


Le service de départ d'appel considéré ici est associé à plusieurs services de détail, les communications voix au départ des postes téléphoniques en position déterminée, qu'elles soient locales, nationales, internationales ou à destination des mobiles, les communications vers internet (accès bas débit) et les communications vers les plates-formes de services spéciaux. L'Autorité a déjà montré que les prestations de gros sous-jacentes à ses différents trafics sont substituables sur les marchés de gros.

Un opérateur devant collecter un appel au départ d'un abonné d'un opérateur fixe A pourrait théoriquement solliciter une prestation de départ d'appel en plusieurs points d'interconnexion, de niveau hiérarchique plus ou moins élevé dans le réseau.

En particulier, pour collecter, en mode commuté, du trafic au départ d'un utilisateur raccordé sur le réseau de l'opérateur A, l'opérateur a le choix entre :

(i) l'offre d'interconnexion de l'opérateur A, au niveau du premier équipement de commutation traversé sur le réseau de l'opérateur A ;

(ii) l'offre d'interconnexion de l'opérateur A ou d'un opérateur tiers, au niveau d'un équipement de commutation situé plus haut dans le réseau.

La délimitation du marché de gros doit passer par l'analyse de la substituabilité de ces différents produits, en supposant que le marché contient au minimum l'offre d'interconnexion (ii) de l'opérateur A, point de départ de l'analyse.


a) Non-substituabilité de l'offre d'interconnexion à un niveau de commutation supérieur


La quasi-totalité des prestations d'interconnexion échangées aujourd'hui entre les opérateurs sur les marchés considérés sont livrées en mode commuté, sur des interfaces normalisées de type signalisation sémaphore. Si des prestations venaient à être fournies sur d'autres types d'interfaces, et notamment en mode « Voix sur IP », mode pour lequel les logiques économiques et techniques sont différentes, la distinction entre « niveaux hiérarchiques » des points d'interconnexion pourrait perdre de sa pertinence. L'analyse de la substituabilité présentée dans ce paragraphe se restreint au cas de prestations livrées en mode commuté.

(i) Du côté de la demande :

La solution naturelle pour un opérateur, fixe ou mobile, désirant collecter du trafic au départ d'un réseau fixe, consiste à s'interconnecter à ce réseau. Dans ce cas, il s'interconnecte dans des conditions techniques et tarifaires négociées avec l'opérateur de boucle locale.

Il s'agit d'étudier la substituabilité des services de départ tels que proposés aujourd'hui par les opérateurs fixes.

L'interconnexion peut théoriquement être réalisée en tout point de commutation du réseau. En pratique, certains points peuvent s'avérer envisageables pour une interconnexion, et d'autres non, notamment pour des raisons de dimensionnement.

Lorsque deux opérateurs sont interconnectés, l'opérateur de départ est en mesure de livrer l'appel à l'opérateur sollicitant la prestation. Toutefois, dans un schéma où ce dernier connaît la position géographique de l'abonné, il cherchera à récupérer le trafic au point d'interconnexion le plus proche possible de cet abonné.



Ainsi, si l'opérateur est par exemple interconnecté au niveau de l'équipement de commutation de rattachement de l'abonné, l'offre d'interconnexion que propose éventuellement l'opérateur assurant le départ de l'appel à un niveau situé plus haut de son réseau ne constituera pas pour lui un produit de substitution, au regard du coût forcément supérieur de la prestation.

Le choix de déployer ou non ses infrastructures de façon suffisamment capillaire pour interconnecter un point d'interconnexion particulier dépendra ainsi de l'arbitrage économique entre les coûts de déploiement de son propre réseau nécessaire à ce raccordement et le gain réalisé en multipliant les points d'interconnexion.

(ii) Du côté de l'offre :

Par ailleurs, alors que seul l'opérateur responsable des appels sortants de l'abonné (l'opérateur de boucle locale) est techniquement capable d'acheminer l'appel jusqu'au premier équipement de commutation traversé et envisageable pour une interconnexion, tous les opérateurs interconnectés à ce niveau peuvent en revanche gérer la suite de l'acheminement de l'appel.

Par conséquent, seul l'opérateur de boucle locale est en mesure de proposer des offres de départ d'appel au niveau de ces premiers équipements de commutation, alors que tous les opérateurs interconnectés à ce niveau de son réseau sont capables de vendre des offres de départ d'appel, au départ du même abonné, en un point situé plus haut dans le réseau.

En cas de hausse des prix de départ d'appel de l'opérateur de boucle locale, les opérateurs tiers auraient à consentir des coûts trop importants pour dupliquer les infrastructures de boucle locale (ou pour les dégrouper, s'il s'agit de la boucle locale de France Télécom) pour être réellement en mesure de concurrencer cet opérateur sur son offre.

Cas particulier de France Télécom :

Lorsque le réseau de l'opérateur possède différents niveaux hiérarchiques, comme c'est le cas de celui de France Télécom, l'interconnexion peut en particulier se réaliser à ces différents niveaux hiérarchiques.

Sur le réseau de France Télécom, il est ainsi possible de récupérer le trafic au plus proche de l'abonné, soit au niveau du commutateur d'abonnés (prestation de départ d'appel dite « intra CA »), ou de le récupérer « plus haut » dans le réseau, au niveau d'un commutateur de transit, sollicitant ainsi une prestation supplémentaire de transport entre le commutateur de transit et le commutateur d'abonnés, et de commutation (prestation actuelle de simple transit de France Télécom).

Ainsi, si seule France Télécom est techniquement capable d'assurer la prestation de départ d'appel intra CA, tous les opérateurs interconnectés aux CA peuvent en revanche la concurrencer sur la prestation de simple ou double transit.

Ces opérateurs peuvent ainsi collecter le trafic au CA de France Télécom et le livrer, pour le compte d'un opérateur tiers, à un niveau hiérarchique supérieur. Pour ce dernier, il s'agit d'une offre de substitution à l'offre de simple ou double transit de France Télécom.

Pour l'opérateur acheteur, tout se passe donc, dans les deux cas, comme s'il achetait toujours une prestation de départ d'appel intra CA à l'opérateur de boucle locale, à laquelle s'ajoute une éventuelle prestation de « remontée » du trafic jusqu'à un point où il est physiquement présent.

Pour ce qui est des prestations livrées en mode commuté, l'Autorité estime donc justifié de restreindre le marché du départ d'appel aux prestations d'acheminement de trafic livrées au premier équipement de commutation traversé par l'appel sur lequel il est raisonnable de proposer l'interconnexion.


b) Cas de l'interconnexion en mode non commuté


Comme l'a rappelé précédemment l'Autorité, les logiques économiques et techniques de l'interconnexion deviennent différentes lorsque l'on quitte le « monde commuté », et tout particulièrement lorsqu'elles concernent une interconnexion de type VoIP.

En particulier, la nature même de l'élément de routage au niveau duquel il est pertinent, et efficace, techniquement et économiquement, de solliciter une prestation d'interconnexion n'est pas aisément identifiable. A titre d'illustration, le premier élément de routage traversé par une communication issue d'un abonné totalement dégroupé, utilisant une fonctionnalité de voix sur IP pourrait être le DSLAM qui le raccorde. Cependant, il est probable qu'imposer l'interconnexion à ce niveau du réseau serait source d'inefficacité économique du fait que cela impliquerait de fait la mise en place de nombreuses interfaces d'accès sur ces équipements.

Par ailleurs, et une fois identifiée la nature des points d'interconnexion pertinents, appelons-les « routeurs », il n'est pas évident que l'opérateur ait intérêt à solliciter une prestation d'interconnexion au niveau du premier routeur traversé par l'appel.

Pour autant, les opérateurs pourront a priori identifier, au regard de la localisation de l'abonné appelé, l'équipement techniquement et économiquement le plus pertinent sur lequel collecter l'appel au départ dudit abonné. Ils pourront par conséquent choisir de s'interconnecter directement à cet équipement, ou de collecter plutôt l'appel à un autre niveau, sollicitant par là même une prestation supplémentaire de transit.

Par conséquent, pour ce qui est des prestations livrées en mode non commuté, l'Autorité souhaite limiter la définition du départ d'appel à la prestation livrée à l'élément de routage « pertinent ».

Cette définition pourra être le cas échéant affinée lorsque des prestations de ce type seront mises en oeuvre par les opérateurs, et qu'une nouvelle logique d'interconnexion sera précisée.


I-3.3.2. Délimitation en termes géographiques


Pour procéder à la délimitation géographique du marché, il faut tenir compte du fait que France Télécom possède entre 95 % et 99 % en volume des accès au service téléphonique et que son réseau couvre l'ensemble du territoire national, à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, où SPM Télécom possède 100 % du réseau de boucle locale.

L'Autorité estime par ailleurs que les conditions concurrentielles de la fourniture du départ d'appel sont homogènes sur l'ensemble du territoire d'analyse tel que défini en préambule à la présente décision (hors Saint-Pierre-et-Miquelon).

En outre, il n'existe pas d'instruments juridiques législatifs ou réglementaires permettant de déterminer des zones géographiques distinctes.



L'Autorité considère donc que le marché géographique du départ d'appel correspond au territoire d'analyse, à savoir la métropole, les départements d'outre-mer et Mayotte.


I-3.3.3. Conclusion


L'Autorité identifie donc le marché du départ d'appel comme étant le marché de gros sur le territoire d'analyse des prestations nécessaires à l'acheminement d'un appel bande étroite au départ d'une ligne du réseau téléphonique public, depuis le point de terminaison du réseau jusqu'au premier équipement de commutation traversé et sur lequel il est raisonnable de proposer une interconnexion ou jusqu'à un équipement de routage pertinent pour l'interconnexion.


I-3.4. Le marché du transit intra territorial

I-3.4.1. Délimitation en termes de produits et services


Conformément à la recommandation « marchés pertinents » de la Commission, le transit est défini par exclusion des prestations de départ et de terminaison d'appel (17).

Il correspond ainsi à toute prestation d'acheminement fournie au départ ou à destination d'un commutateur ou routeur local d'un ou de plusieurs opérateurs de boucle locale fixes et fournissant eux-mêmes des prestations de départ et de terminaison d'appel en position déterminée.

Ce marché inclut donc :

- les prestations de transit permettant l'acheminement d'appels entre deux réseaux distincts ;

- les prestations de transit fournies de façon groupée avec des prestations de terminaison d'appel et de départ d'appel, et qui permettent de fournir des prestations de « collecte » ou de « terminaison » de bout en bout telles que les prestations actuelles de France Télécom dites de simple transit et de double transit.

Comme rappelé en préambule de cette analyse, le territoire sur lequel l'Autorité est compétente pour mener ses analyses de marché est constitué de 7 territoires géographiquement distincts : la métropole, chacun des départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par conséquent, une prestation de transit peut être offerte au sein même d'un de ces territoires (on parlera de transit intra territorial), ou entre deux d'entre eux (on parlera de transit inter territoires).

Ainsi, au sein du marché du transit tel que défini par la Commission dans sa recommandation « marchés pertinents », l'Autorité a analysé distinctement ces deux types de prestations. Cette distinction est justifiée par des considérations relevant de critères de substituabilité exposées ci-après.

L'Autorité analyse ici les prestations de transit « intra territorial ».

En sont ainsi exclues les prestations de transit offertes entre deux des territoires suivants : la métropole, chacun des départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.


(17) Cf. p. 21 de l'exposé des motifs de la recommandation de la Commission.




a) Non-substituabilité des prestations de transit intra territorial

avec les prestations de transit inter territoires


Le territoire français sur lequel s'applique le code des postes et des communications électroniques est constitué de 7 territoires géographiquement distincts : la métropole, les départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Une prestation de transit peut être fournie entre deux équipements de réseau d'un même territoire, ou entre des équipements de réseau situés sur deux de ces territoires.

Pour être en mesure d'offrir des prestations de transit inter territoires, un opérateur doit contrôler des infrastructures reliant les différents territoires, tels des câbles sous-marins ou des liaisons satellitaires. Au contraire, pour être en mesure d'offrir de telles prestations au sein d'un même territoire, un opérateur n'a pas besoin de contrôler de telles infrastructures.

Du fait de conditions concurrentielles spécifiques à ces infrastructures, l'Autorité estime que les prestations de transit intra et inter territoires ne sont pas substituables entre elles du côté de l'offre.

Ces prestations sont donc incluses dans des marchés de produits distincts.

On parlera par la suite du transit intra territorial et du transit inter territorial pour identifier ces deux types de produits.


b) Substituabilité entre les prestations fournies

sur les différents segments techniques de réseau


Le territoire national peut être délimité en plusieurs « régions » de transit. Ces régions, pour des raisons historiques, correspondent aux zones de transit de France Télécom précédemment définies. En effet, la présence et l'architecture du réseau de France Télécom ont structuré le marché autour des prestations qu'elle fournit.

Ainsi, France Télécom fournissant des prestations de transit au sein de chaque zone de transit (18), mais aussi entre zones de transit (19), on parlera respectivement de « transit régional » et de « transit national ».

D'un point de vue technique, le transit régional et le transit national peuvent ne pas s'appuyer sur les mêmes segments de réseau. Ainsi, France Télécom assure ses prestations de transit régional par les segments de réseau CA-CT, et ses prestations de transit national par les segments de réseau CT-CT.

L'Autorité estime que les prestations de transit fournies sur les différents segments techniques de réseau, et notamment les prestations de transit fournies entre commutateurs d'abonnés (CA) et commutateurs de transit (CT) de France Télécom et prestations de transit fournies entre commutateurs de transit, doivent toutefois être considérées comme appartenant à un même marché de produit pertinent.

Cette conclusion s'appuie sur des arguments relevant tant de critères de substituabilité du côté de la demande que de critères de substituabilité du côté de l'offre.



(i) Du côté de la demande :

Du côté de la demande, toutes les prestations de transit sont achetées à une même fin : celle de répondre aux objectifs de connectivité avec l'ensemble des réseaux et des utilisateurs.

Les prestations de transit régional et les prestations de transit national sont ainsi utilisées à une même fin par leurs acheteurs, et présentent par conséquent un fort degré de substituabilité du côté de la demande.

A l'évidence, et pour des raisons techniques et économiques d'optimisation, les opérateurs s'appuieront sur l'un ou l'autre de ces types de prestations, selon la capillarité de leur réseau, mais cela ne peut justifier en soi une distinction de ces prestations dans des marchés distincts.

(ii) Du côté de l'offre :

L'Autorité estime que, même si ces deux types de prestations font l'objet notamment de conditions d'entrée sur le marché différentes, les caractéristiques des offres proposées sur le marché du transit justifient leur inclusion dans un même marché, et cela pour les raisons suivantes.

En premier lieu, l'organisation des réseaux des opérateurs alternatifs ne correspond généralement pas à celle de France Télécom, car ces opérateurs ont tendance à limiter au maximum la décentralisation des fonctions de commutation sur le territoire du fait de l'insuffisance des volumes de trafic qu'ils acheminent.

Ainsi les prestations de transit des opérateurs alternatifs ne peuvent généralement être considérées comme comparables avec l'une ou l'autre des prestations de CA-CT (transit régional) ou de CT-CT (transit national) de France Télécom prises séparément.

En second lieu, l'évolution actuelle des techniques utilisées pour l'acheminement des appels en « bande étroite » tend à remettre en cause la pertinence de la fixation d'une frontière entre transit régional et transit national.

En effet, les phénomènes liés au déploiement progressif des réseaux de nouvelle génération ne seront pas sans effet sur l'architecture future des réseaux.

Il convient d'assurer que la délimitation de marché retenue soit suffisamment stable sur une période raisonnablement longue, à tout le moins à l'horizon de la présente analyse, afin qu'elle puisse être interprétée sans ambiguïté par les acteurs du marché lorsque les prestations ainsi régulées évoluent.

A cet égard, il apparaît que les prestations de transit actuelles, notamment celles relevant de l'acheminement entre commutateurs de transit fournies par France Télécom, sont susceptibles d'évoluer à moyen terme vers une simplification qui pourrait modifier de façon appréciable la frontière entre transit régional et transit national telle qu'elle pourrait être définie aujourd'hui.


(18) Au sein de l'offre de simple transit, comprenant, en sus, une prestation de départ d'appel ou de terminaison d'appel. (19) Au sein de l'offre de double transit.




c) Substituabilité entre elles des prestations de transit

entre l'ensemble des réseaux de communications électroniques


Un opérateur peut assurer, pour le compte d'un opérateur tiers, un acheminement de trafic en transit entre le réseau de cet opérateur et son propre réseau, ou entre le réseau de cet opérateur et le réseau d'un autre opérateur (on parlera dans ce dernier cas de transit inter opérateurs).

Il y a donc autant de produits « transit » que de relations possibles entre les réseaux des différents opérateurs.

L'Autorité estime toutefois que toutes ces prestations font partie d'un même marché de produits, et se fonde pour cela sur une analyse de leurs degrés de substituabilité du côté de l'offre et de la demande.

(i) Du côté de la demande :

De manière analogue à l'analyse de la substituabilité côté demande des prestations de transit fournies sur les différents segments techniques de réseau, l'Autorité s'appuie sur le fait que toutes les prestations de transit sont achetées à une même fin : celle de répondre aux objectifs de connectivité avec l'ensemble des réseaux et des utilisateurs.

Ainsi, le fait qu'une prestation donnée ne permette que la connectivité avec le réseau d'un seul opérateur ne peut en soi justifier d'isoler cette prestation dans un marché spécifique du transit vers ledit réseau.

(ii) Du côté de l'offre :

De même, les prestations de transit au départ et à destination de l'ensemble des réseaux des opérateurs sont généralement vendues ensemble, dans des offres globales.

Il est toutefois possible que l'opérateur qui vend ces prestations ne soit pas capable d'assumer techniquement l'acheminement au départ ou à destination des réseaux de certains opérateurs, avec lesquels il n'est pas interconnecté. Dans ce cas, cet opérateur peut sous-traiter la prestation à un opérateur techniquement à même de l'assurer. Cela explique qu'il existe des conditions concurrentielles différentes pour la fourniture des prestations de transit, selon les réseaux entre lesquels l'acheminement de trafic est assuré. Cette variété de conditions concurrentielles ne justifie toutefois pas la définition de marchés de produits distincts.

Cette analyse rejoint d'ailleurs celle conduite par la Commission sur le marché du transit dans sa recommandation (20) : « Même s'il est probable que certains éléments de ce marché de services de transit deviendront concurrentiels plus rapidement que d'autres (...) on ne peut pas partir du principe que certaines formes d'acheminement d'appels commutés (d'un opérateur historique vers le réseau d'un nouvel arrivant) sont automatiquement différentes des autres formes d'acheminement d'appels commutés (entre les réseaux de deux nouveaux arrivants). »

De même, comme le précise encore la Commission (21), la délimitation des marchés, d'une part, et la définition et l'application de mesures correctrices, d'autre part, sont deux questions qui doivent s'envisager séparément.

Ainsi, la nécessité de remédier à des difficultés spécifiques liées à la fourniture de certaines prestations d'un marché plus vaste ne justifie pas en elle-même la définition d'un marché de produit spécifique pour ces prestations.



(iii) Conclusion :

L'Autorité considère qu'il existe un marché de produits de l'acheminement de tout trafic bande étroite acheminé en transit entre deux points d'interconnexion situés sur le même territoire, quels que soient leurs réseaux d'appartenance et leurs niveaux hiérarchiques.


(20) Cf. exposé des motifs de la recommandation, p. 20. (21) Cf. exposé des motifs de la recommandation, p. 13.




I-3.4.2. Délimitation en termes géographiques


France Télécom, dans sa réponse de 2003 aux questionnaires de l'Autorité, a estimé que la partition naturelle du territoire que constituent ses zones de transit doit servir de base à une segmentation géographique des marchés de gros, au vu des conditions concurrentielles différentes qui existent entre les zones de transit correspondant aux régions denses, et celles correspondant aux régions peu denses.

France Télécom estimait qu'il était nécessaire de segmenter le marché du transit en métropole pour tenir compte des différences de densité concurrentielle selon ses zones de transit, en avançant notamment le niveau de raccordement de ses CA dans 14 de ses 18 zones de transit.

Les « lignes directrices » de la Commission, paragraphe 57, soulignent que « la délimitation géographique des marchés s'effectue suivant les mêmes principes que ceux indiqués [dans la partie relative à la délimitation des marchés de produits] pour l'appréciation des possibilités de substitution du côté de l'offre et de la demande en cas d'augmentation des prix relatifs ». La Commission préconise ainsi l'utilisation du « test du monopoleur hypothétique » tel que précisé en introduction à la présente décision.

L'Autorité reconnaît que le raccordement des commutateurs d'abonnés de France Télécom est effectivement plus développé dans certaines zones que dans d'autres. Cela étant, une analyse des possibilités de substitution du côté de l'offre suffit à montrer qu'en cas d'augmentation des prix relatifs des prestations de transit de France Télécom sur certaines zones des opérateurs feront le choix de raccorder quelques commutateurs d'abonnés supplémentaires pour proposer des offres compétitives d'acheminement en transit. Par conséquent, sur la base de la conduite systématique d'un tel test du monopoleur hypothétique, aucune frontière ne peut être clairement identifiée entre « zones de forte densité de raccordement » et « zones de faible densité de raccordement ».

Les différences de niveau de raccordement s'expliquent par ailleurs par l'importance des volumes de trafic acheminés sur ces zones par des opérateurs alternatifs, ou, autrement dit, par la prise de parts de marché au niveau des marchés de détail par les opérateurs alternatifs (le trafic au départ des abonnés de France Télécom reste captif). En aucun cas ces différences ne peuvent s'expliquer par des facteurs structurels justifiant une segmentation géographique des marchés de gros. En conséquence, les niveaux de raccordement des opérateurs alternatifs pourront évoluer en fonction du développement de la concurrence sur les marchés de détail, lesquels ont été définis sur le territoire d'analyse.

L'Autorité estime par ailleurs que les conditions concurrentielles de la fourniture du transit intra territorial sont homogènes sur l'ensemble du territoire d'analyse.

En outre, il n'existe pas d'instruments juridiques législatifs ou réglementaires permettant de déterminer des zones géographiques distinctes.

L'Autorité estime qu'il est donc nécessaire de définir le marché du transit intra territorial sur le territoire d'analyse.


I-3.4.3. Conclusion


L'Autorité définit par conséquent le marché du transit intra territorial sur le territoire d'analyse. Il inclut les prestations permettant l'acheminement de tout trafic bande étroite acheminé en transit entre deux commutateurs ou routeurs, quels que soient leurs réseaux d'appartenance et leurs niveaux hiérarchiques.


I-3.5. Les marchés du transit inter territoires


L'Autorité analyse à présent les prestations de transit inter territoires mentionnées au point précédent.

Ces prestations présentent des caractéristiques propres du fait de l'utilisation d'infrastructures de transmission spécifiques telles que des câbles sous-marins ou des liaisons satellitaires.


I-3.5.1. Délimitation en termes de produits et services


Les éléments principaux justifiant la définition des marchés pertinents du transit inter territoires sont :

- la non-substituabilité avec les prestations de transit intra territorial ;

- la substituabilité des prestations réciproques « territoire 1 territoire 2 » et « territoire 2 territoire 1 » ;

- la non-substituabilité entre elles des prestations sur les différentes relations retenues.


(a) Non-substituabilité des prestations de transit inter territoires

et des prestations de transit intra territorial


L'Autorité a déjà justifié le fait que les prestations d'acheminement de trafic en transit entre deux commutateurs d'un même territoire ne sont pas substituables avec les prestations de transit inter territoires.


b) Substituabilité des relations réciproques

« territoire 1 territoire 2 » et « territoire 2 territoire 1 »


L'Autorité estime que, du côté de l'offre, les prestations d'acheminement d'un territoire 1 à un territoire 2 et celles consistant à acheminer le trafic en sens inverse, du territoire 2 vers le territoire 1, sont substituables.

En effet, un opérateur possédant les moyens de production nécessaires à l'acheminement de trafic dans un sens est en mesure, sans avoir à les modifier de manière substantielle et coûteuse, d'acheminer du trafic dans l'autre sens.

Les marchés de « relations de transit » définis ici seront donc systématiquement bidirectionnels.


c) Non-substituabilité des prestations d'acheminement sur des relations distinctes


Pour les mêmes raisons que celles invoquées pour justifier une définition distincte du marché du transit intra territoire et fondées sur des logiques de non-substituabilité du côté de l'offre, on doit considérer, concernant ces prestations de transit inter territoires, que les différentes relations existantes, à savoir par exemple métropole-Réunion, métropole-Guyane, Guyane-Réunion, etc., ne font pas non plus partie d'un marché pertinent unique.



En effet, si un opérateur est par exemple présent sur le marché de la fourniture de prestations de transit entre la métropole et la Réunion, il ne pourra, sans investir de manière conséquente, acquérir les moyens de production nécessaires à l'acheminement de trafic entre la métropole et la Guyane.

Il faudrait donc définir autant de marchés pertinents que de relations de transit entre deux territoires.

L'Autorité estime toutefois que certaines prestations ne doivent pas faire l'objet de marchés pertinents spécifiques. En effet, au vu des informations dont elle dispose et des volumes de trafic en cause, il apparaît qu'une prestation de transit entre un territoire 1, situé sur l'océan Indien (Réunion ou Mayotte) et un territoire 2, situé de l'autre côté de l'océan Atlantique (Guadeloupe, Martinique, Guyane ou Saint-Pierre-et-Miquelon), se découpe en fait en une prestation de transit entre le territoire 1 et la métropole et une prestation de transit entre la métropole et le territoire 2.

De même, une prestation de transit entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guyane, la Martinique ou la Guadeloupe, se découpe de manière analogue en une prestation de transit Saint-Pierre-et-Miquelon-métropole et métropole-Guyane (ou métropole-Martinique ou métropole-Guadeloupe).

Il n'est par conséquent pas justifié d'identifier comme marchés pertinents les prestations d'acheminement de trafic sur les relations Réunion-Guadeloupe, Réunion-Guyane, Réunion-Martinique, Réunion-Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte-Guadeloupe, Mayotte-Guyane, Mayotte-Martinique, Mayotte-Saint-Pierre-et-Miquelon, Guyane-Saint-Pierre-et-Miquelon, Martinique-Saint-Pierre-et-Miquelon et Guadeloupe-Saint-Pierre-et-Miquelon.


I-3.5.2. Délimitation en termes géographiques


La délimitation des marchés inter territoires en termes de produits et de services correspond également par nature à leur délimitation géographique.


I-3.5.3. Conclusion


L'Autorité définit donc les marchés du transit inter territoires comme étant les marchés des prestations permettant l'acheminement d'appels bande étroite entre deux points d'interconnexion situés de part et d'autre de chacune des relations suivantes :

métropole-Martinique ;

métropole-Guadeloupe ;

métropole-Guyane ;

métropole-Réunion ;

métropole-Mayotte ;

métropole-Saint-Pierre-et-Miquelon ;

Guadeloupe-Martinique ;

Guadeloupe-Guyane ;

Guyane-Martinique ;

Réunion-Mayotte.

L'analyse de la puissance (cf. infra) proposera toutefois un regroupement de ces marchés en trois groupes de marchés possédant des caractéristiques concurrentielles suffisamment homogènes pour en permettre une analyse conjointe.


I-3.6. Le marché de la terminaison d'appel vers les numéros

géographiques sur le réseau de France Télécom


Le marché considéré dans cette partie est celui des prestations de gros de terminaison d'appel vendues par France Télécom pour l'acheminement des numéros géographiques.

La terminaison d'appel correspond à une prestation offerte entre un point de commutation ou de routage et un utilisateur.

L'Autorité n'analyse ici que le marché de la terminaison d'appel à destination de numéros géographiques de France Télécom, identifiés conformément à la segmentation du territoire en zones de numérotation élémentaires définie dans le plan national de numérotation établi par l'Autorité dans sa décision no 98-75 modifiée en date du 3 février 1998 approuvant les règles de gestion du plan national de numérotation. Ces numéros sont dits « géographiques » en ce qu'ils contiennent une information sur la localisation géographique des installations qu'ils désignent.

Cette analyse ne couvre donc pas le cas des prestations de terminaison des appels interpersonnels fournies par France Télécom dans le cadre des récentes offres commerciales de Wanadoo permettant aux abonnés d'être joints sur des numéros non géographiques (du type 087B).

L'Autorité estime en effet que les prestations de terminaison d'appel fournies dans ce cas sont techniquement différentes, et soumises à des conditions concurrentielles différentes, étant donné que l'opérateur désirant terminer l'appel ne connaît pas la localisation géographique de l'appelé, et qu'il n'est donc pas en mesure de livrer l'appel au plus près de l'appelé, comme il s'efforce de le faire dans le cas d'un numéro géographique.

Elle estime par ailleurs qu'il est trop tôt pour mener une analyse pertinente de l'ensemble des critères de puissance listés par la Commission européenne sur ces prestations, et tout particulièrement l'existence ou non de contre-pouvoirs d'acheteurs sur ces marchés. Elle sera particulièrement vigilante à l'évolution de ce marché.

L'analyse de l'Autorité est confirmée sur ce point par l'avis du Conseil de la concurrence sur l'analyse des marchés de la terminaison d'appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes (22), où il précise que « la pression concurrentielle pouvant s'exercer entre les tarifs de terminaison d'appel sur des numéros géographiques d'une part, et sur des numéros non géographiques d'autre part, paraît trop faible pour pouvoir considérer que ces prestations appartiennent au même marché pertinent, que ces tarifs soient fixés par le même opérateur ou deux opérateurs différents ».


(22) Avis no 2005-A-10 du 11 mai 2005.







I-3.6.1. Délimitation du marché pertinent en termes de produits et services

a) Substituabilité entre elles de l'ensemble des prestations

de terminaison d'appel de France Télécom


Lorsque l'on veut définir un marché pertinent en se basant sur des possibilités de substitution du côté de la demande et de l'offre, il est justifié de partir d'une définition restreinte et de l'étendre ensuite (23).

Dans le cas présent, le point de départ est la terminaison d'appel vers une position, un abonné ou un numéro déterminé.

Cependant, il serait difficile pour un opérateur fournissant une terminaison d'appel en gros d'établir une distinction entre les différents abonnés ou positions sur son réseau.

Au demeurant, l'observation du marché permet de constater que France Télécom, ainsi d'ailleurs que chacun des opérateurs de boucle locale, vend la « connectivité » globale à son réseau, via des prestations de terminaison d'appel permettant d'adresser l'ensemble de ses abonnés.

Par conséquent, le marché pertinent contient au moins l'ensemble des prestations de terminaison d'appel offertes par France Télécom sur son réseau.


(23) Paragraphe 41 des « lignes directrices » de la Commission européenne susvisée.




b) Non-substituabilité entre les prestations de terminaison d'appel

fournies par France Télécom et celles d'un autre opérateur


Pour déterminer si une définition plus large est souhaitable, il convient d'examiner les possibilités de substitution du côté de la demande et de l'offre qui pourraient influer sur la fixation des redevances de terminaison d'appel sur un réseau donné.

A cet égard, lorsqu'un opérateur A souhaite terminer un appel vers un abonné d'un opérateur B, il ne dispose d'aucune solution de substitution à la prestation de terminaison d'appel de cet opérateur B, seul ce dernier étant capable d'acheminer l'appel sur la dernière partie du réseau, jusqu'à son abonné. Il en résulte que les prestations de terminaison d'appel fournies par des opérateurs distincts ne peuvent être considérées comme substituables du point de vue de l'offre.

Selon certains opérateurs alternatifs, le fait que France Télécom dispose d'infrastructures de boucle locale déjà installées chez l'ensemble des clients sur une zone géographique couverte par un opérateur de boucle locale, et en particulier chez les clients raccordés aux opérateurs de boucle locale alternatifs, fournirait la possibilité à ces derniers de conserver un double raccordement chez France Télécom et chez l'opérateur alternatif. Cette possibilité justifierait de considérer que les prestations de terminaison d'appel fournies par un opérateur alternatif et celles fournies par France Télécom sur la même zone géographique sont substituables du point de vue de l'offre et ainsi appartiennent au même marché pertinent. L'Autorité estime à cet égard que cette « possibilité » ne permet pas de conclure à la substituabilité effective des prestations de terminaison d'appel fournies par deux OBL, un appel étant terminé vers un numéro du plan national de numérotation déclaré sur un unique réseau et donc sur un branchement unique.

Deux prestations de terminaison d'appel vers un même client ne peuvent donc être considérées comme substituables l'une avec l'autre du point de vue de la demande. En conséquence, il y a lieu de considérer que les prestations de terminaison d'appel géographiques fournies sur des réseaux distincts appartiennent à des marchés pertinents distincts.

L'Autorité estime donc nécessaire de définir un marché de produits de la terminaison d'appel spécifique au réseau de France Télécom.

Il convient de noter que dans son avis sur l'analyse des marchés de la terminaison d'appel géographiques sur les réseaux alternatifs fixes précités, le Conseil de la concurrence a confirmé une telle analyse pour des marchés similaires par leur nature à celui-ci (24).


(24) Cf. point 8 de l'avis du Conseil no 2005-A-10 du 11 mai 2005.




c) Les offres couplant terminaison et transit ne font pas partie du marché


Le raisonnement mené ici suit la même logique que celle retenue dans le cadre de l'analyse du périmètre de la prestation de départ d'appel.

Ainsi, les offres de terminaison sur un réseau donné incluant le transit vers ce même réseau, notamment les offres de terminaison simple transit et double transit de France Télécom, ne peuvent être considérées comme des substituts à la terminaison d'appel vendue par France Télécom au niveau de ses commutateurs d'abonnés, dès lors que, dans le cas de communications à destination de numéros géographiques, l'opérateur désirant terminer l'appel connaît la position du dernier élément de commutation sur lequel il est pertinent de solliciter l'interconnexion. Ces offres de « terminaison d'appel + transit » doivent en effet être considérées, dans la segmentation des marchés retenue par l'Autorité, comme un couplage entre deux prestations faisant partie de deux marchés distincts, à savoir le transit d'une part et la terminaison d'appel d'autre part, laquelle, encore une fois, ne saurait être vendue que par l'opérateur de boucle locale.


I-3.6.2. Délimitation en termes géographiques


Dans la mesure où le marché de produits a été défini comme étant la terminaison d'appel sur le réseau individuel de France Télécom, la dimension géographique du marché de la terminaison d'appel sur ce réseau coïncide avec la couverture géographique du réseau de boucle locale de cet opérateur.


I-3.6.3. Conclusion


L'Autorité identifie donc le marché de la terminaison d'appel comme étant le marché de gros sur le territoire d'analyse des prestations nécessaires à l'acheminement d'un appel bande étroite depuis le dernier élément de commutation traversé sur lequel il est raisonnable de proposer l'interconnexion, ou depuis l'équipement de routage pertinent pour l'interconnexion, jusqu'au point de terminaison du réseau chez l'utilisateur final.



I-3.7. Pertinence des marchés de gros identifiés


La recommandation « marchés pertinents » définit trois marchés de gros : les prestations de départ d'appel sur le réseau téléphonique public en position déterminée, la terminaison d'appel sur divers réseaux téléphoniques publics individuels en position déterminée et les services de transit sur le réseau téléphonique public fixe.

Il convient de rappeler que, concernant la terminaison d'appel, la présente analyse ne couvre que la terminaison d'appel à destination des numéros géographiques sur le réseau de France Télécom, la situation des opérateurs alternatifs étant examinée dans une analyse distincte.

En premier lieu, la Commission recommande aux ARN de définir des marchés du départ d'appel, de la terminaison d'appel et du transit qui « se cumulent, la somme des trois constituant l'ensemble » (25), si bien que « si le départ d'appel et la terminaison d'appel sont déjà définis, le transit l'est également par défaut ». L'Autorité a effectué une segmentation à périmètre constant, la somme des prestations analysées dans ces différents marchés recouvrant bien le périmètre du marché 10 de la Commission.

La Commission européenne a estimé qu'il existait sur ces marchés des obstacles à une concurrence effective tels qu'une régulation ex ante pourrait être considérée comme nécessaire.

L'Autorité considère que l'analyse des marchés de gros qui est présentée par la Commission dans sa recommandation est pertinente dans le contexte français. En particulier, il existe sur ces marchés de fortes barrières à l'entrée et des effets d'échelle importants qui sont susceptibles de conduire un opérateur disposant d'une forte part de marché à exercer une influence significative sur ce marché.

Il convient en effet de constater que ces marchés sont marqués par la présence de l'opérateur historique sur l'ensemble de ces marchés.

Or, il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer la boucle locale mais aussi le réseau de commutation de niveau local (les commutateurs d'abonnés) du réseau de France Télécom. A titre indicatif, et comme il sera rappelé dans l'analyse de la puissance de marché qui suit, on évalue à 28 milliards d'euros le coût de reconstruction à neuf de la boucle locale (26), et à respectivement 9,02 milliards d'euros et 4.68 milliards d'euros (27) les investissements initiaux en réseau général (28) (transmission et commutation) et en génie civil consentis par France Télécom.

Ainsi, la présence d'importants coûts irrécupérables, notamment de génie civil et de transmission, a pour effet de limiter l'entrée d'opérateurs concurrents sur ces marchés. C'est pourquoi elle n'est généralement envisagée que dans deux cas principaux : dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser des investissements nécessaires, ou en ayant recours aux offres de gros de l'opérateur historique.

Le développement de la concurrence sur l'ensemble de ces marchés de gros est donc progressif et nécessite à l'horizon de la présente analyse une régulation ex ante.

En effet, pour l'ensemble de ces marchés, la régulation ex ante dispose d'outils adaptés. Elle est nécessaire pour qu'une concurrence pérenne puisse se développer sur un terme suffisamment long. Ces outils spécifiques à la régulation ex ante sont notamment les obligations de contrôle tarifaire ou encore la mise en place et le suivi d'obligations de séparation comptable. Le seul droit de la concurrence apparaît donc comme insuffisant pour remédier aux problèmes de concurrence existant sur ces marchés.

Plus précisément, en ce qui concerne le marché du départ d'appel, il convient de constater qu'il repose essentiellement sur l'infrastructure de la boucle locale de l'opérateur historique, laquelle constitue une facilité essentielle. Ce marché est donc constitué de fortes barrières à l'entrée. Elles ont nécessairement pour effet, en l'absence de régulation ex ante, d'empêcher le développement d'une concurrence dynamique à l'horizon de la présente analyse, dans la mesure où France Télécom dispose du réseau le plus capillaire sur le territoire d'analyse, qui rend l'accès aux clients qu'il raccorde indispensable pour l'activité de tout opérateur de communications électroniques.

Pour ce qui est des marchés du transit, l'Autorité a distingué les prestations relevant du transit inter territoires de celles relevant du transit intra territorial pour tenir compte de la spécificité du territoire français, constitué de 7 territoires géographiquement distincts. Toutefois, l'ensemble de ces marchés correspond effectivement au marché 10 de la recommandation « marchés pertinents ».

Sur les marchés inter territoires, les barrières à l'entrée sont toutes aussi élevées que pour le marché du départ d'appel. En effet, bâtir des offres compétitives sur ces marchés nécessite l'accès à des infrastructures difficiles à dupliquer, si ce n'est impossible à l'horizon de la présente analyse (câbles sous-marins notamment). Il n'est donc pas possible d'envisager une évolution vers une situation de concurrence effective sans intervention d'une régulation ex ante pour les raisons exposées ci-dessus.

En ce qui concerne le marché intra territorial, l'Autorité estime qu'il existe toujours de nombreuses barrières à l'entrée en raison de la présence sur ce marché d'un opérateur historique disposant d'un réseau très capillaire qui le rend à ce jour encore indispensable. Ainsi, les opérateurs alternatifs potentiellement vendeurs de transit n'auront vocation à s'interconnecter directement avec les opérateurs tiers générant du trafic au départ ou à destination de leurs réseaux qu'à la condition de prévoir un volume de trafic suffisant pour rentabiliser les coûts de raccordement. En particulier, les petits opérateurs de boucle locale répondent rarement à ce critère, d'autant qu'ils sont, pour des raisons historiques, déjà raccordés au réseau de France Télécom.

S'il existe à ce jour une ouverture de ce marché à la concurrence, l'Autorité considère que ce marché nécessite encore une régulation ex ante pour favoriser et accompagner ce nouveau développement de la concurrence. Toutefois, si la situation devait évoluer plus rapidement, l'Autorité sera dans l'obligation de mener une nouvelle analyse de marché anticipée afin d'en tirer les conséquences.

Enfin, pour ce qui est du marché de la terminaison d'appel sur le réseau de France Télécom, il ressort de sa définition même, à savoir le marché de gros de la terminaison des appels à destination de numéros géographiques sur le réseau de France Télécom, que seul cet opérateur peut fournir les prestations concernées. La fourniture réciproque de ces prestations de gros par tous les opérateurs de boucle locale est l'une des conditions essentielles pour garantir la possibilité que tout abonné du service téléphonique en France soit en mesure de joindre tout autre abonné, quel que soit l'opérateur de boucle locale auquel ce dernier est raccordé. Il n'est par ailleurs pas envisageable de considérer que la concurrence pourrait se développer sur le marché de la terminaison d'appel de France Télécom.



De plus, sur ce marché, France Télécom est dans une position qui ne l'incite pas, où très peu, à fixer des charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels » c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.

Or, les tarifs de ces prestations d'interconnexion présentent des enjeux concurrentiels importants pour les opérateurs de boucle locale. En effet, pour un opérateur de boucle locale, la charge d'achat de la terminaison d'appel aux opérateurs concurrents, et en premier lieu France Télécom pour un opérateur alternatif, détermine dans une certaine mesure les tarifs qu'il peut offrir à ses propres abonnés pour les appels vers les abonnés des autres réseaux. Inversement, la vente de cette prestation sur leur propre réseau aux opérateurs concurrents détermine également dans une certaine mesure le niveau des tarifs qu'ils peuvent proposer à leurs abonnés pour les appels vers leur réseau.

Cette situation donne lieu à des négociations nécessairement difficiles pour la définition des niveaux de ces tarifs (cf. nombre important de règlements de différends déposés à ce sujet depuis 1998 : en 1999 entre les sociétés Cegetel Entreprises et France Télécom, fin 2001, entre les sociétés UPC France et France Télécom, en 2003, entre les sociétés Estel, Completel, UPC et France Télécom), chaque opérateur pouvant être tenté d'augmenter ses propres tarifs de terminaison d'appel pour maximiser les revenus qu'il tire de la facturation de cette prestation à ses concurrents afin d'augmenter sa compétitivité sur le marché et, en même temps, de défavoriser les tarifs de ces derniers.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'Autorité considère que les marchés tels que définis ci-dessus doivent être déclarés pertinents au titre de la régulation sectorielle des communications électroniques.

Pour mémoire, ces marchés sont les suivants :

- le marché de gros des prestations de départ d'appel fournies sur des accès en position déterminée, sur le territoire d'analyse ;

- le marché de gros des prestations de transit intra territorial sur le territoire d'analyse ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Martinique ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Guadeloupe ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Guyane ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Réunion ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et Mayotte ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Guadeloupe et la Martinique ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Guadeloupe et la Guyane ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Martinique et la Guyane ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Réunion et Mayotte ;

- le marché de gros de la terminaison des appels à destination de numéros géographiques sur le réseau de France Télécom.


(25) P. 21 de l'exposé des motifs de la recommandation de la Commission précitée. (26) Consultation publique de l'Autorité sur les méthodes de valorisation de la boucle locale cuivre, avril 2005, p. 4. (27) Etude TERA pour le sous-comité économique du comité de l'interconnexion de septembre 2001. (28) Soit l'ensemble du réseau hors la boucle locale.




I-3.8. Le cas du transit international


La Commission n'a pas listé le marché du transit international dans sa recommandation « marchés pertinents ».

Par ailleurs, les tarifs des prestations de transit de France Télécom vers l'international ne sont plus contrôlés depuis plus de trois ans.

En effet, les décisions no 2000-278 et no 2000-635 (respectivement datées des 17 mars et 28 juin 2000) de l'Autorité avaient déjà autorisé France Télécom à retirer 28 destinations internationales de son offre technique et tarifaire d'interconnexion (29), avant que la décision no 2000-1109 en date du 27 octobre 2000 approuvant l'offre technique et tarifaire d'interconnexion de France Télécom pour l'année 2001 ne « [prenne] note et approuve la suppression de l'ensemble des destinations internationales du catalogue d'interconnexion 2001 au vu des évolutions du marché ».

Pour adopter ces décisions, l'Autorité avait analysé l'impact de ces suppressions au regard :

- de l'existence d'infrastructures alternatives ;

- de la part de marché captée par les offres inscrites au catalogue d'interconnexion de France Télécom parmi le trafic international sortant issu des opérateurs nouveaux entrants ;

- des positions exprimées par les opérateurs entrants, destination par destination.

L'Autorité note par ailleurs que l'absence, dans les quatre dernières offres techniques et tarifaires d'interconnexion de France Télécom, de l'ensemble des destinations internationales, qui s'accompagne d'une absence de contrôle tarifaire sur l'ensemble des prestations d'acheminement de trafic international, n'a pas suscité de réactions négatives de la part des opérateurs alternatifs.

Pour autant, même si France Télécom a été autorisée à retirer les destinations internationales de son offre technique et tarifaire d'interconnexion, elle restait soumise sur ce marché à des obligations de transparence, de non-discrimination et d'orientation vers les coûts, ainsi qu'à l'obligation de négocier de bonne foi l'interconnexion avec les opérateurs alternatifs.

Compte tenu des éléments précédents, l'Autorité pense qu'il n'est plus nécessaire de maintenir une régulation ex ante sur ce marché, dans la mesure où il n'est plus avéré que des barrières à l'entrée empêchent les opérateurs alternatifs de se positionner sur ce marché et où la concurrence semble s'y développer d'une façon satisfaisante.

Par conséquent, l'Autorité ne définit pas le marché de gros du transit vers l'international comme pertinent au titre de la régulation sectorielle. Cette décision a donc pour effet de lever l'ensemble des obligations qui s'appliquent aujourd'hui sur ces prestations.

L'Autorité pourra toutefois réexaminer sa position, en tant que de besoin, au vu des évolutions constatées sur le marché.


(29) Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chine, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, Grèce, Hong Kong, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Malaisie, Monaco, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Singapour, Suède et Suisse, puis Turquie dans un deuxième temps.




I-4. Commentaires sur l'analyse de l'Autorité


La définition des marchés pertinents prévue par l'Autorité a fait l'objet d'un avis du Conseil de la concurrence (I-4.1) et d'observations de la Commission européenne (I-4.2).



I-4.1. Avis du Conseil de la concurrence


Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité a sollicité l'avis du Conseil de la concurrence, notamment sur la délimitation des marchés pertinents, le 5 janvier 2005. Le Conseil de la concurrence a rendu public son avis no 2005-A-05 le 16 février 2005 (30).

Pour ce qui concerne les marchés de détail de la téléphonie fixe, les commentaires du Conseil de la concurrence portent principalement sur la délimitation des marchés. Les principales conclusions sur ces marchés concernent en effet les points suivants :

- la méthodologie concernant la démonstration de l'inefficacité du droit de la concurrence, et la subdivision jugée inutile de certains marchés ;

- la voix sur large bande, dont le Conseil de la concurrence a estimé qu'elle devait être incluse dans les services de téléphonie fixe ;

- les communications à destination de prestataires de services, qui constituent, selon le Conseil de la concurrence, un marché de détail pertinent.

« 72. Le Conseil de la concurrence partage, dans ses grandes lignes, l'analyse des marchés effectuée par l'ART, compte tenu de l'examen de la substituabilité du côté de l'offre et de la demande. (...)

« 73. D'un point de vue méthodologique, le Conseil de la concurrence estime toutefois que l'ART a insuffisamment étayé le caractère "régulable des marchés qu'elle délimite. Il souligne que l'ART ne peut se dispenser d'une analyse concurrentielle des marchés, en regard notamment des trois critères fixés par la Commission européenne dans la recommandation du 11 février 2003 dont le dernier doit s'attacher à rechercher si le droit de la concurrence est apte à remédier à lui seul aux défaillances constatées des marchés. Au terme de son analyse, le conseil estime pour sa part que la segmentation en "sous-marchés de services opérée par l'ART dans le cadre de son analyse des marchés de détail n'est pas justifiée. Une telle délimitation paraît au demeurant superflue compte tenu à la fois de la capacité du régulateur à imposer des remèdes différenciés au sein d'un même marché et de l'objectif de levée progressive de la régulation sectorielle ex ante sur les marchés de détail.

« 74. Le Conseil est d'avis qu'à l'horizon temporel du présent exercice, et dans la perspective de l'extension de la couverture ADSL et du découplage des offres utilisant l'accès haut débit, il y a lieu d'inclure dans les mêmes marchés les services de voix à large bande (VoB) tels que définis dans le présent avis et les services de téléphonie fixe traditionnelle et de veiller à ce que des obligations différentes imposées aux deux types d'offres n'ajoutent pas de distorsions de concurrence supplémentaires par rapport à celles qui ont été identifiées par ailleurs.

« 75. Le Conseil considère que les services de communications à destination de prestataires de services relèvent d'un marché de détail distinct et qu'en l'absence d'une régulation effective des offres de gros, qu'il conviendrait de privilégier, ils satisfont aux trois critères définis par la recommandation de la Commission du 11 février 2003, justifiant leur inscription sur la liste des marchés pertinents en vue de l'application des articles L. 38, L. 38-1 et L. 38-2 du code des postes et communications électroniques. »

Ces différentes observations ont justifié la modification de l'analyse initiale de l'Autorité présentée dans sa décision finale. Toutefois, en ce qui concerne les communications à destination des prestataires de services, l'Autorité analysera ultérieurement ces prestations.

Du seul point de vue de la délimitation des marchés, le conseil n'émet pas de commentaire particulier sur les marchés de gros.


(30) Avis no 2005-A-05 du 16 février 2005 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des télécommunications en application de l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques, portant sur l'analyse des marchés de détail et de gros de la téléphonie fixe.




I-4.2. Observations des autorités réglementaires nationales

et de la Commission européenne


Les autorités réglementaires nationales des autres Etats membres de la Communauté européenne n'ont pas transmis d'observations à l'Autorité.

La Commission européenne a été notifiée du projet de décision de l'Autorité sur les marchés pertinents de gros et de détail de la téléphonie fixe le 29 juillet 2005. Elle valide la définition des marchés avancée par l'Autorité, tant pour les prestations de gros que pour les prestations de détail. En particulier, elle valide l'inclusion de la VLB dans les marchés de détail pertinents.


II. - INFLUENCE SIGNIFICATIVE EXERCÉE PAR FRANCE TÉLÉCOM


En application de l'article 16 de la directive « cadre » et des articles 16 et 17 de la directive « service universel », le régulateur détermine si les marchés pertinents sont concurrentiels, et, le cas échéant, identifie les entreprises qui y exercent une influence significative.

L'analyse d'un marché pertinent permet d'évaluer le niveau de développement de la concurrence et, le cas échéant, d'identifier les opérateurs y disposant d'une influence significative, i.e. se trouvant dans une situation équivalente à une position dominante au sens du droit de la concurrence (II-1). L'analyse de l'Autorité porte d'abord sur les marchés de détail (II-2), avant d'examiner les marchés de gros (II-3). Les commentaires reçus par l'Autorité sur son analyse de l'influence significative de France Télécom font l'objet de la dernière section (II-4).



II-1. Introduction sur l'analyse

de l'influence significative sur les marchés pertinents


Aux termes de l'article L. 37-1 du CPCE : « Est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs. »

L'analyse des marchés pertinents permet d'identifier les situations d'influence significative. L'observation des parts de marché des acteurs est une étape première et essentielle. La Commission propose trois chiffres clés dans le déroulement de cet exercice :

- au-delà de 40 % de part de marché, il est peu probable qu'une entreprise ne soit pas en situation d'exercer une influence significative ;

- une présence supérieure à 50 % du marché « suffit, sauf circonstances exceptionnelles, à établir l'existence d'une position dominante » (31) ;

- une entreprise ayant au contraire moins de 25 % de parts de marché est peu susceptible de se révéler puissante, même si cela n'est pas totalement exclu.

L'analyse des parts de marché, bien que prospective, ne suffit pas à démontrer l'exercice d'une éventuelle influence significative des acteurs présents sur un marché. Pour une analyse complète du développement de la concurrence sur les marchés pertinents, les « lignes directrices » recommandent en effet de « procéder à une analyse approfondie et exhaustive des caractéristiques économiques du marché pertinent avant de conclure à l'existence d'une puissance sur le marché ». A cet égard, la Commission recommande d'utiliser notamment les critères suivants :

- le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;

- les avancées ou la supériorité technologiques ;

- l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;

- l'accès facile ou privilégié aux marchés des capitaux et aux ressources financières ;

- la diversification des produits et/ou des services ;

- la présence d'économies d'échelle et de gamme ;

- l'intégration verticale ;

- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;

- l'absence de concurrence potentielle ;

- des entraves à l'expansion.

On peut prévoir, le cas échéant, d'observer par ailleurs l'évolution des tarifs de détail ainsi que l'existence d'un effet de levier vertical (situation où un opérateur puissant sur un marché donné peut renforcer son influence sur un autre marché qui lui est étroitement lié).


(31) Point 75 des lignes directrices de la Commission.




II-2. Influence significative de France Télécom

sur les marchés de détail


L'analyse porte sur les marchés de détail de l'accès (II-2.1) et les marchés de détail des communications (II-2.2).


II-2.1. Analyse des marchés de détail de l'accès


Les deux marchés pertinents de l'accès sont les suivants :

- le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle (« marché de l'accès téléphonique résidentiel ») ;

- le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle professionnelle (« marché de l'accès téléphonique professionnel »).

L'Autorité a examiné globalement les caractéristiques de ces marchés et de leur fonctionnement, pour conclure sur la présence d'opérateurs y disposant d'une influence significative, en se fondant sur les critères d'analyse les plus significatifs :

- la taille des marchés (II-2.1.1) ;

- le fonctionnement des marchés (II-2.1.2) ;

- les parts de marchés (II-2.1.3) ;

- le contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer (II-2.1.4) ;

- la présence d'importantes économies d'échelle et de gamme (II-2.1.5).


II-2.1.1. La taille des marchés pertinents de l'accès


Le tableau ci-après décrit la taille des marchés pertinents de l'accès par leur chiffre d'affaires et le nombre de lignes correspondant. Le nombre de lignes pour la clientèle professionnelle n'inclut pas les accès numériques primaires ; l'hétérogénéité des données transmises par les différents opérateurs ne permet qu'une estimation de ce segment en volume (1,4 million d'accès numériques primaires).


Marchés de l'accès (2001-2003) en valeur

(chiffre d'affaires en millions EUR HT)


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91


Marchés de l'accès (2001-2003) en volume

(millions de lignes) (32)


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





En valeur, les marchés de l'accès ont stagné depuis 2001 et régressé légèrement entre 2002 et 2003, à l'exception du segment de l'accès numérique de base qui progresse de 2 % sur l'ensemble de la période.

En volume, on retrouve globalement ces caractéristiques ; cependant on note que le nombre de lignes analogiques pour la clientèle résidentielle a régressé dès 2002 (alors qu'en valeur ce recul n'est apparu qu'en 2003).


(32) Le nombre de lignes correspond au nombre de canaux à 64 kbit/s fournis (et non au nombre d'accès fournis).




II-2.1.2. Le fonctionnement des marchés pertinents de l'accès


France Télécom est historiquement présente sur l'ensemble des marchés de l'accès, où elle se trouvait, avant l'ouverture des marchés à la concurrence en 1998, en position de monopole sur l'ensemble du territoire national.

Le nombre de concurrents reste très limité (2 ou 3) sur le marché résidentiel et sur le marché professionnel, à l'exclusion du segment de l'accès numérique primaire où l'on compte 9 opérateurs (voir tableau ci-après). La concurrence se concentre en effet principalement sur le segment de l'accès primaire, grâce à différentes technologies :

- le déploiement d'infrastructures en fibre optique desservant les entreprises clientes dans les principaux centres urbains. Ce déploiement se concentre essentiellement sur les 10 plus grandes agglomérations de la métropole ;

- l'utilisation d'une technologie d'accès radio point à multipoint (boucle locale radio) ou point à point (faisceaux hertziens) ;

- l'utilisation de capacités louées à France Télécom. Il s'agit principalement d'offres de liaisons louées de débit allant jusqu'à 2 Mbits/s ;

- l'utilisation du dégroupage total de la boucle locale de France Télécom. La mise en oeuvre des nouvelles technologies DSL autorisant des débits descendants et ascendants symétriques (dites « SDSL ») permet en effet de fournir des accès en bande étroite. Les déploiements récents concernent essentiellement la fourniture d'accès primaires.

Les opérateurs ont commencé à avoir recours de façon significative au dégroupage partiel à la fin de l'année 2002. Cependant, le dégroupage partiel, contrairement au dégroupage total, ne permet de concurrencer France Télécom sur le marché de l'accès en bande étroite au réseau téléphonique ouvert au public que de façon limitée. Le développement du dégroupage total est encore progressif, même s'il semble devoir s'accélérer. On comptait 152 189 lignes en dégroupage total au 4 avril 2005 alors que 4 500 accès en dégroupage total étaient ouverts commercialement par les opérateurs au 1er mars 2004. En avril 2005, le dégroupage concernait environ 900 répartiteurs (le territoire en compte environ 12 000). Au vu des programmes d'investissement des opérateurs, seule la moitié de la population est concernée par le dégroupage.

Les trois premières offres permettant aux clients résidentiels de s'affranchir de l'abonnement au réseau téléphonique public ont été lancées en 2003 : Alice (Telecom Italia) au début de l'année, Free et 9 Telecom pendant l'été. Cegetel commercialise une offre similaire depuis mars 2005. Cependant, les offres qui ne ciblent que les clients souhaitant bénéficier principalement du haut débit pour leur accès à internet ne font pas partie des marchés pertinents ; ils n'impactent pas la position de France Télécom sur les marchés des accès utilisés principalement pour la téléphonie. Par ailleurs, UPC Broadband France, filiale du groupe UnitedGlobalCom, Inc (UGC), a lancé le 19 mai 2005 une offre commerciale de service téléphonique sur ses réseaux câblés sous les marques Noos et UPC France. Elle permet de s'affranchir de l'abonnement de France Télécom et annonce un objectif de 150 000 clients fin 2005 pour un parc de 1,5 million de prises éligibles et un parc existant de 70 000 abonnés à la fin de 2004.

Pour la clientèle professionnelle, les offres de gros de France Télécom - dégroupage total et offre Turbo DSL - devraient permettre à la concurrence de se développer sur le « haut » du marché de l'accès (accès numérique primaire).

En conséquence, on peut prévoir que la poursuite du développement du dégroupage de la boucle locale et des offres de service téléphonique sur les réseaux câblés ne devrait pas conduire à remettre en cause l'influence significative de France Télécom sur les marchés pertinents de l'accès au cours de la période couverte par la présente analyse. Par ailleurs, il n'existe actuellement aucune perspective de déploiement de boucle optique métropolitaine d'une ampleur susceptible de remettre en cause la part de marché prépondérante de France Télécom sur le marché de l'accès numérique primaire pendant cette période.

Sur les autres segments des marchés de l'accès pour la clientèle professionnelle, caractérisés par des débits plus faibles, la concurrence demeure encore aujourd'hui très limitée, autant en ce qui concerne le nombre de clients raccordé que par l'étendue géographique des zones où des offres d'accès alternatives sont effectivement disponibles.

Pour récapituler, les principaux acteurs des marchés de l'accès sont les suivants (33) :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





(33) Les opérateurs concentrés sur le seul haut du marché professionnel sont indiqués par un « * ».




II-2.1.3. L'analyse des parts de marché


L'Autorité a estimé les parts de marché des différents acteurs sur la base des informations dont elle dispose : il s'agit en particulier des réponses aux questionnaires quantitatifs adressés au secteur le 25 juillet 2003, complétées par les données fournies au premier trimestre 2004.

Les parts de marchés des principaux opérateurs présents sur les marchés de l'accès sont présentées ci-après.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91






Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





France Télécom conserve des parts de marché très importantes sur les marchés de l'accès. On constate que ces parts de marché ont peu évolué entre 2001 et 2003 : elles restent proches de 100 % en valeur et en volume pour les accès des résidentiels ainsi que pour la majorité des accès fournis aux professionnels. Seul le segment de l'accès primaire des professionnels a enregistré une évolution notable, mais France Télécom y détient encore plus de 96 % de parts de marché en valeur.

Le tableau ci-après détaille les parts de marché selon les divers produits commercialisés sur les marchés professionnels de l'accès. Pour les accès numériques, l'expression de la part de marché des opérateurs alternatifs en valeur (3,9 %) est moindre que celle qu'on peut constater en volume (9,2 %) ; cela s'explique par le niveau des tarifs pratiqués par les opérateurs alternatifs, dont il est observé qu'il est nettement inférieur à celui des tarifs pratiqués par France Télécom.


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





Dans sa réponse à la consultation publique de juillet 2004, France Télécom a souligné que le chiffre d'affaires réalisé par ses concurrents concerne une offre globale regroupant accès et communications, alors que France Télécom est obligée de fournir l'accès et les communications séparément ; cela tend à vouloir comparer deux chiffres d'affaires (celui de France Télécom et celui de ses concurrents) réalisés sur des offres de produits différentes. L'Autorité se montre sensible à cette remarque. Elle souligne cependant que sa prise en compte ne modifierait pas foncièrement les niveaux de part de marché auxquels elle parvient sur la base des indications des opérateurs.

Sur les marchés de l'accès, il est probable que la part de marché de France Télécom évoluera dans une mesure ne remettant pas en question le diagnostic posé par la présente analyse, en restant à des niveaux toujours supérieurs à 90 % en valeur et à 85 % en volume. On peut souligner que l'évolution connue par les marchés de l'accès se distingue par un rythme beaucoup plus lent que celui qu'on constate pour les marchés des communications. Surtout, la très faible pénétration des opérateurs alternatifs sur le segment de l'accès primaire limite de facto l'impact que pourrait avoir une évolution plus rapide du marché sur leurs parts de marché.

Les parts de marché de France Télécom au cours des années 2001 à 2003 sont synthétiquement illustrées ci-après en volume (minutes) et en valeur (euros, hors taxes), pour les marchés professionnels puis résidentiels ; ces courbes incluent les marchés des communications, qui font l'objet de l'analyse présentée dans la partie II-2.2.




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Ainsi, sur les marchés pertinents de l'accès délimités par l'Autorité, France Télécom demeure en situation de quasi-monopole.


II-2.1.4. Le contrôle d'une infrastructure difficile à dupliquer


Il est très difficile, techniquement et économiquement, de dupliquer la boucle locale mais aussi le réseau de commutation de niveau local (les commutateurs d'abonnés) du réseau de France Télécom. De plus, la présence d'importants coûts irrécupérables, notamment de génie civil et de transmission, a pour effet de limiter l'entrée d'opérateurs concurrents sur ces marchés. A titre d'illustration, le coût de reconstruction à neuf de la boucle locale de France Télécom est évalué à 28 milliards d'euros (34). C'est pourquoi l'entrée d'opérateurs concurrents n'est généralement envisagée que dans deux cas principaux : dans les principales zones d'activité économique réunissant suffisamment de demande potentielle pour rentabiliser les investissements nécessaires, ou en ayant recours aux offres de gros de l'opérateur historique.


(34) Consultation publique de l'Autorité sur les méthodes de valorisation de la boucle locale cuivre, avril 2005.




II-2.1.5. La présence d'importantes économies d'échelle et de gamme


Les produits d'accès au réseau téléphonique public sont caractérisés par d'importants coûts fixes (notamment de génie civil), en particulier en France où la dispersion des habitations est très importante dans certaines zones.

France Télécom bénéficie de fortes économies d'échelle. L'opérateur peut en effet disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur grâce à l'importance de son volume de production. Ces économies d'échelle sont identifiables dans l'activité de France Télécom par le nombre très important de clients pour chaque réseau local, qui permet à l'opérateur historique un amortissement particulièrement rapide de ses investissements. A l'inverse, un opérateur souhaitant être compétitif par rapport à l'opérateur historique sur les marchés de l'accès devra limiter ses tarifs de détail, ce qui rendra d'autant plus difficile l'amortissement de ses coûts et la couverture à terme des coûts irrécupérables. Cela augmentera son profil de risques financiers en allongeant la période de rentabilisation de ses investissements.

En outre, France Télécom bénéficie d'économies de gamme. L'opérateur peut en effet disposer d'un coût moyen de production inférieur à celui d'un autre opérateur grâce à une gamme de services plus étendue. De fortes économies de gamme sont permises à France Télécom par le partage des coûts fixes du réseau d'accès entre les différents segments de clientèle mais aussi entre les différentes offres de détail et de gros.


II-2.1.6. Conclusion sur l'influence significative sur les marchés de l'accès


L'Autorité conclut que l'opérateur France Télécom est réputé exercer une influence significative sur les marchés de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle, d'une part, et pour la clientèle professionnelle, d'autre part.


II-2.2. Analyse des marchés de détail des communications


Les marchés pertinents des communications sont les suivants :

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile du territoire national, pour la clientèle résidentielle (« marché des communications téléphoniques nationales résidentielles ») ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou terminal mobile extérieur au territoire national, pour la clientèle résidentielle (« marché des communications téléphoniques internationales résidentielles ») ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile du territoire national, pour la clientèle professionnelle (« marché des communications téléphoniques nationales professionnelles ») ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile extérieur au territoire national, pour la clientèle professionnelle (« marché des communications téléphoniques internationales professionnelles »).

Comme pour les marchés de l'accès, l'Autorité a examiné globalement les caractéristiques des marchés pertinents des communications, pour identifier l'existence d'un opérateur disposant d'une puissance significative, en se fondant sur les critères d'analyse les plus importants :

- la taille des marchés (II-2.2.1) ;



- le fonctionnement des marchés (II-2.2.2) ;

- les parts de marchés (II-2.2.3) ;

- le contrôle d'infrastructures difficiles à dupliquer (II-2.2.4) ;

- la présence d'importantes économies d'échelle et de gamme (II-2.2.5) ;

- l'intégration verticale (II-2.2.6) ;

- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé (II-2.2.7) ;

- les barrières au changement d'opérateur (II-2.2.8) ;

- l'effet de levier vertical (II-2.2.9).


II-2.2.1. La taille des marchés pertinents des communications


La taille globale des marchés des communications est illustrée ci-après, en valeur (chiffre d'affaires) et en volume (minutes de communications), en estimation pour l'année 2005. Les graphiques détaillent les segments des deux marchés pertinents des communications pour chaque type de clientèle ; les tableaux qui les suivent se réfèrent aux marchés pertinents dans leur ensemble.




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Les données recueillies en 2003 et 2004 n'incluaient pas les communications VLB. Les communications VLB n'existaient pas en 2001 et 2002 et, s'agissant de l'année 2003, leur volume était négligeable par rapport aux autres communications.

L'analyse, qui se veut prospective, s'appuie sur l'estimation du parc de clients des FAI à des offres haut débit : plus de 6 millions d'accès haut débit ont été commercialisés jusqu'à la fin de 2004 (majoritairement des accès ADSL utilisés par les résidentiels), dont 1,6 million en dégroupage partiel. Ce dernier concernait 1,9 million de lignes en avril 2005 (35). Le nombre d'abonnés utilisant l'offre de Free est estimé à environ 1,2 million. Cet opérateur a indiqué récemment que les « services à valeur ajoutée », définis principalement comme les appels vers les mobiles en voix sur IP, contribuent pour 4 euros par mois et par ligne ADSL à son chiffre d'affaires, ce qui correspond à 0,14 % du chiffre d'affaires qui a été estimé pour la téléphonie fixe en 2003 (36).

L'Autorité estime que la téléphonie fixe est un marché mature. Le développement de la VLB dans les trois prochaines années ne devrait pas avoir d'impact important dans l'évolution des volumes de communications : certes, les offres VLB vont dynamiser certains segments de marchés, néanmoins les résultats des offres illimitées lancées par les opérateurs en 2004 semblent indiquer que les offres d'abondance ne conduisent pas à une forte augmentation de la consommation.

Les données relatives aux parts de marché sont étudiées pour les années 2001 à 2003 ; des chiffres provisoires sont indiqués pour l'année 2004, et des estimations pour 2005.


(35) Observatoire du marché de l'internet, www.arcep.fr. (36) Iliad, communiqué de presse du 3 mai 2005, www.iliad.fr ; SGCIB, analyse du 4 mai 2005, www.sgresearch.socgen.com.




a) Le segment des communications nationales


Ce segment se compose des communications locales et interurbaines, ainsi que des communications vers les mobiles. Les parts de marché globales pour les communications nationales sont présentées dans un troisième temps.



(i) Le segment des communications locales et interurbaines :

Les communications locales et interurbaines désignent les appels vers des postes fixes situés sur le territoire national. L'évolution de la taille de ces segments de marchés est décrite dans les graphes ci-dessous. Les éléments en valeur se rapportent au chiffre d'affaires ; les données en volume portent sur le nombre de minutes acheminées.




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Le segment des communications locales et interurbaines est en recul de quelques points chaque année entre 2001 et 2003.




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La régression est plus importante pour la clientèle professionnelle (baisse de 23,1 % en valeur et 17,3 % en volume) que pour la clientèle résidentielle (baisse de 10,4 % en valeur et 7,7 % en volume).

Cependant, les communications locales et interurbaines gardent une part prépondérante dans le marché des communications nationales vers des postes fixes ou mobiles en 2003 : 57 % en valeur et 88 % en volume pour la clientèle résidentielle ; 46 % en valeur et 81 % en volume pour la clientèle professionnelle.

(ii) Le segment des communications vers les mobiles :

La taille des segments des communications vers des mobiles a évolué comme suit au cours des années 2001 à 2003 :




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Le décalage entre les évolutions en valeur et en volume de trafic s'explique principalement par les baisses de terminaison d'appel vers les mobiles, qui se répercutent sur les tarifs de détail. De fait, le volume de minutes fixe vers mobile a cru de 20,6 % pour les résidentiels et 26,1 % pour les professionnels entre 2001 et 2003 ; cette augmentation a surtout été observée entre les deux premières années de cette période (en 2003, l'augmentation ne représente que le tiers de celle qui a été constatée l'année précédente). Le chiffre d'affaires correspondant a, pour sa part, quasiment stagné en 2002 puis régressé à partir de 2003, de 7,6 % pour les résidentiels et 5,6 % pour les professionnels.




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En 2003, les communications vers les mobiles représentaient 9 % du volume total des communications nationales pour la clientèle résidentielle et 32 % de sa valeur ; pour la clientèle professionnelle, ces parts étaient respectivement de 14 % et 44 %.

(iii) Le segment global des communications nationales :

En regroupant les communications vers des postes fixes et les communications vers des terminaux mobiles du territoire national, on obtient les valeurs suivantes :




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b) Le segment des communications internationales


Le segment des communications internationales est entré dans une phase de recul en 2003. Après le déclin dès 2002 du seul marché résidentiel en valeur, c'est un recul systématique qui a été observé, tant en volume qu'en valeur, pour la clientèle résidentielle et pour la clientèle professionnelle. Sur l'ensemble de la période considérée, le chiffre d'affaires a reculé de 3,7 % pour les résidentiels et de 7,9 % pour les professionnels.




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En volume, la progression de 2002 permet au marché professionnel de rester en croissance de 3,7 % entre 2001 et 2003.




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II-2.2.2. Le fonctionnement des marchés des communications


Les trois principaux opérateurs concurrents sur les marchés des communications sont Cegetel, Tele2 et 9 Telecom (37). ADP Telecom, Colt, Completel, Free Telecom, Telecom Italia France, Tiscali France, UPC France se positionnent également sur ces marchés.

La concurrence entre ces acteurs repose essentiellement sur la sélection du transporteur et la présélection. En l'absence de boucle locale propre, un opérateur alternatif doit avoir recours à la collecte de son trafic par le réseau téléphonique commuté de France Télécom, à l'exception des communications VLB. Pour la sélection appel par appel, l'utilisateur final compose en effet le préfixe E à un chiffre ou le préfixe 16XY à 4 chiffres de l'opérateur alternatif. La présélection permet à l'utilisateur d'accéder aux services de communications des opérateurs concurrents automatiquement, sans composer de préfixe.

Le mécanisme de sélection du transporteur concerne les communications interurbaines et internationales depuis le 1er janvier 1998, les communications fixe vers mobile depuis novembre 2000, et les communications locales depuis le 1er janvier 2002. Avant cette date les opérateurs tiers avaient estimé que les conditions pour développer des réseaux concurrents de ceux de France Télécom ne leur permettaient pas d'offrir les appels locaux dans des conditions économiquement viables.

A la fin de 2004, on notait les chiffres suivants (38) :

- la présélection représentait 16 % des lignes fixes ;

- la croissance en volume de la présélection a été de 15,7 % entre la fin de 2003 et la fin de 2004 ;

- plus de 8 millions de lignes sont présélectionnées ;

- 2,5 millions de clients utilisaient activement la sélection appel par appel.

La sélection du transporteur reste donc encore tout à fait prépondérante par rapport à la VLB, puisqu'au 31 mars 2005, il y avait environ 1,5 million d'utilisateurs de la VLB (39).

Les graphes ci-après indiquent la part des foyers ayant recours à un opérateur alternatif qui utilisent la sélection du transporteur, en appel par appel et en présélection. Les pourcentages pour chaque opérateur se rapportent au nombre total de leur abonnés résidentiels (40).




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(37) Cegetel et 9 Telecom ont annoncé leur projet de fusion en mai 2005. (38) Observatoire des marchés : le marché des services de télécommunications en France au quatrième trimestre 2004 (opérateurs déclarés)/mai 2005. www.arcep.fr. (39) Estimation ARCEP. (40) Datanova, baromètre Euroscope Consumer, Les marchés des télécoms dans le grand public, mars 2004.




II-2.2.3. L'analyse des parts de marchés


L'Autorité a estimé les part de marchés des différents opérateurs sur la base des informations dont elle dispose. En particulier, les réponses au questionnaire quantitatif qu'elle a adressé aux acteurs le 25 juillet 2003 ont été complétées au cours du premier trimestre 2004 et ont fait l'objet de projections en 2005. L'Autorité a évalué la répartition des parts de marché tant en termes de volume de ventes que de chiffre d'affaires.


a) Les communications nationales


Les parts de marché des opérateurs sur les segments des communications nationales pour la clientèle résidentielle sont présentées ci-après. Leurs équivalents pour la clientèle professionnelle sont introduits dans un second temps.

Au sein de l'ensemble des communications locales et interurbaines, pour la clientèle résidentielle ou professionnelle, le rythme d'ouverture des marchés des communications locales a été différent de celui des marchés des communications interurbaines, car l'obligation de sélection du transporteur y a été imposée plus tardivement. L'ouverture des marchés des communications locales consécutive à l'introduction de la sélection du transporteur s'est ralentie.



(i) Pour la clientèle résidentielle :


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Les parts de marché de France Télécom peuvent être détaillées en fonction des deux segments qui la composent : les communications locales et interurbaines (i.e. vers des postes fixes) et les communications vers les mobiles.


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Sur le segment des communications nationales, la progression des parts de marché des opérateurs alternatifs a fortement ralenti entre 2002 et 2003 en atteignant seulement 1,7 point (après avoir été de 7,3 points entre 2001 et 2002, du fait notamment de l'introduction en janvier 2002 de la sélection du transporteur et de la présélection des appels locaux). La part de marché globale des opérateurs alternatifs a ainsi atteint 25,1 % en valeur en 2003. La concurrence est concentrée entre trois opérateurs qui totalisent à eux seuls 96 % du marché alternatif.

L'Autorité s'est attachée à observer les parts que France Télécom pourrait conserver sur le segment des communications locales et interurbaines pour la clientèle résidentielle. Il ressort des différentes hypothèses émises que cette part de marché resterait en tout état de cause supérieure à 60 %, tant en volume qu'en valeur avant 2008. Cette analyse ne devrait pas être modifiée par le rapprochement, annoncé en mai et autorisé en août 2005, entre Cegetel et 9 Telecom, qui apparaissent parmi les principaux concurrents de France Télécom sur les marchés des communications nationales ; une telle opération ne devrait pas substantiellement modifier le fonctionnement du marché dans les trois années à venir, comme l'a déjà montré l'historique des fusions successives qui ont conduit à la consolidation de 9 Telecom au cours des deux dernières années.

En outre, une modification du volume global du segment des communications locales et interurbaines par l'essor de la voix sur accès large bande (VLB) ne semble pas devoir impacter fortement le niveau de part de marché que France Télécom y conservera à l'horizon de l'analyse (2005-2008). En effet, Wanadoo est actuellement leader sur le marché du haut débit, donc l'essor de la VLB ne devrait pas restreindre le poids de France Télécom sur le marché des communications.

(ii) Pour la clientèle professionnelle :


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Les parts de marché de France Télécom peuvent être détaillées pour refléter l'évolution des deux segments qui la composent : les communications locales et interurbaines (i.e. les communications vers des postes fixes) et les communications vers les mobiles.


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La pénétration des opérateurs alternatifs sur le segment des communications nationales pour la clientèle professionnelle est de 21,6 % en valeur et 25,6 % en volume pour 2003. Les parts de marché détenues par les opérateurs alternatifs sont dispersées entre un nombre d'opérateurs plus élevé que celui qu'on constate sur le segment de la clientèle résidentielle.

L'analyse montre que pour les communications interurbaines, l'expression des parts de marché de France Télécom en volume est nettement inférieure à son expression en valeur. Ce décalage traduit la possibilité dont dispose France Télécom de dégager des recettes plus importantes que ses concurrents sur ce segment ; les opérateurs alternatifs sont contraints de commercialiser des offres aux tarifs particulièrement compétitifs pour entrer sur le marché professionnel.

Les estimations de l'Autorité pour appréhender les parts de France Télécom sur le segment des communications nationales pour la clientèle professionnelle indiquent qu'elles ne pourraient vraisemblablement pas descendre en dessous de 60 % en volume, et de 65 % en valeur avant 2008. Cette analyse ne devrait pas être modifiée par le rapprochement entre Cegetel et 9 Telecom, qui apparaissent parmi les principaux concurrents de France Télécom sur les marchés des communications nationales, en particulier pour la clientèle professionnelle.

Par ailleurs, l'essor de la VLB sous l'impulsion des opérateurs alternatifs ne semble pas devoir remettre en cause ce constat, car c'est un mouvement qui touche principalement le marché résidentiel. Sur le marché professionnel, les opérateurs indiquent que leurs offres « tout IP » seront disponibles dans le courant de l'année 2005, et que leur essor ne sera pas réel avant 2006. La modification de l'analyse du fonctionnement du marché des communications nationales avant 2008 ne semble pas suffisamment forte pour modifier la conclusion de l'analyse du fonctionnement de l'ensemble des marchés des communications nationales dans le cadre de la présente décision.



b) Les communications internationales


Les tableaux ci-après indiquent la répartition du marché des communications internationales entre les acteurs, pour la clientèle résidentielle puis pour la clientèle professionnelle.


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C'est sur le segment pour la clientèle professionnelle que les opérateurs alternatifs ont acquis la plus grande part du marché (40,9 %), en comparaison de celle qu'ils totalisent sur le segment de la clientèle résidentielle (29,8 % en 2003).

Sur le segment des communications internationales, tant pour la clientèle résidentielle que pour la clientèle professionnelle, la part de marché de France Télécom a néanmoins progressé de nouveau entre 2002 et 2003 (+ 4,4 points en volume pour la clientèle professionnelle par exemple), après avoir connu une phase de régression (- 3,5 points en volume sur ce marché).

Les estimations de l'Autorité pour la période couverte par l'analyse tendent à montrer que les parts de France Télécom sur le segment des communications internationales devraient se situer autour de 60 % pour la clientèle professionnelle (la part en valeur excédant la part en volume) à la suite d'une poursuite très lente du recul de France Télécom par rapport à ses concurrents. Pour la clientèle professionnelle, on constate que France Télécom regagne des parts de marché quasiment chaque année depuis au moins 2001 ; elles ne devraient donc reculer que de quelques points sous le seuil calculé pour 2003. Le rapprochement entre 9 Telecom et Cegetel est susceptible de modifier la répartition des parts de marché constatée en 2003 entre les acteurs en présence, mais ne devrait pas avoir d'impact significatif sur les parts de marché de France Télécom avant la fin de la période couverte par l'analyse (2005-2008).


c) Conclusion pour les marchés des communications


Comme l'illustrent les courbes synthétiques présentées à la fin de la partie II-2.1.3., France Télécom conserve une part de marché supérieure à 70 % sur chacun des marchés pertinents des communications fixes délimités par l'Autorité.

Les évolutions constatées montrent certes que la part de marché de France Télécom devrait régresser ; cependant, la mesure dans laquelle cette évolution peut être attendue lui laisse des parts de marché très élevées (jamais inférieures à 60 %), notamment sur les segments des communications vers les mobiles et des communications internationales.

Les changements induits par le développement des offres de VLB et par le projet de fusion entre Cegetel et 9 Telecom ne devraient pas conduire à une remise en cause de l'analyse relative aux parts de marché, y compris dans sa dimension prospective pour les années 2005 à 2008. Dans le cas contraire, l'Autorité anticiperait le renouvellement de la présente analyse des marchés de la téléphonie fixe pour adapter ses conclusions, comme le prévoit l'article D. 301 du CPCE.


II-2.2.4. Le contrôle d'infrastructures difficiles à dupliquer


Sur les marchés des communications, c'est principalement le réseau de commutation de niveau local (les commutateurs d'abonnés de France Télécom) voire de niveau régional (commutateurs de transit) qui est difficile à dupliquer. Les coûts fixes de génie civil et de transmission sont élevés. Cette dimension est d'autant plus forte que l'impact de la sélection du transporteur reste limité.


II-2.2.5. La présence d'importantes économies d'échelle et de gamme


L'identification d'importantes économies d'échelle ou de gamme permet de déterminer l'existence de barrières à l'entrée sur le marché.

En ce qui concerne la présence d'économies d'échelle dans l'activité de l'opérateur historique, on peut se référer à l'importance du nombre de clients pour chaque réseau local, qui permet l'amortissement des coûts fixes. France Télécom se trouve dans une situation où la fourniture d'un appel de bout en bout lui est toujours permise à un coût global plus faible que celui de tout opérateur alternatif, en raison de la couverture dense de son réseau, de ses coûts de commutation et de transmission plus faibles et de la possibilité d'opérer un moins grand nombre de phases d'interconnexion.

En ce qui concerne les économies de gamme, on voit que les coûts fixes du réseau commuté sont partagés entre la clientèle résidentielle et la clientèle professionnelle d'une part, et sur les différents types de communications d'autre part. France Télécom se trouve dans une situation où l'étendue de son offre de communications lui permet d'imputer des coûts de manière plus ventilée et donc plus efficace que d'autres opérateurs.


II-2.2.6. L'intégration verticale


L'entrée et le maintien de nouveaux concurrents sur les marchés des communications sont rendus difficiles par l'intégration verticale de France Télécom : elle lui permet d'être présent sur les marchés de détail tout en bénéficiant de son poids sur les marchés de gros correspondants, et notamment sur le marché du départ et de la terminaison d'appel. L'opérateur peut ainsi s'appuyer sur sa forte puissance sur le marché de l'accès.



L'intégration verticale de France Télécom a été renforcée en 2005 par l'intégration de Wanadoo dans sa maison mère.


II-2.2.7. L'existence d'un réseau de distribution

et de vente très développé


Le groupe France Télécom dispose d'un important réseau de distribution directe comptant 750 points de vente sur le territoire métropolitain, dans lesquels sont fournis divers produits de téléphonie fixe mais aussi de téléphonie mobile (Orange) et d'accès à internet (Wanadoo).

A titre de comparaison, 9 Telecom indiquait disposer de 30 agences en métropole, à destination exclusive de la clientèle professionnelle et Cegetel de 6 agences commerciales en régions et de boutiques de partenaires (dont les Espaces SFR) avant leur fusion.

L'enjeu de la présence commerciale est révélé par les modalités de recrutement de nouveaux clients : environ la moitié des nouveaux clients des principaux opérateurs alternatifs ont été recrutés après avoir contacté eux-mêmes les opérateurs, et les démarches de ces derniers passent majoritairement (jusqu'à 49 %) par l'abord dans un point de vente (41). Plus la présence physique des alternatifs est faible et noyée dans le maillage des boutiques du groupe France Télécom, plus le recrutement de nouveaux clients est difficile et coûteux.


(41) Datanova, mars 2004.



II-2.2.8. Les barrières au changement d'opérateur


Le mécanisme de présélection a été mis en oeuvre en 2000 afin de renforcer l'égalité des conditions d'accès pour les utilisateurs aux services de sélection du transporteur des opérateurs concurrents de l'opérateur historique.

En effet, dans le cadre de la préparation de cette obligation, plusieurs études réalisées pour la Commission européenne avaient montré que la nécessité inhérente à la sélection appel par appel de composer un préfixe pour chaque utilisation des services des opérateurs tiers conduisait une partie importante des utilisateurs potentiels à n'utiliser ces services que pour une partie de leurs appels ou à renoncer à l'utilisation de ces services.

La présélection visait ainsi à permettre un accès simplifié pour les utilisateurs, en leur permettant de composer les mêmes formats de numérotation que ceux auxquels ils étaient habitués en utilisant les services de l'opérateur historique.

Malgré cette simplification, il apparaît qu'une partie significative des utilisateurs potentiels de ces services est dissuadée de les utiliser en raison de la complexité liée à la nécessité d'une double relation commerciale : l'une auprès de France Télécom pour l'abonnement et certaines communications, et l'autre auprès des opérateurs de transport.

En effet, alors que les clients de France Télécom n'établissent qu'un seul contrat pour l'accès et les communications, le recours aux services de sélection appel par appel ou de présélection suppose d'établir simultanément un contrat d'abonnement avec France Télécom incluant notamment le raccordement, les services complémentaires rattachés à l'accès et l'acheminement des services spéciaux, et un second contrat spécifique avec un ou plusieurs opérateurs de transport. Une fois ces deux contrats établis, les utilisateurs reçoivent deux (ou plus) factures séparées de France Télécom et de leur(s) opérateur(s) de transport, ce qui nécessite d'organiser deux paiements séparés.

Cette situation introduit davantage de complexité pour l'utilisateur dans la gestion de ses factures ainsi que dans la maîtrise de ses dépenses. Elle peut avoir pour effet d'annuler l'incitation des utilisateurs de recourir à un opérateur alternatif, y compris lorsque ce changement aurait pour effet de bénéficier d'une baisse sur le montant de leur facture, soit parce que cette baisse est difficile à mesurer de fait de la réception de factures séparées, soit parce que le surcoût, notamment organisationnel, généré par l'obligation de gérer deux processus de facturation et de paiement excède, au moins sur un plan subjectif, les bénéfices des baisses de facture attendues.

Certaines études conduites auprès de panels représentatifs d'utilisateurs résidentiels confirment la réalité de ces effets. Une d'entre elles montre à cet égard que, parmi les clients qui ont recours au service téléphonique d'un opérateur alternatif et qui envisagent de revenir auprès de France Télécom, la double facture est vue dans plus de la moitié des cas comme un inconvénient (42).


(42) Baromètre Euroscope Consumer (mars 2004)-Datanova.



II-2.2.9. L'effet de levier vertical


La puissance de l'opérateur France Télécom sur les marchés de l'accès le met dans une position de renforcer celle qu'elle détient sur les marchés des communications. En effet, sa position sur les marchés de l'accès lui fournit une relation commerciale avec les clients passés à la concurrence pour les communications. Il lui est donc plus aisé que pour d'autres opérateurs de fidéliser ou reconquérir ses clients sur les communications. Le maintien de cette relation lui permet également de mettre en oeuvre des stratégies de reconquêtes à moindre coût sur les communications.


II-2.2.10. Conclusion sur l'influence significative

sur les marchés des communications


Après son analyse, l'Autorité conclut que la société France Télécom est réputée exercer une influence significative sur les marchés des communications du territoire d'analyse.


II-2.3. Conclusion sur l'influence significative

sur les marchés de détail


Son analyse conduit l'Autorité à conclure que la société France Télécom est réputée exercer une influence significative sur les marchés de détail suivants du territoire concerné :

- le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle (« marché de l'accès résidentiel ») ;

- le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle professionnelle (« marché de l'accès professionnel ») ;



- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile du territoire national, pour la clientèle résidentielle (« marché des communications téléphoniques nationales résidentielles ») ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou terminal mobile extérieur au territoire national, pour la clientèle résidentielle (« marché des communications téléphoniques internationales résidentielles ») ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile du territoire national, pour la clientèle professionnelle (« marché des communications téléphoniques nationales professionnelles ») ;

- le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile extérieur au territoire national, pour la clientèle professionnelle (« marché des communications téléphoniques internationales professionnelles »).

Cette conclusion repose sur l'étude des critères présentés précédemment, et sur leur conjonction. Les parts de marché observées constituent le premier élément sur lequel est fondée l'analyse de la puissance de France Télécom sur les marchés de l'accès et des communications. Cet élément est complété par l'observation des conditions de fourniture et de commercialisation des offres. L'Autorité estime que ces conclusions ne sont pas susceptibles d'évoluer significativement au cours de la période couverte par l'analyse. Si les parts de marché de France Télécom diminuaient rapidement dans des proportions conséquentes, l'Autorité serait amenée à anticiper sa prochaine analyse des marchés des communications conformément à l'article D. 301 du CPCE.


II-3. Influence significative de France Télécom

sur les marchés de gros

II-3.1. Le marché du départ d'appel

en position déterminée

II-3.1.1. Analyse des parts de marché


La part de marché de France Télécom sur les prestations de départ d'appel n'a jamais été inférieure à 99 % depuis l'ouverture de l'ensemble des marchés des télécommunications à la concurrence.

La forte part de marché de France Télécom est liée à sa position prédominante sur les marchés de détail des communications téléphoniques ainsi qu'à la fourniture par celle-ci des services de gros tels que la sélection appel par appel et la présélection.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

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Une telle part de marché constitue un indicateur important de puissance de marché. Il est toutefois nécessaire de procéder à l'examen des autres critères pour en évaluer la portée.


II-3.1.2. Contrôle d'infrastructures difficiles à dupliquer


Les parts de marché précédemment exposées illustrent le fait que France Télécom possède encore le contrôle de la quasi-totalité des infrastructures de boucle locale sur l'ensemble du territoire, infrastructures sur lesquelles reposent en partie les prestations de départ d'appel. Cette infrastructure, qui permet de raccorder les utilisateurs finals, est difficile à dupliquer en l'absence d'économies d'échelle considérables dont ne disposent pas, à l'heure actuelle, les opérateurs alternatifs, et dont ils ne pourront, même dans les hypothèses les plus optimistes, disposer dans les prochaines années, objet de la présente analyse. A titre d'illustration, le coût de reconstruction à neuf de la boucle locale de France Télécom est évalué à 28 milliards d'euros (43).

Or, le commutateur d'abonnés étant le niveau de commutation ou de routage le plus bas des réseaux, la seule concurrence offerte sur le marché du départ d'appel provient des autres opérateurs de boucle locale. La dynamique concurrentielle du marché de l'accès, c'est-à-dire le marché adressé par les opérateurs de boucle locale, est par ailleurs présentée dans le cadre de l'analyse des marchés de détail de l'accès. L'analyse de cette dynamique montre que les conditions concurrentielles des marchés de l'accès, et donc de celui du départ d'appel, ne devraient vraisemblablement pas évoluer de façon significative dans les trois prochaines années.


(43) Consultation publique de l'Autorité sur les méthodes de valorisation de la boucle locale cuivre, avril 2005, p. 4.



II-3.1.3. Economies d'échelle et de gamme


La puissance de France Télécom sur l'ensemble des marchés de détail de l'accès et des communications lui permet de bénéficier d'économies d'échelle et de gamme importantes sur le départ d'appel. Un opérateur entrant sur le marché de gros du départ d'appel pourrait donc difficilement bénéficier d'une structure de coûts équivalente à celle de France Télécom.




II-3.1.4. Absence de contre-pouvoir d'acheteurs


France Télécom détenant une position de quasi-monopole sur les marchés de détail de l'accès, les opérateurs acheteurs sont contraints de s'appuyer sur la prestation de départ d'appel de France Télécom pour intervenir sur les marchés de détail aval des communications, notamment via la sélection du transporteur ou la présélection.

De ce fait, il n'existe pas de pouvoir d'achat compensateur susceptible de s'exercer sur les prestations de départ d'appel fournies par France Télécom.


II-3.1.5. Evolution prospective du marché


Au vu de l'état actuel du développement sur les marchés de détail de l'accès en bande étroite et de ses perspectives, la situation du marché du départ d'appel ne devrait pas évoluer de façon significative au cours de la période couverte par la présente analyse.


II-3.1.6. Conclusion


Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité estime que France Télécom détient une influence significative sur le marché du départ d'appel en position déterminée tel que défini ci avant sur le territoire d'analyse pour la période d'analyse.


II-3.2. Le marché du transit intra territorial

II-3.2.1. Analyse des parts de marché de France Télécom


L'évaluation et l'interprétation des parts de marché sur le transit est un exercice soumis à de nombreuses difficultés.

Tout d'abord, la comptabilisation des volumes de trafic acheminés par les différents opérateurs est rendue difficile par le fait que :

- il n'existe pas de données publiques sur le volume des activités de transit des différents opérateurs ;

- les prestations fournies sont très différentes d'un opérateur à un autre, tant en ce qui concerne l'ampleur géographique des prestations que le type de trafic transporté, qu'il s'agisse du trafic voix, Internet ou services spéciaux, ce qui limite les possibilités de recoupement des informations recueillies auprès du secteur ;

- une partie importante des prestations de transit fournies reposent elles-mêmes sur l'achat de prestations de transit intermédiaires à des tiers, ce qui peut conduire à affecter certains volumes de trafic en double compte.

Par ailleurs, la comparaison des quantités vendues sur le marché du transit par les différents opérateurs est très délicate car :

- les volumes de trafic vendus sur le marché du transit dépendent non pas uniquement des évolutions de l'offre et de la demande sur le marché mais également des comportements de make or buy propres aux marchés de gros. En effet, le volume de trafic acheminé sur les réseaux de téléphonie peut être, soit mis sur le marché du transit lorsque l'opérateur acheteur ne dispose pas des éléments de réseau et/ou des raccordements nécessaires pour se fournir la prestation en interne, soit exclu en partie ou en totalité de ce marché dans le cas contraire. Ces effets sont évolutifs dans le temps et selon les opérateurs au gré du développement de l'investissement dans les réseaux ou des phénomènes de concentration entre opérateurs. Ces retraits du marché sont en outre généralement irréversibles pour chaque opérateur, c'est-à-dire que les prestations de transit achetées en interne ne sont presque jamais remises sur le marché, du fait de l'importance des coûts irréversibles d'investissement associés à l'établissement des réseaux (sunk costs) ;

- le volume total de prestations de transit offertes réellement sur le marché dépend du volume de trafic confié aux concurrents de France Télécom sur le marché de détail puisque seuls les opérateurs alternatifs ne disposent pas de l'ensemble des éléments de réseau requis pour la fourniture en interne des prestations de transit nécessaires ;

- à parts de marché égales au niveau du détail, le volume de transit généré par le trafic d'un opérateur alternatif est toujours supérieur au volume de transit généré par le trafic de France Télécom. En effet, le fait, pour les utilisateurs finals raccordés par France Télécom de confier leurs communications à un autre opérateur que France Télécom (au niveau de marchés de détail), conduit dans certains cas à générer des volumes de trafic de transit alors que l'utilisation de prestations de transit ne serait pas nécessaire si ce trafic continuait d'être acheminé par France Télécom. C'est notamment le cas du trafic local dont une partie significative est acheminée localement par France Télécom, c'est-à-dire sans transit, alors que les opérateurs alternatifs qui fournissent des services aux utilisateurs raccordés par France Télécom doivent acheminer les communications locales en transit sur leur propre réseau avant de les ré-acheminer sur le réseau de France Télécom. Ce type d'effet se rencontre également dans le cas du trafic Internet qui peut être transformé en trafic IP en traversant moins de commutateurs chez France Télécom que chez ses concurrents.


II-3.2.2. Evaluation quantitative des parts de marché


Les parts de marché constituent un indicateur permettant d'apprécier la capacité d'une entreprise à se comporter indépendamment de son environnement de marché.

Pour tenir compte des remarques formulées par le Conseil de la concurrence dans son avis no 2005-A-05 susvisé, et notamment de la nécessité de retirer des parts de marché calculées les volumes de production interne, y compris en intra groupe (France Télécom pour Orange, Cegetel pour SFR par exemple), l'Autorité a recalculé lesdites parts de marché.

Il apparaît que la part de marché de France Télécom, sur le marché du transit intra territorial s'élevait encore, respectivement en 2003 et 2004, à plus de 53 % et 52 % en volume du total des prestations effectivement mises en concurrence.

La construction d'une projection quantitative sur les parts de marché de gros du transit pour 2005 peut comprendre une certaine marge d'incertitude. Les estimations ci-dessous reposent sur des données disponibles au 15 août 2005 et conduisent à une part de marché estimée à 52 % au 30 juin 2005.

De tels niveaux de part de marché constituent un indicateur important de l'influence significative qu'exerce individuellement France Télécom sur le marché de transit intra territorial (44).




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Toutefois, et avant d'examiner en détail la liste des critères qualitatifs qui permettront de confirmer cette présomption, l'Autorité analyse ci-dessous l'éventualité d'une position dominante conjointe de France Télécom avec un ou plusieurs autres acteurs du marché.

L'Autorité note qu'au vu des parts de marché ci-dessus seules les hypothèses d'une dominance simple exercée par France Télécom ou d'une dominance conjointe de cet opérateur avec un opérateur tiers restent envisageables. Au demeurant, l'éventuelle influence significative simple exercée par un opérateur alternatif se révèle également incompatible avec l'analyse des critères qualitatifs de puissance de marché présentée ci-après.

L'Autorité explicite à présent les motivations qui la poussent à écarter l'hypothèse d'une dominance conjointe de France Télécom avec un ou des opérateurs alternatifs.


(44) Lignes directrices, paragraphe 75 de la section 3 « Evaluation de la puissance sur le marché ».



II-3.2.3. Analyse d'une influence significative conjointe


Dans son avis no 2005-A-05 susvisé sur l'analyse des marchés pertinents de la téléphonie fixe menée par l'Autorité, le Conseil de la concurrence a en effet estimé que l'Autorité devait vérifier, sur le marché du transit intra territorial, « si, en fonction des parts de marché calculées hors autoconsommation et des autres facteurs plus qualitatifs pouvant déterminer une puissance de marché, une telle influence significative peut ou non être également exercée par d'autres opérateurs sur ce marché ».

L'Autorité comprend cette remarque comme étant une invitation à analyser si un ou des opérateurs alternatifs exerce(nt) une influence significative conjointe avec France Télécom.

L'article D. 302-II du CPCE précise qu'« une influence significative conjointe au sens de l'article L. 37-1 peut être exercée par plusieurs opérateurs dès lors que le marché présente une structure considérée comme propice à produire des effets coordonnés, même s'il n'existe aucun lien structurel ou autre entre ces opérateurs. Une telle situation peut se produire sur un marché présentant plusieurs caractéristiques appropriées, notamment en termes de concentration et de transparence, ainsi que d'autres caractéristiques » dont la maturité du marché, des structures de coûts analogues, des mécanismes de rétorsion.

Dans son arrêt Airtours du 6 juin 2002, le TPICE précise qu'une position dominante collective peut notamment correspondre à une situation de collusion tacite dans laquelle « prenant conscience des intérêts communs, chaque membre de l'oligopole dominant considérerait possible, économiquement rationnel et donc préférable d'adopter durablement une même ligne d'action sur le marché dans le but de vendre au-dessus des prix concurrentiels, sans devoir procéder à la conclusion d'un accord ou recourir à une pratique concertée (...), et ce sans que les concurrents actuels ou potentiels, ou encore les clients et les consommateurs, puissent réagir de manière effective. »

Selon cette jurisprudence, une ligne d'action commune correspondant à une collusion tacite n'est soutenable que dans la mesure où elle a lieu sur un marché :

- permettant une transparence de détection d'une éventuelle déviation de la ligne d'action commune de la part d'un concurrent ;

- présentant des facteurs dissuadant toute entreprise de commettre un tel écart ;

- protégeant les entreprises de l'entrée de concurrents pouvant contester la ligne d'action commune ainsi que de l'exercice d'un contrepouvoir d'acheteur.

Deux opérateurs alternatifs, Cegetel et Neuf Télécom, possèdent chacun, selon les calculs de l'Autorité, une part de marché d'au plus 20 %, ce qui peut effectivement inviter à envisager la possibilité d'une influence significative conjointe exercée par l'un et/ou l'autre de ces opérateurs avec France Télécom.

Toutefois, au cas d'espèce, et eu égard à l'évolution de ce marché, il ne peut être démontré qu'une ligne d'action commune existe entre les opérateurs France Télécom, Cegetel et Neuf Télécom. En effet, ce marché démontre davantage le développement d'une concurrence entre ces trois opérateurs que l'adoption d'une position commune.

Par ailleurs, au vu des économies d'échelle et de gamme dont dispose France Télécom (cf. point suivant), qui sont sans commune mesure avec celles dont peuvent bénéficier les opérateurs alternatifs, compte tenu notamment de sa position sur les marchés de détail situés en aval, il n'est pas fondé d'envisager, à ce stade, qu'un de ces opérateurs puisse exercer, avec France Télécom, une influence significative sur ce marché.


II-3.2.4. Economies d'échelle et de gamme

a) Evaluation qualitative


France Télécom possède le réseau le plus capillaire et le plus maillé de France. A titre d'exemple, sur le territoire métropolitain, son réseau, long de 200 000 kilomètres de fibres optiques, possède près de 550 commutateurs d'abonnés, et une soixantaine de commutateurs de transit, alors qu'à une exception près, les réseaux alternatifs les plus étendus ne comptent qu'une cinquantaine de points de présence et ne dépassent jamais 20 000 kilomètres de fibre.

En outre, au contraire des opérateurs alternatifs dont les offres sont généralement ciblées, l'offre de services de détail de France Télécom est particulièrement diversifiée sur les différents marchés de la téléphonie fixe, des services à large bande et des autres marchés de services de capacité et de transmission de données et couvre l'ensemble des besoins des clientèles de détail et de gros.



Par ailleurs, comme cela est détaillé dans l'analyse des marchés de détail de la téléphonie fixe, les gains de parts de marché réalisés par la concurrence vis-à-vis de France Télécom reposent essentiellement sur l'utilisation des offres de gros de cette dernière, qu'il s'agisse notamment des services de sélection du transporteur, de présélection, d'accès partagé ou totalement dégroupé à la boucle locale ou des services de gros de liaisons louées.

Il en résulte que les volumes de communications acheminées par France Télécom sur son réseau, dont l'importance est tout particulièrement mise en évidence par l'évaluation des parts de marché corrigées des volumes de production interne (cf. point suivant), lui procurent d'importantes économies d'échelle et de gamme, qui lui permettent de disposer d'un avantage important et structurel en matière de coûts par rapport à ses concurrents.

Cet avantage lui permet de dégager des marges supérieures à celles de concurrents aussi efficaces qu'elle sur le plan économique, ou éventuellement de baisser ses prix de gros de transit à des niveaux inférieurs aux prix que ses concurrents, qui bénéficient pour leur part d'économies d'échelle et de gamme moins importantes, peuvent fixer raisonnablement sans subir de pertes économiques substantielles.

Par ailleurs, l'importance des volumes de communications acheminées sur le réseau de France Télécom, générées notamment par ses clients au niveau des marchés de détail, a permis à France Télécom d'envisager une interconnexion généralisée de l'ensemble des réseaux des opérateurs alternatifs, les volumes étant déterminants dans la faculté de rentabiliser les coûteux investissements de raccordement qui en découlent. Cette interconnexion généralisée lui procure également un avantage certain sur le marché du transit, comme le détaille le point ultérieur consacré à l'évaluation de l'ampleur de la concurrence potentielle.

Dans sa réponse à la consultation de l'Autorité du 9 juillet 2004, France Télécom conteste la réalité de ces différences de coûts, en invoquant notamment le fait que la dispersion de son réseau sur le territoire produirait au contraire des déséconomies d'échelle, et en précisant qu'en tout état de cause l'Autorité ne présentait pas dans le cadre de cette analyse de marché de mesure quantifiée de ces économies.

Même si la réalité de ces différences de coûts a été discutée, en invoquant notamment le fait que la dispersion du réseau de France Télécom sur le territoire produirait au contraire des déséconomies d'échelle et que l'Autorité ne dispose pas de moyens de mesure des économies d'échelle, l'Autorité demeure cependant d'avis que France Télécom dispose d'importants avantages en matière de structure des coûts grâce à d'importantes économies d'échelle et de gamme dans un modèle économique où les coûts fixes prédominent. L'estimation des parts de marché intégrant les volumes de production interne (cf. ci-dessous) a précisément pour objet de fournir un indicateur quantitatif reflétant des effets d'échelle et de gammes.

S'agissant de l'hypothèse suggérée par France Télécom selon laquelle elle aurait été pénalisée par rapport aux autres opérateurs du fait de ses obligations de service universel, l'Autorité rappelle qu'un fonds de service universel a systématiquement compensé les déséquilibres budgétaires qu'elle a enregistrés pour les efforts de déploiement fournis vis-à-vis des clients non rentables.

Ce fonds compensera encore, à l'avenir, les déséquilibres budgétaires encourus par France Télécom, reconduit dans ses obligations de service universel.


(45) Arrêté du 3 mars 2005 portant désignation de l'opérateur chargé de fournir la composante du service universel prévue au 1° de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques.



b) Evaluation quantitative via la prise en compte

des volumes de production interne


L'Autorité estime que les volumes de production interne d'une entreprise doivent être pris en compte dans l'analyse de la puissance éventuelle d'un opérateur sur le marché, et qu'ils constituent une « mesure » des économies d'échelle dont peut jouir cette entreprise.

En premier lieu, il convient de préciser que l'on entend par production interne des prestations intermédiaires produites à des fins de fourniture d'un service à des tiers.

L'économie du marché des communications électroniques se caractérise par l'importance des coûts fixes communs encourus par tout opérateur. Parce qu'ils participent à la couverture de ces coûts, les volumes de production interne structurent fortement l'ampleur des économies d'échelle que connaît l'opérateur, et doivent donc, d'une manière ou d'une autre, être quantifiés au stade de l'analyse de la puissance éventuelle d'un acteur du marché.

L'Autorité considère en effet que ces économies d'échelle confèrent aux opérateurs intégrés ayant une forte production interne un avantage substantiel en termes de coûts par rapport à ceux de leurs concurrents qui ne sont pas intégrés ou dont la production interne est moins importante.

Par conséquent, et même si les parts de marché d'un opérateur renseignent également sur sa capacité à se comporter indépendamment ou non de son environnement de marché, il est nécessaire de compléter l'information qu'elles apportent par le calcul de parts de marché « fictives » corrigées des volumes de production interne des opérateurs.

La Commission européenne, dans ses « lignes directrices » du 13 octobre 2000 sur les restrictions verticales, confirme l'importance concurrentielle des volumes de production interne, rappelant que « La production interne, c'est-à-dire la fabrication par une entreprise d'un bien intermédiaire aux fins de sa propre production, peut revêtir une très grande importance dans une analyse de la concurrence en tant que contrainte concurrentielle ou en tant que facteur qui renforce la position d'une entreprise sur le marché. »

Dans ces conditions, et comme le rappelle le Conseil de la concurrence dans son avis no 2005-A-05 susvisé, il convient de prendre en compte la production interne pour apprécier les avantages dont bénéficient les opérateurs en matière d'économies d'échelle.

En l'occurrence, l'évaluation de ces parts de marché porte à 67 % et 67,5 % la part de France Télécom, respectivement en 2004 et 2005 S1, ce qui traduit les importantes économies d'échelle dont jouit cet opérateur sur le marché, et mises en exergue ci-dessus.


II-3.2.5. Concurrence potentielle limitée et barrières à l'entrée


Comme cela a été indiqué lors de la délimitation du marché du transit, deux éléments limitent la concurrence potentielle des offres des opérateurs alternatifs sur ce marché :

- du point de vue de la capacité des acheteurs à opter pour d'autres fournisseurs que France Télécom, seuls des opérateurs qui échangent un volume de trafic suffisant seront susceptibles d'établir et de rentabiliser un raccordement direct entre leur réseau et celui de l'opérateur vendeur du transit.

Cette situation limite le nombre des acheteurs pouvant effectivement accéder à des offres de transit concurrentes de celles de France Télécom. Ceci est particulièrement le cas pour les petits opérateurs de boucle locale qui doivent, pour accéder à ces offres alternatives, supporter le coût d'un raccordement supplémentaire au raccordement initial au réseau de France Télécom.



Par ailleurs, les difficultés actuelles, liées à l'acheminement des communications vers les numéros ayant fait l'objet de la portabilité au départ du réseau de France Télécom vers des opérateurs de boucle locale tiers, limitent les possibilités dont disposent les autres opérateurs de transit de proposer des prestations de transit entrant à ces opérateurs de boucle locale tiers. Cette limitation renforce la difficulté à rentabiliser les liens de raccordement éventuels vers d'autres fournisseurs ;

- du côté des offreurs, les opérateurs alternatifs ne peuvent proposer de prestations de transit effectivement substituables à celles de France Télécom que lorsque les volumes en jeu permettent de rentabiliser les investissements correspondants.

A titre d'illustration, un seul opérateur alternatif raccorde aujourd'hui les 550 commutateurs d'abonnés de France Télécom en métropole, alors qu'une douzaine d'opérateurs raccordent aujourd'hui au moins 18 commutateurs de transit afin d'acheter des prestations de transit intermédiaires à France Télécom. De surcroît, seule France Télécom est aujourd'hui interconnectée à l'ensemble des commutateurs de raccordement d'abonnés (ou équipements équivalents) de l'ensemble des opérateurs de boucle locale. Elle est ainsi la seule à être en mesure de proposer des offres de connectivité généralisée avec l'intégralité des réseaux français, sans avoir recours à une offre complémentaire d'un tiers.

A l'opposé, et compte tenu des éléments précédents, la quasi-totalité des offres de transit fournies aujourd'hui par des opérateurs alternatifs reposent elles-mêmes sur l'achat, pour une large partie, de prestations intermédiaires de transit à France Télécom.

Cette situation traduit le fait qu'il subsiste d'importantes barrières économiques à l'entrée sur le marché du transit, tout particulièrement sur la fourniture de prestations de transit nécessitant le raccordement des CA de France Télécom et des CA des autres opérateurs de boucle locale.

L'importance de ces barrières à l'entrée est renforcée par l'importance des coûts irréversibles (sunk costs) liés à l'investissement dans le déploiement des réseaux, et notamment au raccordement des CA des opérateurs de boucle locale, qui fait peser un risque significatif lié à l'entrée sur ce marché. A titre illustratif, il convient de noter que les investissements initiaux en réseau général (46) (transmission et commutation) et en génie civil consentis par France Télécom s'élèvent, respectivement, à 9,02 milliards d'euros et 4,68 milliards d'euros (47). Ces investissements représentent des coûts annuels (amortissement et coûts de maintenance et exploitation) respectifs de 1,71 milliard d'euros et 0,58 milliard d'euros.


(46) Soit l'ensemble du réseau hors la boucle locale. (47) Etude TERA pour le sous-comité économique du comité de l'interconnexion de septembre 2001.



II-3.2.6. Faible présence de contre-pouvoirs des acheteurs


Les plus gros acheteurs en volume de prestations de transit sont les services de détail de France Télécom, ce qui rend très peu probable la perspective d'une pression à la baisse sur les prix de ces offres par le principal acheteur de ce marché.

L'Autorité ne nie cependant pas la possibilité d'une concurrence par les prix via l'accès à des offres de transit alternatives, mais celle-ci est limitée à certaines zones, pour certains acheteurs et pour certaines prestations précises, générant des volumes de trafic importants.

En particulier, comme elle l'a déjà indiqué précédemment, les possibilités dont disposent les petits opérateurs de faire appel à d'autres fournisseurs sont relativement limitées, au regard, notamment, des volumes souvent faibles des trafics transitant entre réseaux de boucle locale alternatifs.

A cet égard, l'Autorité considère qu'en l'absence d'une obligation de fournir des prestations de transit imposée à France Télécom, cette dernière pourrait refuser de fournir ces prestations à certains opérateurs alternatifs, notamment les petits opérateurs de boucle locale. Cela obligerait ces acteurs à mettre en oeuvre des interconnexions directes en lieu et place de l'utilisation du transit fourni par France Télécom, engendrant par là même des surcoûts qui les pénaliseraient fortement. La nécessité économique d'établir de telles interconnexions directes pour l'acheminement de trafic pourrait également augmenter le niveau des barrières à l'entrée sur le marché de la boucle locale téléphonique et agir in fine comme une désincitation à l'entrée sur ce marché.


II-3.2.7. Intégration verticale de l'entreprise


Parmi tous les opérateurs présents sur le marché du transit, France Télécom possède la particularité d'être puissante non seulement sur les marchés de détail des communications et de l'accès, mais aussi sur le marché du départ d'appel. Elle est également puissante sur le marché de la terminaison d'appel sur son réseau, lequel est destinataire des plus gros volumes de trafic (cf. l'analyse de la puissance de France Télécom sur ce dernier marché).

Or un opérateur qui achète une prestation de transit doit également demander une prestation de départ d'appel ou de terminaison, afin d'être capable de joindre les utilisateurs finals.

Ainsi, au-delà des effets de levier pouvant survenir entre les marchés de gros et les marchés de détail situés en aval, les liens existant entre le marché du transit et ceux du départ d'appel et de la terminaison d'appel sont tels qu'ils permettent à France Télécom d'utiliser sa position de quasi-monopole sur ces derniers, par effet de levier, pour renforcer la puissance qu'elle détient sur le transit.

A titre d'illustration, les restrictions qu'impose encore France Télécom sur la collecte de trafic pour compte de tiers montrent les avantages qu'elle peut tirer de sa position incontournable sur le marché du départ d'appel malgré une régulation imposée sur ce marché : ainsi, France Télécom restreint la portée des offres de collecte pour compte de tiers des opérateurs alternatifs en leur refusant de collecter le trafic d'un opérateur tiers au commutateur d'abonné tiers s'ils ne collectent pas l'ensemble du trafic de cet opérateur dans la zone de transit correspondante. L'opérateur alternatif se voit donc contraint, s'il veut se substituer à France Télécom, d'investir sur l'ensemble des CA de la zone de transit.


II-3.2.8. Evolution prospective du marché


L'Autorité estime que, malgré un début de concurrence réel, le marché du transit intra territorial n'est pas encore effectivement concurrentiel. L'opérateur historique sera encore en mesure à l'horizon de la présente analyse de s'y comporter indépendamment de ses clients et de ses concurrents, grâce notamment à sa puissance sur les divers marchés situés en amont (détail et gros), et aux avantages structurels dont il jouit sur ce marché.

L'Autorité estime avoir tenu compte des principales évolutions en cours sur les marchés de la téléphonie fixe, notamment les évolutions technologiques liées à l'utilisation croissante des technologies de transport sur IP dans les réseaux commutés ainsi que de l'impact prévisible du développement sur les marchés de détail des offres de communications de voix sur IP, comme les nouveaux services de voix sur accès large bande.



L'Autorité estime cependant que ces évolutions ne devraient pas bouleverser les conclusions auxquelles elle parvient au cours de la période couverte par cette analyse de marché, eu égard, d'une part, du délai minimal dans lequel leurs effets, si elles devaient se confirmer, auraient un effet notable sur le marché et, d'autre part, à l'analyse des principaux critères présentés ci-dessus, qui ne saurait être remise en cause à l'horizon de la présente analyse.

Par ailleurs, le rapprochement autorisé par les autorités de concurrence entre deux acteurs majeurs de ce marché, Neuf Télécom et Cegetel, n'est pas en mesure, selon l'Autorité, de remettre en cause l'influence significative dont jouit France Télécom sur les trois prochaines années.

Ainsi, si cette opération fait effectivement apparaître un acteur possédant une part de marché importante, toutefois inférieure à 45 %, l'Autorité note que la part de marché de France Télécom restera toujours supérieure à 50 % (l'opérateur mobile SFR devenant simple actionnaire minoritaire du nouvel ensemble implique de prendre en compte dans le calcul des parts de marché les volumes de trafic à acheminer en transit pour cet opérateur). Par ailleurs, les sociétés concernées estiment que les synergies attendues ne se matérialiseront pleinement qu'en 2007 (48). Enfin, et en tout état de cause, l'Autorité estime qu'il n'est pas envisageable, au regard de l'ensemble des critères qualitatifs examinés ci-dessus, et notamment celui attribuant à France Télécom des économies d'échelle et de gammes sans commune mesure avec celles dont peuvent bénéficier ses concurrents, de considérer une situation de dominance conjointe de France Télécom et de l'entité que formeront Neuf Telecom et Cegetel, à l'horizon temporel de la présente analyse.

En tout état de cause, l'Autorité effectuera un suivi plus général de l'évolution des marchés et pourra être amenée à réexaminer ses conclusions, y compris quant à l'influence significative de France Télécom, en cas d'évolution substantielle des conditions concurrentielles.


(48) Conférence de presse, 11 mai 2005, 9 Telecom-Cegetel.



II-3.2.9. Conclusion


A la lumière de cette analyse, l'Autorité estime que les pertes de parts de marché connues par France Télécom ne permettent pas de considérer que ce marché est devenu effectivement concurrentiel.

L'ensemble des critères analysés ci-dessus mettant en évidence les avantages structurels de France Télécom sur ce marché, l'Autorité estime donc que cet opérateur dispose d'une influence significative sur le marché du transit intra territorial sur la période d'analyse.

Enfin, à ce stade de l'évolution du marché, l'Autorité considère qu'aucun autre opérateur ne dispose d'une influence significative.


II-3.3. Le marché du transit inter territoires

II-3.3.1. Préambule : regroupement des marchés en trois groupes

et analyses essentiellement qualitatives de chacun d'entre eux


L'Autorité a défini au chapitre précédent les marchés pertinents suivants du transit inter territoires :

- prestations de transit métropole-Martinique ;

- prestations de transit métropole-Guadeloupe ;

- prestations de transit métropole-Guyane ;

- prestations de transit métropole-Réunion ;

- prestations de transit métropole-Mayotte ;

- prestations de transit métropole-Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- prestations de transit Guadeloupe-Martinique ;

- prestations de transit Guadeloupe-Guyane ;

- prestations de transit Guyane-Martinique ;

- prestations de transit Réunion-Mayotte.

L'Autorité estime cependant que l'analyse de ces marchés peut être conduite en les regroupant en trois groupes au sein desquels des points communs structurels créent des conditions concurrentielles suffisamment similaires pour qu'ils puissent être analysés conjointement :

- le premier groupe regroupe ainsi les marchés métropole-Réunion, métropole-Guyane, métropole-Guadeloupe et métropole-Martinique : en effet, l'Autorité estime que la présence de câbles sous-marins sur ces relations structure fortement l'ensemble de ces marchés, et qu'elle crée des conditions concurrentielles similaires ;

- le deuxième groupe regroupe les marchés métropole-Mayotte et métropole-Saint-Pierre-et-Miquelon : sur ces relations, en effet, les solutions de transit reposent sur des solutions hertziennes, souvent satellitaires, du fait de l'absence de câbles sous-marins desservant ces collectivités d'outre-mer ;

- enfin, le dernier groupe regroupe les marchés Guadeloupe-Martinique, Guadeloupe-Guyane, Guyane-Martinique et Réunion-Mayotte : ces marchés concernent des relations de transit entre des territoires géographiquement proches, pour lesquelles par conséquent les conditions concurrentielles peuvent s'avérer différentes.

Le schéma suivant présente sommairement la situation géographique des 7 territoires couverts par l'analyse et l'état des lieux des infrastructures en place permettant de joindre ces différents territoires.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





L'analyse qui suit est essentiellement basée sur des raisonnements de type qualitatif, l'Autorité n'ayant pas pu obtenir d'éléments chiffrés précis sur ces marchés, malgré un questionnaire secondaire spécifique envoyé en juillet 2004 à l'attention de l'ensemble des acteurs concernés.

En l'absence d'analyse des parts de marché, elle a analysé avec le plus grand soin l'ensemble des autres critères de puissance sur ces marchés, conformément aux « lignes directrices » de la Commission européenne (49).


(49) Alinéa 78 des lignes directrices de la Commission européenne.



II-3.3.2. Analyses des marchés du groupe 1


Rappel : ce groupe de marchés concerne les relations suivantes : métropole-Réunion, métropole-Guyane, métropole-Guadeloupe et métropole-Martinique.

L'Autorité estime que France Télécom est un opérateur puissant sur l'ensemble de ces marchés.


a) Détention par France Télécom d'infrastructures difficiles à dupliquer


Sur l'île de la Réunion, un seul câble, SAT3/WASC/SAFE, atterrit à la Réunion et France Télécom dispose, jusqu'en 2007, d'une exclusivité de revente de la capacité de ce câble aux opérateurs français.

En Guyane, un seul câble, Americas II, est présent. Tous les opérateurs du consortium peuvent proposer des offres de gros aux opérateurs locaux.

En Guadeloupe, un seul câble, ECFS, est présent. Tous les opérateurs du consortium peuvent proposer des offres de gros aux opérateurs locaux.

En Martinique, deux câbles atterrissent à la Martinique, ECFS et Americas II. Tous les opérateurs des deux consortiums peuvent proposer des offres de gros aux opérateurs locaux.


Tableau récapitulatif


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91


Les câbles sous-marins sont des infrastructures particulièrement coûteuses, et donc difficiles à dupliquer. A titre d'illustration, on pourra retenir les ordres de grandeur suivants :

- un investissement initial de l'ordre de 650 millions de dollars américains (50) ;

- des coûts d'exploitation annuels avoisinant les 10 % de l'investissement initial ;

- des charges indirectes s'élevant à près de 20 % du total des amortissements annuels.

France Télécom détient des intérêts économiques dans chacune de ces infrastructures, et parfois une exclusivité de commercialisation.



De plus, les capacités allouées aux membres des consortiums le sont à des tarifs fortement dégressifs avec la quantité retenue. Ainsi, sur le câble SAT3/WASC/SAFE, il était possible au moment de la constitution du consortium d'acquérir une capacité faible, ce qui permettait l'entrée dans le consortium de nombreux opérateurs. Mais cette capacité était vendue à un prix très supérieur à celui dont bénéficie France Télécom en tant qu'investisseur principal. Cet élément illustre donc les économies d'échelle et de gammes dont France Télécom bénéficie au cas d'espèce.

Par ailleurs, les câbles actuellement utilisés n'étant pas saturés, il serait inefficace de dupliquer ces infrastructures en l'absence d'économies d'échelle substantielles, auxquelles aucun opérateur alternatif ne peut prétendre étant donnée la situation de France Télécom sur les marchés de détail sous-jacents, et l'utilisation que cette entreprise en fait pour d'autres usages (communications internationales par exemple). D'autant que les coûts fixes de construction de ces infrastructures représentent une part fortement majoritaire des coûts induits par l'utilisation de ces câbles.

France Télécom est certes concurrencée par les opérateurs membres des consortiums auxquels il appartient, mais conserve la maîtrise de la quasi-totalité du trafic de transport entrant ou sortant de chaque DOM, puisqu'elle est puissante sur l'ensemble des marchés de détail sous-jacents et de gros en amont.

Par ailleurs, des offres satellites sont disponibles sur l'ensemble du territoire. Comme précisé par un opérateur dans le cadre de la consultation publique, ces dernières constituent éventuellement un substitut aux offres reposant sur les solutions de fibres optiques sous-marines.

Cependant, cette hypothèse n'est que théorique ; l'Autorité considère que les offres satellitaires ne peuvent constituer une contrainte concurrentielle suffisamment forte sur un acteur comme France Télécom, qui est le seul à pouvoir proposer des offres reposant sur des choix techniques plus robustes comme les fibres optiques.

En effet, les solutions satellites sont parfois indisponibles durant de longues périodes sur les régions tropicales concernées ici, notamment à cause des ouragans, fréquents sur ces zones.

Par ailleurs, outre leur taux de disponibilité réduit en comparaison à celui d'un câble sous-marin, les solutions satellites n'offrent pas une qualité de service équivalente à celle offerte par des solutions employant des fibres optiques sous-marines. Si une dégradation de qualité de service est envisageable pour certaines catégories de trafic, résidentiel notamment, elle ne l'est en aucun cas pour les trafics professionnels, traditionnellement générateurs d'un plus gros volume de trafic.

Par conséquent, la disponibilité d'une offre sécurisée sur le câble est fondamentale pour le développement des marchés de la téléphonie fixe.

Les barrières à l'entrée sur ce marché sont donc très fortes : il est impossible de proposer une offre concurrentielle sans un fort investissement et une participation aux consortiums existants.


(50) Ainsi, France Télécom aurait dépensé 96 millions de dollars dans le câble SAFE, ce qui représente 15 % de ce système (cf. décision no 2004-374 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 27 avril 2004 se prononçant sur un différend opposant le conseil régional de la Réunion à France Télécom).



b) Economies de gammes et d'échelle, intégration verticale


Par ailleurs, et tout comme sur les marchés de gros précédents, sur lesquels ces critères ont été développés, France Télécom profite également sur ces marchés de son intégration verticale, et notamment des économies d'échelle et de gamme substantielles qui en découlent.


c) Evolution prospective du marché


Sur un plan prospectif, cette situation est peu susceptible d'évoluer à l'horizon de la présente analyse. En Guyane et à la Réunion, aucune infrastructure nouvelle ne devrait être construite dans les années à venir. Un projet de câble reliant la Guadeloupe à Porto Rico, mené par le conseil régional de Guadeloupe, a toutefois récemment été concrétisé par la signature d'une délégation de service public avec un opérateur, pour une mise en service prévue à l'automne 2005. L'éventualité d'une extension de ce câble vers la Martinique a cependant été remise à l'étude.

La puissance actuelle de France Télécom n'est donc a priori pas amenée à disparaître à l'horizon de cette analyse (2005-2008).

L'Autorité se réserve toutefois la possibilité d'anticiper une nouvelle analyse de marché au regard de l'évolution de la situation sur ces marchés, et notamment de la mise en service effective de nouveaux câbles ou des modifications des conditions d'accès à l'ensemble des infrastructures en place.


II-3.3.3. Analyses des marchés du groupe 2


Rappel : ce groupe de marchés concerne les relations suivantes : métropole-Mayotte et métropole-Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'Autorité estime que France Télécom est un opérateur puissant sur l'ensemble de ces marchés.


a) Détention par France Télécom d'infrastructures difficiles

à dupliquer et absence de contre-pouvoir d'acheteurs


Les seules infrastructures de sortie (et d'entrée) de trafic du territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon vers le reste du monde sont :

- un lien satellite de France Télécom d'une capacité de 60 canaux voix de 64 kbits/s (environ 3,8 Mbits/s) pour les liaisons vers l'ensemble des destinations mondiales excepté le Canada ;

- un lien FH analogique d'une capacité de 20 canaux voix (environ 1,3 Mbits/s), également propriété de France Télécom, pour les liaisons vers le Canada ;

- et un lien FH numérique d'une capacité de 8 x 1,6 Mbits/s, propriété de SPM Télécom, utilisé aujourd'hui pour l'accès au réseau internet uniquement.

Pour sortir du trafic de Mayotte (ou pour y entrer), les éléments recueillis par l'Autorité semblent indiquer qu'outre les infrastructures de France Télécom, une seule solution est disponible : le lien satellite d'une capacité de 2 x 2 Mb/s commercialisé par Gensat, et reliant Mayotte et la Réunion, utilisé par SRR, territoires sur lesquels cet opérateur dispose d'une autorisation de téléphonie mobile.

L'essentiel du trafic à destination de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon se compose statistiquement de trafic au départ des abonnés de France Télécom en métropole, pour lequel France Télécom assure elle-même le transit vers ces deux territoires.

Concernant le trafic au départ de Saint-Pierre-et-Miquelon et à destination de la métropole, l'unique acteur local sur Saint-Pierre-et-Miquelon, SPM Télécom, étant une filiale de France Télécom, cette dernière achemine la quasi-totalité du trafic.

Sur Mayotte, outre France Télécom, il n'existe qu'un seul opérateur, l'opérateur mobile SRR (filiale de SFR), qui dispose de moins de 40 000 clients, et qui dispose de sa propre solution de sortie du territoire de Mayotte, comme déjà mentionné.



Au vu de la taille des marchés (6 000 habitants à Saint-Pierre-et-Miquelon, 150 000 à Mayotte), les acteurs qui achètent des prestations de transit entre Mayotte ou Saint-Pierre-et-Miquelon et la métropole ne génèrent donc pas de trafic suffisant pour exercer un réel contre-pouvoir d'acheteurs sur France Télécom, ni pour être en mesure de dupliquer les infrastructures de transit vers ces territoires.


b) Economies de gammes et d'échelle, intégration verticale


Par ailleurs, et tout comme sur les marchés de gros précédents, sur lesquels ces critères ont été développés, France Télécom profite également sur ces marchés de son intégration verticale, et notamment des économies d'échelle et de gamme substantielles qui en découlent.


c) Evolution prospective du marché


Sur un plan prospectif, cette situation est peu susceptible d'évoluer à moyen terme, compte tenu de l'étroitesse des marchés et de l'influence significative qu'exerce actuellement France Télécom sur ceux-ci.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, une solution actuellement à l'étude par l'acteur local, SPM Télécom, consisterait à utiliser des solutions de voix sur IP sur les canaux FH numériques qu'il possède déjà vers le Canada pour sa connectivité internet. Mais cette solution n'aurait en aucun cas vocation à remplacer la solution satellitaire actuelle, l'opérateur envisageant d'utiliser les deux possibilités en partage de charge. Par ailleurs, la solution, encore à l'étude, n'est pas en mesure de remettre en cause la validité de l'analyse précédente sur les trois prochaines années.

A Mayotte, au vu des informations dont dispose l'Autorité, aucune solution de nature à modifier l'analyse précédente n'est envisagée dans les toutes prochaines années.

L'Autorité se réserve toutefois la possibilité d'anticiper une nouvelle analyse de marché au regard de l'évolution de la situation sur ces marchés.


II-3.3.4. Analyses des marchés du groupe 3


Rappel : ce groupe de marchés correspond aux marchés : Guadeloupe-Martinique, Guadeloupe-Guyane, Guyane-Martinique et Réunion-Mayotte.


a) Détention par France Télécom

d'infrastructures difficiles à dupliquer


Malgré un questionnaire spécifique aux marchés du transit inter territoires envoyé à l'été 2004 à l'ensemble des acteurs concernés, l'Autorité dispose de particulièrement peu d'informations sur ces marchés.

Néanmoins, sur toutes ces relations, un câble sous-marin permet de joindre au moins l'un des territoires concernés. Or, dans les zones géographiques tropicales, les solutions reposant sur des infrastructures en fibre optique offrent une qualité de service bien supérieure. En particulier, comme exposé ci-dessus, le taux de disponibilité des solutions reposant sur des solutions hertziennes ou satellites est fortement dégradé en période de turbulences climatiques (cyclones...).

Par conséquent, France Télécom possédant déjà les moyens de production permettant d'acheminer du trafic sur ces relations, et ayant de surcroît des parts dans les consortia qui possèdent les câbles sous-marins, semble disposer d'un avantage structurel conséquent sur ces marchés.


b) Economies de gammes et d'échelle, intégration verticale


Par ailleurs, et tout comme sur les marchés de gros précédents, sur lesquels ces critères ont été développés, France Télécom profite également sur ces marchés de son intégration verticale, et notamment des économies d'échelle et de gamme substantielles qui en découlent.


c) Evolution prospective du marché


Il paraît peu probable, au regard du petit volume de trafic qui est acheminé sur chacun de ces marchés, qu'un opérateur qui sollicite des prestations d'acheminement sur une de ces relations puisse raisonnablement créer ses propres infrastructures, au risque de ne pouvoir rentabiliser ses investissements dans un délai convenable.


II-3.3.5. Conclusion


Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité estime que France Télécom détient une influence significative sur l'ensemble des marchés du transit inter territoires sur la période d'analyse.


II-3.4. Le marché de la terminaison d'appel

sur le réseau de France Télécom

II-3.4.1. Analyses des parts de marché


La part de marché de France Télécom sur le marché de la terminaison d'appel vers les numéros géographiques sur son réseau est de 100 %.

Cela provient de l'impossibilité pour un opérateur tiers de fournir cette prestation à sa place. Comme le souligne le Conseil de la concurrence dans son avis no 2005-A-10 du 11 mai 2005 précité (§ 14) « chaque opérateur alternatif est en position de monopole sur le marché de la terminaison, sur la boucle locale, des appels vers des numéros géographiques ». Ce raisonnement s'applique également à France Télécom.

Une telle part de marché constitue un indicateur important d'une présomption de puissance de marché. Il est toutefois nécessaire d'examiner les autres critères afin d'en évaluer la portée.


II-3.4.2. Absence de contre-pouvoirs des acheteurs


Des contre-pouvoirs d'acheteurs existeraient si les acheteurs de terminaison d'appel avaient la capacité de s'opposer à une hausse éventuelle par France Télécom de ses prix de terminaison d'appel ou de contraindre ceux-ci à une baisse.

L'Autorité estime qu'aucun opérateur alternatif n'est en mesure d'exercer un tel contre-pouvoir.



En effet, comme on l'a vu précédemment lors de la délimitation de ce marché, il n'existe pas d'alternative effective à l'achat de terminaison d'appel à France Télécom pour l'acheminement des communications jusqu'aux abonnés raccordés à son réseau.

Par ailleurs, compte tenu de l'importance de la taille du parc d'abonnés raccordés au réseau de France Télécom par rapport à celui de ses concurrents, la possibilité théorique dont disposent les opérateurs tiers de menacer de cesser l'achat de terminaison d'appel sur le réseau de France Télécom en cas de hausse significative de ses tarifs n'est pas susceptible d'exercer une contrainte sur les prix de ces prestations.

En effet, France Télécom peut supporter dans une certaine mesure, compte tenu de la taille des autres réseaux de boucle locale, les conséquences de l'impossibilité qui en résulterait pour ses abonnés d'être appelés par les utilisateurs de l'un de ces autres réseaux.

En revanche, l'impossibilité pour les utilisateurs raccordés à un autre opérateur de téléphonie de joindre les abonnés raccordés au réseau de France Télécom, qui représentent entre 95 % et 99 % du parc total d'abonnés aux réseaux de téléphonie fixe en France, serait extrêmement pénalisante et compromettrait la viabilité de l'activité commerciale de cet opérateur.

Enfin, les services de détail de France Télécom sont les plus gros acheteurs en volume de prestations de terminaison d'appel, ce qui rend très peu probable la perspective d'une pression à la baisse sur les prix de ces offres par le principal acheteur de ce marché.


II-3.4.3. Evolution prospective du marché


De façon prospective, au vu des perspectives de développement sur le marché de détail de l'accès bande étroite, sur lequel France Télécom exerce une influence significative, les conditions concurrentielles du marché de la terminaison d'appel sur son réseau ne devraient pas évoluer dans les prochaines années.


II-3.4.4. Conclusion


France Télécom détient une influence significative sur le marché de gros de la terminaison d'appel sur son réseau pour la période couverte par la présente analyse (2005-2008).


II-4. Commentaires sur l'analyse de l'Autorité


L'analyse conduite par l'Autorité sur l'influence significative de France Télécom sur les marchés pertinents a fait l'objet d'un avis du Conseil de la concurrence (II-4.1) et d'observations de la Commission européenne (II-4.2).


II-4.1. Avis du Conseil de la concurrence


Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité a sollicité l'avis du Conseil de la concurrence, notamment sur la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur les marchés pertinents qu'elle a identifiés, le 5 janvier 2005. Le Conseil de la concurrence a rendu public son avis no 2005-A-05 le 16 février 2005 (51).

Au sujet des marchés de détail de la téléphonie fixe, le conseil conclut (§ 76) que : « France Télécom exerce une influence significative sur l'ensemble des marchés et segments de marchés délimités par l'ART ».

En ce qui concerne les marchés de gros, le conseil a analysé plus particulièrement le marché du transit intra territorial.

Il émet les commentaires suivants :

- il rappelle que la fourniture de prestations intragroupes ne doit pas être prise en compte dans le calcul des parts de marché. A ce titre, l'achat de prestations de transit par Orange France à France Télécom devrait être exclu du calcul des parts de marché ;

- d'autres facteurs que la seule part de marché permettent d'asseoir l'influence significative de France Télécom, à savoir :

- les effets d'économie d'échelle rendus possibles grâce à l'importante autoconsommation ;

- le fait que France Télécom soit directement interconnecté à la totalité des opérateurs français peut constituer un avantage concurrentiel important.

Il conclut de l'ensemble de ces éléments que les réserves qui pourraient être formulées quant au calcul des parts de marché ne sont pas de nature à remettre en cause l'influence significative de France Télécom sur le marché du transit intra territorial. Toutefois, il signale qu'il convient de vérifier si d'autres opérateurs que France Télécom ne disposeraient pas également d'une influence significative sur ce marché.

Enfin, le conseil conclut (§ 76) que « France Télécom exerce une influence significative sur l'ensemble des marchés et segments de marché délimités par l'ART. Mais le conseil recommande une analyse plus poussée du marché de gros du transit d'appel intra-territorial, afin de vérifier si, en fonction des parts de marché calculées hors autoconsommation et des autres facteurs plus qualitatifs pouvant déterminer une puissance de marché, une telle influence significative ne peut ou non être également exercée par d'autres opérateurs sur ce marché ».

Ces remarques ont été prises en compte par l'Autorité, qui a amendé en conséquence son analyse des parts de marché concernées, comme démontré dans les parties précédentes.


(51) Avis no 2005-A-05 du 16 février 2005 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de régulation des télécommunications en application de l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques, portant sur l'analyse des marchés de détail et de gros de la téléphonie fixe.



II-4.2. Observations des autorités réglementaires nationales

et de la Commission européenne


Les autorités réglementaires nationales des autres Etats membres de la Communauté européenne n'ont pas transmis d'observations à l'Autorité.

Comme indiqué précédemment, la Commission européenne a été notifiée du projet de décision de l'Autorité sur les marchés pertinents de gros et de détail de la téléphonie fixe le 29 juillet 2005. Elle a validé l'analyse de l'ARCEP sur la puissance de France Télécom sur les marchés pertinents : « Conformément à l'article 7, paragraphe 5, de la directive "cadre, l'ARCEP peut adopter le projet de mesure final et, le cas échéant, le communiquer à la Commission. »



III. - OBJECTIFS DE L'ACTION RÉGLEMENTAIRE


Si l'analyse du niveau de développement de la concurrence conclut qu'un marché est effectivement concurrentiel, l'Autorité peut proposer la suppression des éventuelles obligations qui s'y appliquaient jusqu'alors ; dans le cas contraire, l'Autorité impose aux entreprises identifiées comme puissantes les obligations spécifiques appropriées, conformément aux articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE. L'imposition de ces obligations doit être établie en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective et proportionnée à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE :

« 1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;

« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;

« 3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;

« 4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;

« 5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;

« 6° Au respect par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;

« 7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;

« 8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;

« 9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;

« 10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;

« 11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;

« 12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;

« 13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;

« 14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »

La présente section présente les obligations génériques sur les marchés de l'interconnexion et de l'accès (III-1) puis sur les marchés de détail (III-2), et présente les obstacles au développement d'une concurrence effective (III-3).


III-1. Obligations génériques d'interconnexion et d'accès

III-1.1. Introduction


D'une manière générale, l'interconnexion des réseaux permet aux opérateurs d'acheminer leurs trafics sur les réseaux des autres opérateurs. Elle permet ainsi à leurs abonnés de joindre les abonnés physiquement présents sur d'autres réseaux.

Par ailleurs, l'existence de marchés de gros de l'accès et de l'interconnexion permet à des opérateurs qui ne possèdent pas l'ensemble des infrastructures nécessaires à l'acheminement de trafic de bout en bout de s'appuyer sur les réseaux existants pour intervenir sur les marchés de détail.

Par conséquent, ces marchés de gros sont indispensables à l'existence et au bon fonctionnement d'une concurrence durable sur les marchés de communications électroniques.

A ce titre, tous les opérateurs, indépendamment de leur éventuelle puissance de marché, sont soumis à une obligation générique de faire droit aux demandes raisonnables d'interconnexion, en vertu de l'article L. 34-8 du CPCE, et peuvent être soumis à des obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, afin notamment d'assurer une connectivité de bout en bout entre l'ensemble des utilisateurs finals, et de garantir à ces derniers une accessibilité à l'ensemble des services de communications électroniques mis sur le marché.


III-1.2. Prééminence de la régulation

via les marchés de gros


La finalité de la conduite des analyses de marchés est, au-delà de la désignation d'opérateurs puissants, de déterminer les obligations spécifiques qui paraissent, conformément aux dispositions des articles L. 38 et L. 38-1 du CPCE, proportionnées aux objectifs de régulation fixés à l'article L. 32-1.

Dans l'esprit du nouveau cadre européen, et conformément à l'article L. 38-1 du CPCE, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros et n'envisage une régulation via les marchés de détail que lorsque l'imposition d'obligations de gros ne suffit pas à atteindre l'objectif poursuivi. Dans cette logique, sont examinées dans le chapitre IV les obligations sur les marchés de gros et dans le chapitre V les obligations complémentaires sur les marchés de détail.


III-1.3. Principales obligations sur les marchés de gros


Conformément à l'article 16 de la directive « cadre », lorsqu'une autorité de régulation nationale a identifié un opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent, celle-ci est tenue de lui imposer des mesures réglementaires spécifiques visées aux articles 9 à 13 de la directive « accès ». Ces obligations sont les suivantes :



- obligations de transparence ;

- obligations de non-discrimination ;

- obligations relatives à la séparation comptable ;

- obligations relatives à l'accès à des ressources spécifiques et à leur utilisation ;

- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.

Conformément au considérant 14 de la même directive, il s'agit d'un ensemble maximal d'obligations pouvant être imposées aux entreprises.

L'article 8 de la directive « accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive « cadre ».

Par ailleurs, le paragraphe 118 des « lignes directrices » indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.

L'article L. 38-I du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».

Il s'agit des obligations suivantes :

- rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ;

- fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;

- faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;

- ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;

- isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.

S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables, notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finals.

Dans ce cadre, l'Autorité peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.

En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants, mentionnés à l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques :

- la viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné ;

- le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible ;

- l'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement ;

- la nécessité de préserver la concurrence à long terme ;

- le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents ;

- la fourniture de services paneuropéens.


III-2. Obligations génériques pour les marchés de détail


En ce qui concerne les obligations imposées sur les marchés de détail, l'article 17 de la directive « service universel » dispose que lorsqu'un marché de détail n'est pas en situation de concurrence réelle et que les obligations imposées au titre de l'interconnexion et de l'accès ne permettent pas réaliser les objectifs de régulation, les autorités réglementaires nationales peuvent imposer des obligations aux entreprises puissantes sur ces marchés. Ces obligations « peuvent inclure l'exigence que les entreprises visées ne pratiquent pas de prix excessifs, n'interdisent pas l'accès au marché ou ne restreignent pas la concurrence en fixant des prix d'éviction, ni ne privilégient de manière abusive certains utilisateurs finals ou groupent leurs services de façon déraisonnable. Les autorités réglementaires nationales peuvent appliquer à ces entreprises des mesures d'encadrement des tarifs [...]. Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que, lorsqu'une entreprise est soumise à une réglementation relative aux tarifs de détail ou à d'autres contrôles concernant le marché de détail, les systèmes nécessaires et appropriés de comptabilité des coûts soient mis en oeuvre [...] ».

Ces dispositions ont été transposées à l'article L. 38-1 du CPCE qui dispose que l'Autorité peut, lorsque les obligations imposées au titre de l'article L. 38 ne permettent pas à elles seules d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, imposer aux opérateurs disposant d'une influence significative sur les marchés de détail une ou plusieurs des obligations présentées ci-après. Elles doivent être proportionnées à la réalisation de ces objectifs susmentionnés, et établies en tenant compte de la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective identifiés lors de l'analyse du marché prévue à l'article L. 37-1. Ces obligations sont :

- l'obligation de non-discrimination et interdiction de couplage abusif ;

- l'obligation de contrôle tarifaire : interdiction des tarifs excessifs ou d'éviction, pratiquer des tarifs reflétant les coûts, encadrement pluriannuel des tarifs, communication préalable des tarifs dans la mesure où ces tarifs ne sont pas déjà contrôlés au titre du service universel ;

- l'obligation de comptabilisation des coûts.


III-3. Obstacles au développement d'une concurrence effective


En vertu des articles L. 37-1 et L. 38 du CPCE, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante au niveau des marchés de gros doit permettre « de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective », ces obstacles étant identifiés au cours de l'analyse des marchés. Il convient donc de procéder à cet examen en ce qui concerne France Télécom.



Dans l'esprit du nouveau cadre européen, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros ; seul son caractère insuffisant peut conduire l'Autorité à envisager une régulation des marchés de détail pour atteindre l'objectif poursuivi.

Les remèdes imposés sur les marchés de gros reposent principalement sur la sélection du transporteur, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, les obligations de transparence et de non discrimination, la publication d'une offre de référence « Interconnexion et sélection du transporteur » et de « Vente en gros de l'accès au service téléphonique », le contrôle des tarifs et les obligations comptables ; ces obligations font l'objet de la partie IV de la présente analyse.

D'une façon générale, il est difficile de prévoir avec certitude l'effet des remèdes imposés sur les marchés de gros sur le fonctionnement de la concurrence. En effet, l'imposition de ces remèdes a pour objectif de permettre aux opérateurs concurrents d'accéder aux offres de gros nécessaires pour intervenir dans des conditions de concurrence équivalentes sur les marchés détail par rapport à celles dont bénéficie France Télécom. Cependant, comme cela est exposé dans l'analyse des marchés de détail, il paraît peu vraisemblable que ces remèdes conduisent les marchés de détail à une situation de concurrence effective sur la période d'analyse.

Le principal frein au développement d'une concurrence effective sur les marchés de détail réside dans la très forte position de puissance de France Télécom sur les marchés de l'accès. A partir de cette position, France Télécom est potentiellement en mesure d'exercer un effet de levier horizontal vers l'ensemble des marchés des communications. Le développement de la demande en accès large bande couplé aux actions de régulation sur les marchés du haut débit devrait permettre dans une certaine mesure de rétablir les conditions d'une concurrence effective en matière d'accès large bande.

En matière d'accès en bande étroite, compte tenu des contraintes économiques et techniques, le déploiement par les opérateurs alternatifs d'infrastructures propres de boucle locale n'est pas envisageable, sauf pour les plus gros accès professionnels. Les accès en large bande sont impropres pour répondre à une demande simple d'accès au réseau téléphonique ouvert au public, demande actuellement couverte par des raccordements analogiques ou numériques de base. Seule l'imposition d'une vente en gros de l'accès au service téléphonique est de nature à permettre l'établissement d'une concurrence accrue.

La création d'une nouvelle offre de gros est néanmoins un processus complexe qui nécessite une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs du secteur et une coopération active de France Télécom. L'industrialisation d'une telle offre nécessitera la résolution de nombreux problèmes techniques, juridiques et commerciaux. Un allègement substantiel des obligations portant sur les marchés de détail ne pourra donc avoir lieu qu'à l'issue de la mise en oeuvre effective de l'obligation de vente en gros de l'accès au service téléphonique et l'amélioration de l'offre de gros de dégroupage total.

Dans cette attente et comme on l'a vu précédemment, ce manque de concurrence effective n'est pas uniquement lié à l'importance de la puissance de France Télécom sur les marchés de détail. Certains facteurs tels que la persistance de barrières économiques à l'entrée suggèrent que la contrainte exercée sur France Télécom par l'entrée effective ou potentielle de nouveaux opérateurs est limitée. D'autres facteurs, tels que la puissance exercée simultanément par France Télécom sur les marchés de gros et les marchés avals de détail montre que les risques d'éviction de la concurrence ou de fermeture de l'accès à certains marchés demeurent relativement élevés. Ces risques sont détaillés ci-après, afin de préciser les obligations qui permettent de les anticiper sur les marchés de détail (partie V).


IV. - OBLIGATIONS POUR LES MARCHÉS DE GROS

DE LA TÉLÉPHONIE FIXE


L'influence significative qu'exerce France Télécom sur les marchés de gros et de détail de la téléphonie fixe rend nécessaire l'imposition de remèdes sur ces marchés.

L'Autorité justifie dans cette partie la nécessité et la proportionnalité des obligations qu'elle lui impose, dans la présente décision, sur les marchés de gros.

Ces obligations sont imposées à France Télécom jusqu'au 1er septembre 2008, sans préjudice de l'éventuel réexamen que l'Autorité pourrait être amenée à anticiper conformément à l'article D. 303 du CPCE.


IV-1. Obligation de faire droit

aux demandes raisonnables d'accès


L'article L. 38 du code des postes et communications électroniques précité prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer (...) [de] faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ».

Comme cela a été démontré précédemment, France Télécom dispose d'une influence significative sur l'ensemble des marchés pertinents de détail et de gros de la téléphonie fixe. En outre, l'analyse a également montré qu'elle disposait d'un réseau capillaire très étendu qui peut difficilement être dupliqué par un opérateur alternatif.

Par conséquent, afin de permettre aux opérateurs d'intervenir dans des conditions équivalentes sur les marchés de détail situés en aval, il est nécessaire d'imposer à France Télécom une obligation de fournir, en réponse aux demandes raisonnables des opérateurs alternatifs, des prestations d'accès, lorsque celles-ci sont relatives aux marchés de gros sur lesquels elle exerce une influence significative, ou nécessaires pour l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale sur les marchés de détail.

D'une manière générale, conformément aux dispositions de l'article L. 38-V du code, le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement d'un des marchés de gros ou de détail de la téléphonie fixe pertinents.



IV-1.1. Obligations générales


En premier lieu, compte tenu des investissements consentis par les opérateurs pour s'interconnecter sur l'un ou l'autre des commutateurs de France Télécom, et en vertu de l'article D. 310 (3°) du CPCE, il est proportionné d'imposer à cette dernière de ne pas retirer un accès déjà accordé à un opérateur, sauf accord préalable exprès de l'Autorité, conformément à l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité.

Par ailleurs, France Télécom étant une entreprise verticalement intégrée fournissant tout type de prestations de détail et de gros, il est également nécessaire et proportionné, au regard notamment de l'objectif de développement efficace dans les infrastructures et de compétitivité du secteur mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code précité, qu'elle présente les prestations qu'elle offre de façon suffisamment claire et détaillée, et qu'elle ne subordonne pas l'octroi d'une prestation à une autre, afin de ne pas conduire les acteurs à payer pour des prestations qui ne leur seraient pas nécessaires.

Enfin, France Télécom devra, conformément à l'article D. 310 (2°), négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent des prestations d'accès relatives à ces marchés, afin, d'une part, de minimiser les cas de litige, et, d'autre part, de ne pas profiter de l'influence significative qu'elle exerce sur ces marchés pour durcir les négociations avec les opérateurs.

Ces obligations sont conformes aux critères fixés par l'article L. 38-V en particulier les a, b et d en ce qu'elles sont aujourd'hui fournies par France Télécom et permettent le développement de la concurrence. Elles sont proportionnées aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du CPCE précités, en particulier les 2°, 3° et 4°.


IV-1.2. Obligation de fournir les prestations

d'accès actuellement fournies


France Télécom fournit aujourd'hui des prestations de départ d'appel, de transit et de terminaison d'appel, basées sur des protocoles de type « signalisation par canal sémaphore CCITT no 7 » (dit SS7).

Elle fournit également une prestation d'interconnexion forfaitaire pour l'internet, ainsi que des prestations d'accès et d'interconnexion associées à l'ensemble de ces prestations :

- des prestations connexes de raccordement de ses sites d'interconnexion ;

- des prestations de facturation pour compte de tiers pour les appels issus de son réseau à destination de services spéciaux des opérateurs.

Elle dispose par conséquent de fait de la capacité technique à fournir l'ensemble de ces prestations.

L'Autorité explique ci-dessous pourquoi il est nécessaire et proportionné au regard des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code d'obliger France Télécom à continuer à fournir ces prestations.


IV-1.2.1. Prestations d'acheminement de trafic

sur les marchés de gros pertinent

a) Fourniture de prestations de départ d'appel


France Télécom est un opérateur durablement puissant sur le marché de détail de l'accès, et est de fait dans une situation proche du monopole sur le marché du départ d'appel, comme en témoigne sa part de marché supérieure à 98 %.

Les prestations de départ d'appel que France Télécom fournit sont par conséquent indispensables pour permettre aux opérateurs alternatifs d'intervenir sur l'ensemble des marchés de détail et de gros. En effet, ils ne peuvent réaliser cette prestation dans la mesure où elle repose en grande partie sur la boucle locale de France Télécom dont le caractère de facilité essentielle n'est plus à démontrer (52), et dont le coût de reconstruction à neuf est évalué à 28 milliards d'euros (cf. l'analyse de la puissance de France Télécom sur ce marché).

En l'absence de l'obligation de fournir du départ d'appel aux opérateurs alternatifs, France Télécom pourrait contraindre dans une large mesure leur intervention sur l'ensemble de ces marchés.

C'est pourquoi il est nécessaire que France Télécom propose, sauf pour des raisons dûment motivées, l'interconnexion à chacun de ses commutateurs d'abonnés.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et dans la mesure où elle fournit déjà actuellement cette prestation nécessaire au développement de la concurrence et indispensable au maintien des opérateurs alternatifs sur ces marchés, cette obligation est conforme à l'article L. 38-V, a, b et d.

Plus généralement, le nombre et la localisation des points d'accès à l'offre de départ d'appel devront permettre de répondre aux demandes raisonnables des acteurs souhaitant s'interconnecter avec le réseau de l'opérateur.

En conséquence, l'obligation de fournir des prestations de départ d'appel ainsi spécifiée, imposée à France Télécom, est proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques. Elle est notamment nécessaire à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques (2°), au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques (3°), et garantit l'égalité des conditions de concurrence et la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement (4°). Cette obligation, conforme à l'article D. 310 (1°) du code, constitue le seul moyen permettant de répondre aux problèmes de concurrence démontrés ci-avant.


(52) Avis du 8 janvier 2004 relatif à une demande d'avis de l'Association française des réseaux et services de télécommunications (AFORS) sur les principes généraux des relations contractuelles entre les utilisateurs et les différents acteurs du dégroupage et avis no 2005-A-03 du 31 janvier 2005.



b) Fourniture de prestations de transit intra territorial


En dehors de certaines communications locales, qui ne commutent qu'au niveau du commutateur d'abonnés, toutes les communications sont acheminées sur le réseau de transit d'un ou de plusieurs opérateurs de communications électroniques.



Lorsqu'un opérateur ne possède pas les éléments de réseau nécessaires lui permettant d'acheminer sur son réseau l'ensemble des communications, il doit, à défaut d'investir massivement dans des infrastructures, solliciter une prestation de transit d'un opérateur tiers.

La duplication systématique par les opérateurs d'infrastructures leur permettant d'acheminer le trafic de leurs abonnés n'est pas économiquement viable, au regard de l'importance des investissements correspondants (cf. analyse de la puissance de France Télécom).

Dès lors, les opérateurs doivent pouvoir solliciter l'accès aux réseaux existants en vue de collecter le trafic au départ de leurs abonnés, ou de terminer le trafic de leurs abonnés sur les boucles locales tierces.

L'analyse de la puissance de marché a montré que bien qu'une certaine concurrence existe sur le marché du transit intra territorial, notamment à destination du réseau de France Télécom, cette dernière y exerce une influence significative.

Ainsi, et même si certains opérateurs sont largement déployés sur les commutateurs de France Télécom, cette dernière possède, d'une part, un nombre de points de présence significativement supérieur à ceux de ses concurrents, et est, d'autre part, la seule, pour des raisons historiques, à être interconnectée avec l'ensemble des opérateurs. L'observation combinée des volumes modestes au départ des abonnés des opérateurs alternatifs et des volumes tout aussi modestes à destination de ce type d'abonnés explique qu'il n'est pas économiquement rentable pour un opérateur tiers de consentir les investissements nécessaires au raccordement de l'ensemble des réseaux. L'Autorité constate d'ailleurs que les interconnexions directes entre opérateurs tiers restent encore aujourd'hui largement marginales. La prestation de transit fournie par France Télécom apparaît ainsi comme indispensable au développement de la concurrence et à l'acheminement des communications.

Cela explique que, d'une part, les opérateurs localisés dans des zones où aucune offre alternative n'est disponible et les potentiels nouveaux entrants devront, sous peine de ne pas pouvoir accéder à l'ensemble des réseaux français, solliciter des prestations de transit de France Télécom, et que, d'autre part, pour échanger du trafic avec d'autres opérateurs alternatifs, tout opérateur doit également solliciter de telles prestations.

L'obligation de fournir des prestations de transit intra territorial doit donc être imposée à France Télécom.

Cette dernière propose aujourd'hui des prestations dites de « simple transit » et de « double transit » en collecte et en terminaison. Elles consistent en des prestations d'acheminement entre un abonné et un commutateur de transit, en collecte ou en terminaison.

En collecte, elles correspondent à une prestation de départ d'appel à laquelle s'ajoute une prestation de transit. En terminaison, elles correspondent à une prestation de transit à laquelle s'ajoute une prestation de terminaison d'appel.

France Télécom fournit aussi des prestations d'acheminement entre ses commutateurs et ceux des opérateurs de boucle locale tiers, afin de permettre aux opérateurs de transiter par son réseau pour joindre les abonnés des autres opérateurs de boucle locale.

France Télécom devra continuer à fournir ces mêmes prestations. En effet, aucune autre prestation ne peut leur être substituée à moyen terme. Leur suppression aurait donc pour conséquence de déstabiliser le marché et la stratégie des opérateurs alternatifs.

Le nombre et la localisation des points d'accès à ces offres doivent permettre de répondre aux demandes raisonnables des acteurs souhaitant s'interconnecter avec l'opérateur. France Télécom proposera au minimum les points d'interconnexion actuels.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'obligation de faire droit aux demandes d'accès aux prestations de transit intra territoire existantes répond aux critères de l'article L. 38-V du code, en particulier les b et d.

Au vu des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, et notamment de ceux mentionnés aux 1°, 2° et 3° de cet article , il est donc nécessaire et proportionné d'imposer à France Télécom une obligation de répondre aux demandes raisonnables de transit intra territorial ainsi spécifiées. Cette obligation, conforme à l'article D. 310 (1°) du code, constitue le seul moyen permettant de répondre aux problèmes de concurrence démontrés ci-avant.


c) Fourniture de prestations de transit inter territoires


L'analyse de la puissance de marché sur l'ensemble des marchés de transit inter territoires a permis de montrer que France Télécom contrôle les infrastructures sous-marines permettant de faire la jonction entre les différents territoires géographiques français.

Il serait déraisonnable de contraindre les opérateurs désirant collecter ou terminer leur trafic sur un territoire français distant de celui sur lequel ils sont physiquement présents à dupliquer systématiquement ces coûteuses infrastructures, comme le démontre l'analyse qu'a faite l'autorité de la puissance de France Télécom sur ces marchés.

L'analyse de ces marchés a par ailleurs mis en évidence que les alternatives disponibles, reposant sur des solutions satellitaires, ne constituent pas de réelles solutions de substitution.

France Télécom fournit aujourd'hui de telles prestations de transit inter territoires, et devra par conséquent continuer à faire droit aux demandes pour ces mêmes prestations.

Le nombre et la localisation des points d'accès à ces prestations doivent permettre de répondre aux demandes raisonnables des acteurs souhaitant s'interconnecter avec l'opérateur. France Télécom proposera au minimum les points d'interconnexion actuels.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'obligation de faire droit aux demandes d'accès aux prestations de transit inter territoires existantes répond aux critères de l'article L. 38-V du code, en particulier les b et d.

L'obligation imposée à France Télécom de répondre aux demandes raisonnables de transit inter territoires ainsi spécifiées est donc nécessaire et proportionnée aux objectifs poursuivis, notamment aux objectifs mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 32-1 du code précité. Cette obligation, conforme à l'article D. 310 (1°) du code, constitue le seul moyen permettant de répondre aux problèmes de concurrence démontrés ci-avant.


d) Fourniture de prestations de terminaison d'appel

à destination des numéros géographiques sur le réseau de France Télécom


Comme l'a mis en évidence l'analyse de ce marché, un opérateur concurrent ne pourrait proposer des offres commercialement viables s'il n'était pas en mesure d'assurer une connectivité avec l'ensemble des services et abonnés raccordés par France Télécom.



France Télécom propose aujourd'hui des prestations de terminaison d'appel à destination des numéros géographiques de son réseau à chacun de ses commutateurs d'abonnés.

Il est nécessaire que France Télécom continue à fournir ces prestations. En effet, leur suppression ou modification aurait pour conséquence de déstabiliser le marché et les plans d'affaire des opérateurs alternatifs. Dans la mesure où ces prestations sont déjà offertes aujourd'hui et sont nécessaires à l'activité des opérateurs tiers, leur imposition répond aux critères de l'article L. 38-V du code, en particulier les b et d.

D'une manière générale, le nombre et la localisation des points d'accès à cette offre doivent permettre de répondre aux demandes raisonnables des acteurs souhaitant s'interconnecter avec l'opérateur. France Télécom proposera au minimum les points d'interconnexion actuels.

Il est donc nécessaire et proportionné aux objectifs poursuivis, notamment ceux listés aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 32-1 du code précité, d'imposer à France Télécom de fournir des prestations de terminaison d'appel à destination de ces numéros géographiques. Cette obligation, conforme à l'article D. 310 (1°) du code, constitue le seul moyen permettant de répondre aux problèmes de concurrence démontrés ci avant.


e) Interconnexion forfaitaire pour l'internet


France Télécom fournit, depuis l'année 2002, une offre de départ d'appel spécifique pour l'internet tarifée à la capacité, baptisée « Interconnexion forfaitaire à internet », pour permettre aux opérateurs de collecter forfaitairement du trafic internet.

La mise en oeuvre de cette offre, demandée par l'Autorité, visait à permettre le développement d'offres d'accès internet bas débit illimitées et forfaitaires sur les marchés de détail.

Elle comprend la fourniture d'une telle prestation aux commutateurs d'abonnés et aux commutateurs de transit.

Par ailleurs, une possibilité de débordement sur un faisceau tarifé à la minute est prévue en cas de pic de trafic sur un commutateur d'abonnés sur lequel un opérateur a souscrit à l'offre forfaitaire.

(i) Fourniture de l'IFI :

L'apparition de forfaits sur le marché de détail de l'internet bas débit a permis de répondre à la demande du consommateur final de bénéficier d'offres adaptées à une consommation poussée.

Moins d'un an après sa mise en oeuvre, en mai 2002, l'Autorité avait adressé un questionnaire aux opérateurs afin d'effectuer, comme le prévoyait l'offre technique et tarifaire d'interconnexion pour l'année 2002, une évaluation de la mise en oeuvre opérationnelle du mécanisme d'interconnexion forfaitaire.

Malgré l'avènement progressif du haut débit, les offres d'accès à internet en bas débit restent largement utilisées. A titre d'illustration, les questionnaires adressés par l'Autorité aux opérateurs dans le cadre de cette analyse de marché ont permis d'évaluer le volume de minutes internet consommées en bas débit en 2003 à près de 70 milliards de minutes.

L'interconnexion forfaitaire est très largement utilisée par les opérateurs alternatifs collectant du trafic internet découlant d'offres illimitées ou d'offres forfaitaires. Au vu des parts de marché de France Télécom sur les marchés de détail de l'accès, l'essentiel des volumes de l'internet bas débit provient des abonnés raccordés par le réseau de France Télécom. L'offre d'interconnexion forfaitaire à internet de France Télécom est donc devenue un élément central du plan d'affaire des fournisseurs d'accès à internet en bande étroite.

(ii) Débordement aux commutateurs d'abonnés :

Concernant plus particulièrement l'interconnexion au commutateur d'abonnés, il apparaît qu'aucun opérateur n'a choisi l'offre forfaitaire sans débordement.

Le débordement sur un faisceau tarifé à la minute est utilisé au CA par les opérateurs comme un outil opérationnel de gestion des pointes de trafic liées à la plus forte volatilité des volumes de trafic internet à ce niveau.

Or l'équilibre économique des opérateurs est très sensible au remplissage de leurs faisceaux : un surdimensionnement augmente sensiblement le coût de collecte par minute et réduit l'intérêt du forfaitaire. Le dimensionnement au plus juste présente un risque pour la qualité de service. Ceci est d'autant plus sensible au niveau du commutateur d'abonnés, où l'effet de seuil s'avère important.

Ainsi, la suppression du débordement conduirait à augmenter sensiblement le nombre de BPN à commander pour écouler le trafic à volume constant (environ 1,7 fois selon les données fournies par un opérateur), au détriment des opérateurs ayant mis en oeuvre l'interconnexion forfaitaire au CA.

Seul un « effet volume » serait à même d'atténuer les effets liés à la volatilité du trafic internet.

Or, si cet effet peut être suffisant pour l'ensemble des opérateurs au niveau des commutateurs de transit, les opérateurs alternatifs ne possèdent pas les économies d'échelle et de gammes suffisantes au niveau des commutateurs d'abonnés.

Par conséquent, l'Autorité estime nécessaire de maintenir l'obligation faite à France Télécom d'offrir une possibilité de débordement sur faisceau tarifé à la minute au commutateur d'abonnés.

(iii) Conclusion :

En conséquence, conformément à l'article D. 310 (1°) du code, l'Autorité impose à France Télécom l'obligation de fournir les prestations d'interconnexion forfaitaire à internet qu'elle offre actuellement en vertu de l'offre technique et tarifaire d'interconnexion approuvée pour l'année 2005, soit une offre sur l'ensemble de ses commutateurs d'abonnés et de transit ouverts à l'interconnexion, avec une possibilité de débordement au CA. Cette obligation répond ainsi aux critères a, b et d mentionnés à l'article L. 38-V du code.

Le retrait ou la dégradation des conditions de ces offres serait notamment contraire aux objectifs cités aux 2° et 3° de l'article L. 32-1 du code. En effet, ils seraient de nature à déstabiliser l'ensemble du secteur des fournisseurs d'accès à internet et à fausser le jeu concurrentiel au profit du groupe France Télécom, qui serait en mesure d'exercer un effet de levier à partir des marchés des services en bande étroite, marchés sur lesquels il est puissant, vers le marché des fournisseurs d'accès à internet en bande étroite.



f) Continuité des obligations dans un contexte

d'évolution technologique


France Télécom devra dans un premier temps fournir les prestations mentionnées ci-dessus selon le protocole SS7 utilisé actuellement, prestations pour lesquelles la capacité technique de France Télécom à satisfaire la demande n'est plus à démontrer.

Le développement récent d'offres de communications sur accès large bande laisse entrevoir l'apparition de nouvelles architectures d'interconnexion, basées sur des interfaçages en protocole VoIP. Ces nouvelles architectures pourraient ainsi donner lieu à de nouvelles prestations de gros, ayant vocation à se substituer aux prestations fournies actuellement par France Télécom en mode SS7. Plus sensibles aux gains d'économies d'échelle, elles généreront un gain d'efficacité pour l'ensemble du secteur. Elles permettront par ailleurs à l'ensemble des acteurs de proposer des offres innovantes et plus compétitives.

C'est pourquoi, dans un souci de neutralité technologique et afin de ne pas fausser le jeu concurrentiel, il est nécessaire et proportionné, au regard des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code, en particulier les 3° et 4°, que France Télécom fasse droit aux demandes raisonnables des opérateurs relatives à ces nouvelles architectures d'interconnexion. Ces demandes devront être conformes aux critères imposés par l'article L. 38-V du CPCE.


IV-1.2.2. Prestations d'accès et d'interconnexion associées


Pour assurer leur activité d'acheminement de communications électroniques de bout en bout, les opérateurs alternatifs doivent acheter des prestations d'accès et d'interconnexion. Par conséquent, les offres d'accès et d'interconnexion incluent un ensemble de prestations élémentaires dont la fourniture est nécessaire au bon acheminement des communications des opérateurs alternatifs et à leur activité. Ces prestations associées comprennent notamment les prestations de raccordement aux sites d'interconnexion et d'accès, la facturation pour compte de tiers et la fourniture de l'ensemble des informations nécessaires à un opérateur alternatif pour exercer son activité.


a) Raccordement des sites d'interconnexion et d'accès


L'utilisation effective de prestations d'acheminement suppose le raccordement physique des réseaux de communications électroniques entre eux. Ainsi, les offres de gros d'accès au réseau de France Télécom ne peuvent être opérationnelles que si elles sont accompagnées de prestations connexes adaptées, nécessaires à leur utilisation par les opérateurs alternatifs.

L'Autorité estime que les obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès précitées doivent dès lors s'accompagner d'obligations connexes concernant l'accès aux sites d'interconnexion.

La Commission précise à ce propos qu'en l'absence de concurrence effective sur un marché recensé, « il peut être nécessaire d'imposer plusieurs obligations pour parvenir à une solution globale du problème. (...) Si on estime que des mesures correctrices particulières s'imposent pour un segment technique donné, il n'est ni nécessaire ni opportun, pour y imposer des obligations, de recenser chaque segment technique comme étant un marché pertinent. On peut citer, par exemple, le cas où une obligation de fournir un accès dégroupé à la boucle locale est complétée par des obligations connexes concernant l'accès aux installations de colocalisation ».

Il est donc nécessaire que l'opérateur historique propose aux opérateurs alternatifs une offre de raccordement de leurs équipements dans ses propres sites. En l'absence d'une telle offre, l'obligation de fournir un accès aux prestations de départ d'appel, de transit ou de terminaison d'appel serait vidée de son sens puisque aucun opérateur ne pourrait placer ses équipements de réseau.

France Télécom propose actuellement les solutions de raccordement suivantes :

- une offre de colocalisation, qui permet à un opérateur de pouvoir accéder au site de l'opérateur en installant ses équipements de transmission directement dans les locaux de l'opérateur ;

- une offre de liaisons de raccordement, qui permet à un opérateur de pouvoir livrer son trafic de terminaison au niveau de son point de présence, l'acheminement du trafic entre ce point et le point d'interconnexion se faisant sur un lien pris en charge par un opérateur tiers ;

- une offre dite « in span », qui est une solution intermédiaire où l'interconnexion physique des réseaux se fait non pas dans les locaux de France Télécom mais dans un lieu proche de ce dernier.

La colocalisation est la solution la plus directe, mais elle représente des frais d'investissement importants pour l'opérateur : un tel investissement ne se justifie donc qu'au-delà d'un certain seuil de trafic.

L'opérateur peut pallier aux limites de la colocalisation en sollicitant les deux autres offres disponibles :

- la liaison de raccordement, qui, permet de ne pas investir soi-même dans le lien entre le point de présence et le point d'interconnexion. Elle représente des coûts variables et récurrents et se prête à des volumes de trafic plus faibles. Une liaison de raccordement peut être fournie par France Télécom, ou par un autre opérateur, colocalisé dans le site de l'opérateur, qui met à la disposition de tiers de la capacité sur sa liaison ;

- l'offre in span, qui permet de raccorder les équipements de transmission de France Télécom sans avoir à aller jusqu'au commutateur.

Tous ces moyens d'accès sont nécessaires au développement de la concurrence sur les marchés de gros de la téléphonie fixe en ce qu'ils permettent à un opérateur de disposer de plusieurs options dans sa logique de déploiement et de pouvoir se déployer au niveau d'un site d'interconnexion même avec des volumes relativement faibles.

Il est donc nécessaire que France Télécom continue à fournir ces prestations. En effet, leur suppression ou modification aurait pour conséquence de déstabiliser le marché et les plans d'affaire des opérateurs alternatifs. Dans la mesure où ces prestations sont déjà offertes aujourd'hui et sont nécessaires à l'activité des opérateurs tiers, leur imposition répond aux critères de l'article L. 38-V du code, en particulier les a, b, c et d.

Conformément aux objectifs imposés par l'article L. 32-1-II du code, et en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose au titre de l'article D. 310 (1° et 3°) du code une offre de raccordement des équipements des opérateurs alternatifs, adaptée à chaque type de site, comprenant a minima les trois offres précitées.



b) Facturation pour compte de tiers


(i) Définition :

La facturation pour compte de tiers correspond à la possibilité, pour un opérateur, de confier à un tiers la facturation des services qu'il offre à ses clients via l'interconnexion.

France Télécom fournit actuellement cette prestation, inscrite à l'offre technique et tarifaire d'interconnexion approuvée pour l'année 2005, dans les deux cas suivants :

Communications vers les services spéciaux :

France Télécom facture ses abonnés au nom du fournisseur de services et prélève une part du montant facturé au titre de la prestation de facturation pour compte de tiers.

Dans le cas des services à coûts partagés, France Télécom inclut les sommes dues par les clients dans le deuxième volet de la facture, qui comprend la facturation de l'ensemble de ses services, et procède par conséquent au recouvrement des sommes éventuellement impayées par les clients.

Par ailleurs, elle inclut l'ensemble de ses services à revenus partagés et de ceux des opérateurs tiers dans le troisième volet de la facture et, dans le cas d'impayés sur le service d'un de ces opérateurs, exécute une première relance auprès de l'abonné, puis fournit les éléments d'information nécessaires au recouvrement des impayés au fournisseur de services concerné.

Communications d'accès à internet :

Dans le cas des offres d'accès à internet via des numéros non géographiques fixes payants (0860 PQ MCDU), France Télécom facture les communications pour le fournisseur d'accès à internet, inclut les sommes correspondantes dans le deuxième volet de la facture, avec l'ensemble de ses services, et procède par conséquent au recouvrement des sommes impayées.

(ii) Obligation de fournir une prestation de facturation pour compte de tiers :

Lorsqu'un opérateur est puissant sur les marchés de détail de l'accès et des communications, notamment vers les services spéciaux ainsi que sur le marché de gros du départ d'appel, comme c'est le cas de France Télécom, la fourniture d'une prestation de facturation pour compte de tiers des services spéciaux apparaît indispensable à l'exercice d'une concurrence effective.

En effet, l'entrée sur le marché de la fourniture de services spéciaux est impossible si les potentiels nouveaux entrants doivent mettre en place un dispositif de facturation dont le coût est élevé par rapport aux revenus apportés par ce type de services, par définition fluctuants, et pour la plupart utilisés de façon occasionnelle.

Sans la fourniture de cette prestation par France Télécom, aucun service à valeur ajoutée d'un opérateur tiers ne serait viable, et cette absence de concurrence serait préjudiciable aux prestataires de services et aux utilisateurs finals.

En ce qui concerne les communications d'accès à internet, le modèle de « l'internet gratuit », dans lequel les abonnés ne paient que les communications (pas de frais d'abonnement), reste un moyen significativement utilisé par les utilisateurs. Or ce modèle n'est envisageable que si l'opérateur historique facture les communications internet pour le compte du fournisseur d'accès.

France Télécom propose aujourd'hui des prestations de facturation pour compte de tiers, dont les conditions dépendent de la catégorie du service appelé : service à coûts partagés, service à revenus partagés, internet...

L'Autorité prévoit d'analyser plus spécifiquement le marché des services spéciaux, et son fonctionnement tant au niveau des marchés de détail que des marchés de gros sous-jacents, dès le second semestre 2005. A cette occasion, elle réétudiera plus finement les conditions dans lesquelles France Télécom devra, le cas échéant, continuer à fournir une prestation de facturation pour compte de tiers.

A titre transitoire, l'Autorité impose en vertu de l'article D. 310 à France Télécom de continuer à fournir ces mêmes prestations, dans les mêmes conditions qu'actuellement, à savoir celles approuvées par la décision no 2004-1000 susvisée pour l'offre technique et tarifaire d'interconnexion pour l'année 2005, à l'ensemble des opérateurs pour qui elle assure la collecte de trafic non géographique au départ de sa boucle locale, conformément aux objectifs listés à l'article L. 32-1, notamment celui de veiller à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseaux et les fournisseurs de services de communications électroniques. Eu égard aux éléments susmentionnés, le maintien de cette obligation répond aux critères de l'article L. 38-V, a, b et d.


IV-1.3. Vente en gros de l'accès au service téléphonique


L'analyse des marchés a permis de montrer que France Télécom exerce une influence significative sur le marché de gros du départ d'appel ainsi que sur l'ensemble des marchés de détail de la téléphonie fixe de l'accès et des communications.

Sur les marchés des communications, France Télécom est soumise à une concurrence croissante sur l'ensemble du territoire national de la part des opérateurs de sélection du transporteur et de présélection.

Sur les marchés de détail de l'accès (accès analogique et numérique de base, à l'exclusion de toute autre forme d'accès), France Télécom, qui possède toujours plus de 99 % de parts de marché, reste très largement puissante et les offres concurrentes demeurent très limitées dans leur portée géographique. Il semble probable que la concurrence sur le marché de l'accès se développe progressivement sur la base du dégroupage total de la paire de cuivre. Néanmoins, cette perspective n'est pas de nature à remettre en cause la puissance de France Télécom sur l'horizon de cette analyse de marché. Par ailleurs, elle ne concerne, à court terme, que les utilisateurs situés sur les zones géographiques éligibles au dégroupage, et qui seuls bénéficient à court terme d'une possibilité de choix pour leur opérateur d'accès téléphonique (complétée, le cas échéant, par une offre téléphonie d'un câblo-opérateur).

Enfin, l'impossibilité pour les opérateurs de proposer des offres couplant accès et communications contraint le développement d'offres tarifaires innovantes couplant accès et communications.

L'Autorité revient ci-dessous plus en détail sur ces deux arguments.

Compte tenu de la puissance de France Télécom sur le marché du départ d'appel, et afin de développer l'exercice d'une concurrence effective et loyale sur les marchés de détail précités et d'inciter le secteur à l'innovation, conformément à l'article D. 310 (4°) et aux objectifs mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 32-1 du CPCE, l'Autorité estime raisonnable et proportionné d'imposer à France Télécom de répondre aux demandes raisonnables d'accès des opérateurs ayant pour objet la vente, au détail, de prestations d'accès au service téléphonique utilisant le réseau de France Télécom.



Par ailleurs, France Télécom, dans le cadre du processus d'homologation (53) de la hausse du tarif de l'abonnement principal et des frais de mise en service liés à cet abonnement, a proposé et s'est publiquement engagée à établir une offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique au 15 septembre 2005, pour une commercialisation de ces premières offres dans le courant du premier trimestre 2006. L'Autorité souligne que France Télécom a effectivement publié une telle offre le 15 septembre 2005.

L'ensemble de ces éléments et en particulier le caractère volontaire de la démarche de France Télécom démontrent que les critères évoquées au V de l'article L. 38 sont remplis, et notamment que les prestations de gros concernées sont techniquement réalisables.

Au demeurant, le fait qu'une offre équivalente ait été mise en place dans plusieurs pays européens, notamment au Royaume-Uni, en Irlande, en Norvège et au Danemark n'en constitue qu'une preuve supplémentaire.

Enfin, des discussions multilatérales qui ont lieu parallèlement à l'élaboration de la présente décision, sous l'égide de l'Autorité, entre France Télécom et les opérateurs alternatifs, n'ont pas identifié de points bloquants.

Les paragraphes suivants détaillent par conséquent les motifs qui conduisent d'ores et déjà l'Autorité à estimer que les demandes des opérateurs ayant pour objet de proposer des offres d'accès au service téléphonique comparables aux offres d'accès analogique (ligne isolée ou groupement de lignes) et d'accès numériques de base à la norme RNIS (accès de base isolés et groupements d'accès de base) de France Télécom sont raisonnables.

En ce qui concerne les accès numériques primaires, l'Autorité ne dispose pas d'informations suffisantes, à ce stade, pour juger de la nécessité et de la proportionnalité d'un tel remède, notamment au regard des perspectives d'évolution du dégroupage sur ce type d'accès. Elle n'impose donc pas à ce stade à France Télécom de faire droit aux demandes des opérateurs ayant pour objet de proposer ce type d'accès aux utilisateurs raccordés à son réseau, tout en se réservant la possibilité de modifier son analyse sur ce point dès lors qu'elle disposera d'éléments le justifiant.


(53) Cf. avis no 2005-0217 de l'Autorité en date du 3 février 2005 sur la décision tarifaire de France Télécom relative à la modification des frais de mise en service, du prix mensuel d'abonnement et du prix des communications nationales relatif aux contrats « Abonnement principal » et « Abonnement social ».



IV-1.3.1. Insuffisance des offres de gros de dégroupage

et d'accès large bande livrées au niveau régional


Les remèdes imposés sur les marchés de gros du haut débit (54) ont notamment pour objectif de promouvoir la concurrence sur les marchés de détail de l'accès large bande en position déterminée. Ces remèdes reposent principalement sur l'accès totalement ou partiellement dégroupé à la boucle locale ainsi que sur l'accès à des services de collecte de flux de données sur accès DSL (marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional ou bitstream).

De fait, ces offres de gros permettent également aux opérateurs alternatifs d'intervenir sur certains marchés des services fixes en bande étroite.

Le dégroupage total de la boucle locale fournit notamment un moyen approprié pour la fourniture de services d'accès primaires aux entreprises. Le développement de ce mode d'accès au marché connaît une progression significative, même si le marché de l'accès primaire demeure encore dominé à plus de 95 % de parts de marché (en chiffre d'affaires) par France Télécom. Il permet aussi de servir la partie du marché résidentiel intéressée par un accès en bande large pour avoir à la fois un accès en bande étroite au réseau téléphonique ouvert au public, un accès haut débit à internet et/ou un service de diffusion télévisuelle.

Le dégroupage partiel de la boucle locale, ainsi que les offres de collecte de trafic sur accès large bande au niveau régional (bitstream), ont également permis depuis 2003 le développement d'offres de communications en bande étroite dans le cadre de la fourniture de services d'accès à internet à haut débit (VoIP sur accès large bande). Néanmoins, ces offres ne permettent pas au client de s'affranchir du service de raccordement et de l'abonnement téléphonique de France Télécom.

L'émergence de telles offres fournit des perspectives intéressantes du point de vue du développement de la concurrence pour les services actuellement proposés en bande étroite. Leur impact sur ces marchés devrait cependant rester encore limité sur l'horizon temporel de la présente analyse, dans la mesure où elles ne peuvent actuellement être commercialisées qu'auprès des utilisateurs de services d'accès internet à haut débit, et uniquement sur les zones géographiques où le dégroupage peut être réalisé par des opérateurs alternatifs dans des conditions économiques raisonnables.

Les mécanismes de sélection du transporteur et de présélection demeurent donc les moyens privilégiés pour favoriser l'émergence d'une concurrence effective sur le marché des communications pour la majorité des clients titulaires d'accès analogiques ou numériques de base.


(54) Cf. décisions no 2005-0275 et no 2005-0277 du 19 mai 2005 de l'Autorité relatives au dégroupage de la boucle locale et no 2005-0278 et no 2005-0280 du 19 mai 2005 relatives au marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional.



IV-1.3.2. Nécessité d'un remède complémentaire à la présélection


Bien que les mécanismes de sélection du transporteur et de présélection aient permis un développement significatif de la concurrence sur les marchés des communications, certaines difficultés continuent de limiter les possibilités de développement d'une concurrence effective et loyale.

En premier lieu, et conformément à ce qu'elle a exposé dans son analyse des marchés de détail (cf. ci-dessus), l'Autorité a identifié l'impossibilité pour les opérateurs alternatifs de proposer une facture unique à leurs abonnés présélectionnés comme une barrière à l'entrée sur les marchés des communications.

Par ailleurs, la position prééminente de France Télécom sur les marchés de l'accès au service téléphonique lui permet de bénéficier par effet de levier d'avantages concurrentiels importants sur les marchés des communications, ce qui a pour effet de renforcer la puissance de France Télécom sur ce marché.

En particulier, France Télécom dispose de sérieux avantages commerciaux :

- accès privilégié à l'information sur les clients potentiels : France Télécom dispose d'un accès privilégié et permanent aux adresses des abonnés au service téléphonique via la vente au détail des services d'accès (abonnement téléphonique), ce qui a pour effet de faciliter la promotion et la vente des services de communications, notamment vis-à-vis des utilisateurs lorsqu'ils changent d'adresse (déménagement), situation qui concerne chaque année un pourcentage important des utilisateurs ;



- promotion facilitée : France Télécom réalise des économies importantes dans la promotion de ses options et forfaits de communications auprès de ses clients ayant opté pour un opérateur alternatif via l'envoi de ses factures pour l'abonnement ; alors que les autres opérateurs alternatifs doivent recruter leurs clients par une promotion large et active, qui ne repose pas sur une relation commerciale déjà établie, la promotion de ses services par France Télécom ne représente qu'un surcoût marginal par rapport aux frais d'envoi de la facture de l'abonnement pour l'opérateur historique. France Télécom peut également profiter de l'avantage que lui procure le maintien d'une relation commerciale au titre de l'abonnement avec les clients ayant opté pour un opérateur de transport concurrent pour recueillir des informations sur leurs attentes et leur consommation en services de communications ;

- conservation ou reconquête des clients : France Télécom dispose a priori d'informations privilégiées sur le profil de consommation des utilisateurs du service téléphonique, ce qui lui permet de cibler avec une meilleure efficacité les différents segments de clientèle et les offres les mieux adaptées pour les conserver face aux offres concurrentes. La reconquête des clients est également facilitée par le fait que France Télécom peut aisément identifier, en constatant la baisse des factures qu'elle envoie, ceux de ses clients qui ont opté pour un opérateur de transport alternatif, et ainsi cibler ses actions de reconquête sur une clientèle précise en prenant en compte leurs habitudes passées de consommation.

Par ailleurs, la maîtrise de l'accès est, d'une manière générale, déterminante dans la faculté des opérateurs à proposer des offres commerciales innovantes de téléphonie.

Ainsi, et en particulier, France Télécom dispose en théorie (hors régulation ex ante ou intervention du droit de la concurrence) de la possibilité de coupler ses offres d'accès et de communications. Par exemple, France Télécom pourrait commercialiser des forfaits incluant le service de raccordement et un certain volume de communications à l'image des opérateurs mobiles.

Cette possibilité représenterait un avantage important compte tenu, à la fois, de la faiblesse du développement de la concurrence sur les marchés de l'accès, et de l'impossibilité pour les opérateurs de sélection appel par appel et de présélection de répliquer de telles offres tarifaires.

Cette situation a du reste conduit, en 2001, le Conseil de la concurrence (55) à enjoindre à France Télécom à titre conservatoire de cesser la commercialisation d'offres couplées comprenant l'accès et certaines communications, notamment ses offres de forfait de communications « Ma Ligne locale », au regard du risque que le développement de ce type d'offres pouvait présenter pour le développement durable de la concurrence et pour l'intérêt des utilisateurs.

L'impossibilité technique pour l'ensemble des opérateurs alternatifs de proposer des offres couplant accès et communications à la quasi-intégralité des clients d'une part, et la restriction d'ordre juridique exposée ci-dessus d'autre part limitent les possibilités d'innovation en matière tarifaire ou de services de l'ensemble des acteurs du marché du service téléphonique fixe, ce qui a pour effet de freiner le dynamisme et l'innovation sur l'ensemble du marché de la téléphonie fixe.

Cette situation apparaît d'autant plus préjudiciable que les offres couplant l'accès et les communications rencontrent un succès important auprès des utilisateurs, ainsi que le montre la généralisation de la souscription des offres forfaitaires de téléphonie mobile, ou le succès plus récent, bien qu'encore limité, d'offres de téléphonie sur accès haut débit fondées sur l'utilisation illimitée de certaines communications téléphoniques.

Ainsi, la mise en oeuvre d'une nouvelle offre de gros permettant aux opérateurs de sélection du transporteur et de présélection d'offrir des services couplant l'accès et les communications permettrait de mettre fin à ces freins, et permettrait au régulateur de lever l'interdiction pour France Télécom de commercialiser de telles offres. Elle serait par conséquent source d'innovation pour le secteur, répondant par la même à l'objectif de développement de l'innovation mentionné au 3° de l'article L. 32-1.

Un tel allègement de la régulation des marchés de détail serait dans l'esprit des nouvelles directives qui privilégient l'intervention sur les marchés de gros. Elle serait donc envisageable dès lors que la mise en oeuvre des prestations d'accès ici évoquées auront été commercialisées dans des conditions permettant effectivement aux opérateurs de proposer des offres compétitives d'accès au service téléphonique.


(55) Décision no 2001-MC-06 du 19 décembre 2001 relative à une saisine et demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés Télé 2 et Cegetel.



IV-1.3.3. Conclusion


Au vu des objectifs mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 32-1, et conformément à l'article D. 310 (4°) du code, il apparaît nécessaire et proportionné d'imposer à France Télécom de faire droit aux demandes raisonnables d'accès permettant aux opérateurs alternatifs de proposer des offres compétitives et globales de service téléphonique, englobant une offre d'accès analogique ou numérique de base (lignes isolées ou groupements de lignes) au service téléphonique, et une offre de communications à destination de l'ensemble des numéros du plan national de numérotation.

Comme démontré ci-dessus, cette obligation répond aux critères de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques.

En fonction des conclusions des travaux engagés entre les opérateurs sur ce sujet, l'Autorité sera amenée à préciser le contour de cette obligation dans une décision ultérieure.


IV-1.4. Obligation de faire droit

aux autres demandes raisonnables


Au-delà des prestations d'accès et d'interconnexion précédemment mentionnées, un certain nombre de prestations d'accès complémentaires et de moyens associés à l'accès peut être nécessaire pour rendre l'accès au réseau de France Télécom effectif, dans des conditions économiquement viables.

D'une manière générale, France Télécom devra faire droit aux demandes des opérateurs jugées raisonnables, au sens précédemment donné, lorsque le caractère proportionné de l'obligation qui en découlera aura été vérifié, en conformité avec les dispositions de l'article L. 38-V du code.

L'Autorité précise ci-dessous quelques types de prestations auxquelles France Télécom devra faire droit en cas de demandes raisonnables des opérateurs.

France Télécom devra ainsi, conformément aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, et notamment celui de veiller au développement de l'interopérabilité des services au niveau européen, faire droit aux demandes raisonnables d'accès visant à solliciter des services spécifiques nécessaires pour garantir aux utilisateurs l'interopérabilité des services de bout en bout, y compris en ce qui concerne les moyens destinés aux services de réseaux intelligents.

De même, et en vertu de l'objectif visé au 2° du même article , France Télécom devra faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des systèmes d'assistance opérationnelle ou à des systèmes logiciels similaires nécessaires pour garantir l'existence d'une concurrence loyale dans la fourniture des services.



Par ailleurs, et compte tenu notamment de l'apparition probable de nouveaux standards techniques sur les marchés de gros, déjà évoquée précédemment, France Télécom devra, conformément à l'article D. 310 (7°), permettre aux opérateurs d'avoir accès aux interfaces techniques, protocoles ou autres technologies clés qui revêtent une importance essentielle, notamment pour l'interopérabilité des services ou des services de réseaux virtuels, conformément au 5° de l'article D. 310 du code précité.

Enfin, en cas de demande jugée raisonnable aux vues des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, dont l'Autorité a fourni un exemple précédemment (56), France Télécom devra offrir des services particuliers en gros en vue de leur revente à des tiers, sur les marchés de gros ou de détail, conformément à l'article D. 310 (4°) du code.


(56) Au sujet de la vente en gros de l'accès au service téléphonique.



IV-1.5. Engagement de qualité de service


La qualité de service (délais de livraison, de réparation, etc.) d'une prestation fournie est indissociable de la prestation elle-même, en ce qu'elle conditionne son utilisation dans des conditions effectives et par là même l'établissement d'une offre sur le marché de détail par l'acheteur de la prestation. En particulier, le raccordement physique et logique des réseaux constitue un préalable à l'utilisation effective, par les opérateurs, des prestations d'acheminement de trafic en gros. On entend par prestations de raccordement physique et logique, les prestations liées à la construction des interconnexions, ainsi que celles liées à la mise en service des acheminements de trafic, de leur rétablissement en cas de panne, etc. Par conséquent, France Télécom doit s'engager sur un niveau satisfaisant de qualité de service des prestations de raccordement à son réseau et de mise en service des prestations d'accès relatives aux marchés pertinents analysés dans la présente décision (57) (délais de livraison de la prestation, de réparation, etc.).

Par ailleurs, et compte tenu de la position dominante de France Télécom sur l'ensemble des marchés de détail et de gros de la téléphonie fixe, il pourrait être dans son intérêt de mettre en oeuvre des pratiques dilatoires visant à restreindre la capacité des opérateurs alternatifs à entrer sur ces marchés via l'interconnexion à son réseau, ou à adapter leurs interconnexions existantes en prévision d'une augmentation de leurs parts de marché et par conséquent de leurs volumes de trafic.

Par conséquent, il est justifié d'imposer à France Télécom de proposer un mécanisme incitatif au respect de son engagement de qualité de service précédemment mentionné. Ce mécanisme pourra notamment reposer sur un système de pénalités incitatives ou sur la reconnaissance par France Télécom de sa responsabilité commerciale.

Cette obligation d'engagement de qualité de service se rattache au régime juridique en vigueur en matière d'accès, dans la mesure où la livraison ou la réparation des accès en fonction d'un délai précis constitue une modalité de mise en oeuvre concrète de l'obligation de faire droit aux demandes d'accès raisonnables. Ainsi, l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Autorité « définit en tant que de besoin les conditions de mise en oeuvre des obligations [...] de façon à assurer leur exécution dans des conditions équitables et raisonnables. »

En outre, cette obligation d'engagement de France Télécom au respect des niveaux de qualité de service annoncés peut se prévaloir des dispositions relatives à la non-discrimination (imposée ci-après) dans la mesure où elle permet aux opérateurs alternatifs d'obtenir des conditions sur le marché de gros comparables à celles que France Télécom offre à ses services, filiales ou partenaires : cette obligation leur permet, à l'instar de France Télécom, de s'engager auprès des consommateurs sur les marchés de détail, notamment en termes de délais d'ouverture du service.

Enfin, cette modalité de mise en oeuvre des obligations d'accès fait peser sur France Télécom une contrainte limitée. Ce type d'engagement correspond en effet à des pratiques commerciales courantes sur les marchés concurrentiels et s'avère nécessaire pour pallier les éventuelles réticences de France Télécom dans la fourniture à ses concurrents d'une offre satisfaisante en terme de qualité de service. Au demeurant, il est laissé à l'opérateur toute latitude quant à la forme et aux modalités que peut prendre le mécanisme contraignant, à condition cependant qu'il reste suffisamment incitatif.

Cette mesure apparaît donc comme justifiée au regard de l'objectif d'égalité des conditions de concurrence prévu à l'article L. 32-1 du CPCE, et proportionnée en ce qu'elle constitue la mesure la moins contraignante pour France Télécom, le choix lui étant laissé de la modalité de mise en oeuvre, de remplir l'objectif d'engagement sur des niveaux satisfaisants de qualité de service. Elle répond aux critères de l'article L. 38-V en particulier les b et d.


(57) Par exemple, délai dans lequel un numéro du plan de numérotation est ouvert dans le réseau de France Télécom, ou délai de mise en service de l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique, etc.



IV-1.6. Conclusion


Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'en l'absence de mesure moins contraignante pour France Télécom qui permettrait d'atteindre le même but, les prescriptions ci-dessus sont proportionnées tant aux critères énoncés dans l'article L. 38-V qu'aux objectifs de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précité, en particulier les 3° et 4°.


IV-2. Obligation de non-discrimination


L'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques tel qu'issu de la loi sur les communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer (...) [de] fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ».

L'article D. 309 du code précise que les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».

France Télécom, entreprise intégrée verticalement, intervient sur l'ensemble des marchés de gros d'acheminement de trafic, et sur l'ensemble des marchés de détail sous-jacents, sur l'ensemble desquels, de surcroît, elle exerce une influence significative.

Il est par conséquent nécessaire de garantir que France Télécom n'avantagera pas ses propres services de détail par les moyens qu'elle leur fournit.



Il est de même nécessaire que France Télécom n'avantage pas certains opérateurs, et en particulier ses filiales ou ses partenaires, en leur proposant des offres de gros privilégiées, afin d'exclure ses concurrents les plus directs des marchés de détail et de gros sous-jacents.

Seule une obligation de non-discrimination imposée à France Télécom sur l'ensemble des marchés de gros où elle exerce une influence significative est ainsi à même de garantir l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, objectif mentionné au 2° de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.

Cette obligation s'applique notamment aux conditions techniques et tarifaires offertes par voie contractuelle, aux contenus et à la qualité des informations fournies dans les processus mis en oeuvre pour l'accès et l'interconnexion, aux délais de fourniture des offres de gros, ou encore à la qualité de service offerte.

D'une manière plus générale, l'obligation de non-discrimination concerne toutes les prestations d'accès fournies par l'opérateur aux opérateurs tiers sur les marchés de gros pertinents, y compris les prestations qui leur sont associées.


IV-3. Obligation de transparence


L'article L. 38 I (1°) du code précité énonce que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, (...) [de] rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, (...) ; ».

En d'autres termes, l'opérateur puissant peut se voir imposer, en application de cet article , de fournir l'accès et l'interconnexion dans des conditions transparentes.

Conformément à l'article D. 307-I du code, la transparence consiste ainsi en la mise à disposition de l'ensemble des opérateurs d'informations concernant les processus d'accès et d'interconnexion, qu'il s'agisse d'informations comptables, d'indicateurs de qualité de service, de spécifications techniques, ou d'informations plus générales sur les modalités de fourniture des prestations ou sur les tarifs.

L'influence significative de France Télécom sur l'ensemble des marchés de gros rend les conditions dans lesquelles les opérateurs peuvent s'interconnecter avec elle structurantes pour la viabilité des services qu'ils peuvent proposer.

Il est donc nécessaire que les opérateurs disposent d'une bonne visibilité sur l'architecture technique, économique et tarifaire des offres de gros de France Télécom, afin de garantir l'exercice d'une concurrence effective et loyale dans la fourniture des services de communications électroniques, au bénéfice des utilisateurs, ainsi qu'à l'égalité des conditions de concurrence.

Par ailleurs, l'obligation de transparence apparaît indispensable pour permettre le contrôle de l'obligation de non-discrimination, et ainsi permettre aux opérateurs négociant l'accès avec France Télécom de s'appuyer sur des données de référence publiques.

L'obligation de transparence imposée à France Télécom est ainsi nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code, et notamment à ceux cités aux 2°, 4° et 9° de cet article .

En pratique, l'Autorité impose à France Télécom une obligation de transparence au moyen de deux dispositifs.


IV-3.1. Conventions d'interconnexion et d'accès


Les conditions inscrites dans les conventions d'interconnexion et d'accès précisent les conditions techniques et tarifaires offertes par les parties.

France Télécom devra par conséquent informer l'ARCEP de la signature de toutes les conventions d'interconnexion et d'accès et de tout avenant à ces conventions qu'elle signe avec des tiers dans un délai de sept jours à compter de la signature du document, lorsque les prestations concernées sont fournies sur les marchés de gros pertinents de la téléphonie fixe, ou qu'elles leur sont associées.

Cette information permettra à l'Autorité de demander, le cas échéant, à France Télécom de lui transmettre ledit document, en application de l'article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques, afin notamment de lui permettre de contrôler le respect par France Télécom de l'obligation de non-discrimination.


IV-3.2. Informations données aux acteurs

bénéficiant de prestations d'accès et d'interconnexion


Par ailleurs, afin de donner un maximum de visibilité aux acteurs ayant signé avec elle une telle convention d'interconnexion et d'accès, France Télécom devra leur fournir des informations sur les caractéristiques de son réseau, notamment en termes d'architecture, d'interfaces et de dimensionnement.

Conformément aux dispositions de l'article D. 307-III du code, elle devra également informer ces acteurs, dans un préavis raisonnable, de toute évolution de ses conditions techniques et tarifaires des prestations d'interconnexion et d'accès, ainsi que de toute évolution d'architecture de son réseau, en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations d'interconnexion et d'accès à modifier ou adapter leurs propres installations. Les modalités de ce préavis sont précisées en annexe A à la présente décision.

Cette obligation apparaît essentielle pour permettre aux opérateurs d'anticiper ces évolutions, et ainsi d'avoir une visibilité suffisante de leurs plans d'investissement, condition nécessaire au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures.


IV-4. Publication d'indicateurs de qualité de service


Conformément à ses missions qui résultent des objectifs fixés dans les dispositions de l'article L. 32-1 du code, l'Autorité est particulièrement attachée à ce que le développement de la concurrence sur les marchés de la téléphonie fixe améliore l'attractivité des offres de détail, en maintenant notamment une qualité de service élevée dans l'intérêt des consommateurs.



La capacité qu'ont les opérateurs alternatifs de proposer à leurs clients des niveaux de qualité de service satisfaisants (délai de livraison, délai de réparation en cas de panne...) est un paramètre déterminant pour l'établissement d'une concurrence durable sur les marchés de détail, dans le respect des intérêts du consommateur.

Si la qualité de service des offres aval commercialisées par les opérateurs alternatifs dépend de la qualité de leurs propres prestations, elle est également fonction de la qualité des offres de gros achetées auprès de France Télécom à partir desquelles elles sont construites.

Or, une transparence totale sur les conditions techniques et tarifaires des offres peut ne pas s'avérer suffisante pour assurer l'équivalence des conditions de fourniture des prestations.

En particulier, elle ne garantit pas que France Télécom fournisse des offres de gros avec une qualité de service équivalente à celle fournie à ses propres services pour des prestations équivalentes, comme elle doit y veiller conformément à l'obligation de non-discrimination qui lui est imposée.

Ce type de dissymétrie est préjudiciable au fonctionnement du marché, notamment si la qualité de service de l'offre de gros rend impossible la réplication par les opérateurs alternatifs des offres de détail du groupe France Télécom en termes de qualité de service rendu aux clients finals.

En application de l'article D. 307 du code, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à France Télécom de publier des informations concernant les conditions de fourniture des prestations d'interconnexion.

L'Autorité considère donc comme proportionné aux objectifs poursuivis, et notamment à ceux de veiller à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale, et à la définition de conditions d'accès aux réseaux qui garantissent l'égalité des conditions de concurrence, cités aux 2° et 4° de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, que France Télécom soit astreinte à publier un ensemble d'indicateurs pertinents de qualité de service sur les prestations déterminantes pour la capacité des opérateurs alternatifs à répliquer les offres de détail de France Télécom et permettre ainsi de s'assurer de l'absence de discrimination entre le niveau de service de l'offre de gros et le niveau de services des prestations équivalentes que France Télécom met en oeuvre pour son propre compte.

L'Autorité établira le cas échéant par une décision ultérieure la liste des indicateurs pertinents, au regard notamment des indicateurs que France Télécom élabore déjà pour son propre suivi.

Cette liste pourrait notamment inclure les indicateurs suivants :

- délais de livraison des accès ;

- délais de mise en service de la présélection ;

- taux d'échec à la livraison ;

- délai de rétablissement après une panne.


IV-5. Sélection et présélection du transporteur

IV-5.1. Contexte


France Télécom est tenue, depuis le 1er janvier 1998, de permettre aux abonnés de choisir, via la composition d'un préfixe court, le transporteur de leurs communications appel par appel (« sélection du transporteur appel par appel »), et, depuis le 1er janvier 2000, de leur permettre de faire de même sans changer leur façon de numéroter (« présélection du transporteur »).

Dans un premier temps, seules les communications nationales à destination des numéros géographiques fixes étaient éligibles à la sélection et à la présélection du transporteur.

L'extension de ces mécanismes aux appels fixes vers mobiles puis aux appels locaux a respectivement été mise en oeuvre en novembre 2000 et en janvier 2002.

Les conditions de fourniture et les modalités des prestations d'accès fournies à cet effet par France Télécom sont précisées dans les décisions no 97-345, no 99-490, no 99-1077 et 2001-691 susvisées de l'Autorité.


IV-5.2. Obligation de fournir les prestations d'accès

nécessaires à la sélection du transporteur


L'article L. 38-II du code des postes et des communications électroniques, qui transpose l'article 19 de la directive « service universel », précise que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur le marché du raccordement aux réseaux téléphoniques fixes ouverts au public sont tenus de fournir à tout opérateur les prestations d'interconnexion et d'accès nécessaires pour que leurs abonnés puissent, à un tarif raisonnable, présélectionner le service téléphonique au public de cet opérateur et écarter, appel par appel, tout choix de présélection en composant un préfixe court ; les tarifs de ces prestations reflètent les coûts correspondants ».

Ainsi que le révèle l'analyse menée par l'Autorité, France Télécom exerce une influence significative sur l'ensemble des marchés de détail de l'accès, auxquels renvoie l'expression « marché du raccordement » (58) de l'article L. 38-II précité.

Les mécanismes de la sélection du transporteur appel par appel et de la présélection apparaissent effectivement comme nécessaires et complémentaires en l'absence de concurrence effective sur les marchés de l'accès. Ces mécanismes forment actuellement la base du développement de la concurrence observé sur le marché des communications en bande étroite.

Ils permettent en effet à l'usager final de disposer en toute transparence, sans changer sa façon de numéroter, d'un choix alternatif à France Télécom pour l'acheminement de l'ensemble de ses communications, tout en ayant la possibilité de choisir ponctuellement, et par exemple pour un certain type d'appels seulement, un autre opérateur pour bénéficier de conditions plus avantageuses.



L'Autorité impose donc à France Télécom, puissante sur le marché du raccordement aux réseaux téléphoniques fixes ouverts au public, de fournir, sur l'ensemble du territoire d'analyse, les prestations d'interconnexion et d'accès nécessaires à la sélection du transporteur et à la présélection. En application de l'article L. 38-II, France Télécom doit fournir ces prestations à des tarifs reflétant les coûts correspondants.


(58) Cf. annexe de la recommandation « marchés pertinents » de la Commission européenne.



IV-5.3. Conditions techniques et tarifaires des prestations d'accès fournies par France Télécom

au titre de la sélection du transporteur


En vertu de l'article D. 313 du code, il incombe à l'Autorité de « fixer, en tant que de besoin, les prestations d'interconnexion et d'accès mentionnées au II de l'article L. 38 ainsi que leurs modalités de et délais de mise en oeuvre. Les tarifs de ces prestations reflètent les coûts correspondants ».

France Télécom étant puissante sur les marchés de détail des communications, ainsi que sur les marchés de gros sous-jacents, il est nécessaire qu'elle fournisse l'ensemble des prestations d'accès relatives à la sélection et la présélection du transporteur dans des conditions transparentes et non discriminatoires, notamment pour garantir l'égalité des conditions de concurrence sur les marchés de détail.

Par ailleurs, l'Autorité entend réexaminer prochainement les conditions précises d'application de cette obligation.

A titre transitoire, elle impose à France Télécom de continuer à fournir les prestations d'accès relatives à la sélection et présélection du transporteur dans les conditions techniques et tarifaires définies aux décisions précitées (décisions no 97-345, no 99-490, no 99-1077 et no 2001-691 susvisées).

En particulier, France Télécom, exerçant une influence significative sur le marché du départ d'appel et sur celui du transit, elle devra continuer à fournir ces prestations d'accès au titre de la sélection et présélection sur l'ensemble de ses commutateurs ouverts à l'interconnexion, commutateurs d'abonnés et commutateurs de transit.

Par ailleurs, les mécanismes de sélection et présélection du transporteur sont aujourd'hui restreints aux communications interpersonnelles locales, nationales et internationales vers des numéros géographiques en position déterminée, et à destination des abonnés des réseaux mobiles. A l'inverse, lorsqu'un abonné sélectionne un opérateur de transport alternatif, les communications d'accès au réseau Internet, les communications interpersonnelles vers les numéros non géographiques en position déterminée (numéro de type 087B PQMCDN) et les communications vers les services spéciaux vocaux et de données continuent à être acheminées par France Télécom.

L'Autorité consultera les acteurs sur l'opportunité d'étendre les mécanismes de sélection du transporteur aux communications interpersonnelles vers les numéros non géographiques en position déterminée (numéro de type 087B PQMCDN), et plus généralement sur l'opportunité d'étendre ces mécanismes pour l'ensemble des numéros qui en sont aujourd'hui exclus.

En attendant, France Télécom devra fournir les prestations d'accès nécessaires à la sélection et la présélection du transporteur des appels inclus déjà concernés, dans les conditions fixées par les décisions précitées susvisées.


IV-6. Publication d'une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion et d'accès

dite « offre de référence Interconnexion et sélection du transporteur »

IV-6.1. Objectif de l'obligation


L'article L. 38-I du code précité précise, en son 1°, qu'une obligation de transparence spécifique peut être imposée aux opérateurs « réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques ». Ces derniers peuvent ainsi se voir imposer de « publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non discrimination ».

France Télécom est soumise à une obligation de transparence et de non-discrimination par la présente décision. L'obligation de publication d'une telle offre technique et tarifaire ou offre de référence poursuit quatre objectifs :

- concourir à la mise en place de processus transparents, pour limiter la capacité de l'opérateur exerçant une influence significative à déstabiliser ses concurrents ou favoriser ses filiales ;

- donner de la visibilité aux acteurs sur les termes et les conditions dans lesquelles ils s'interconnectent avec l'opérateur sur qui pèse l'obligation ;

- pallier le déficit de pouvoir de négociation des opérateurs alternatifs ;

- permettre l'élaboration d'une offre cohérente de prestations aussi découplées que possible les unes des autres pour permettre à chaque opérateur de n'acheter que les prestations dont il a besoin.

Elle contribue ainsi grandement à la stabilité du marché, et permet aux opérateurs alternatifs de développer un plan d'affaires et de programmer leurs investissements avec une visibilité suffisante sur des paramètres qui conditionnent fortement leur structure de coûts. Imposée sur les prestations d'accès et d'interconnexion structurantes, au sens où elles conditionnent la possibilité même des acteurs de faire des offres sur les marchés de détail, l'obligation de publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès est ainsi décisive pour le développement d'investissements efficaces, et garantit l'égalité des conditions de concurrence et son exercice, dans des conditions loyales, au bénéfice des utilisateurs.

Dès lors, l'Autorité estime que cette obligation, en ce qu'elle constitue le minimum nécessaire qui doive être imposé à France Télécom pour les atteindre, est nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1, notamment aux 2°, 3° et 4°, pour certaines prestations d'interconnexion particulièrement décisives pour les opérateurs, et détaillées en annexe A de la présente décision, ainsi que sur les prestations d'accès associées permettant l'utilisation effective de ces offres par les opérateurs pour proposer des services sur les marchés de détail : les prestations d'accès aux sites d'interconnexion, et la prestation de facturation pour compte de tiers.

L'Autorité souligne en particulier que, pour tenir compte de l'existence d'un début de concurrence sur certaines prestations de transit intra territorial, elle estime qu'il n'est pas justifié d'imposer à France Télécom d'inscrire à cette offre les conditions techniques et tarifaires de sa prestation de double transit. Au demeurant, cette offre n'était pas inscrite dans les dernières versions du « catalogue d'interconnexion » de France Télécom.

Par ailleurs, au regard des mêmes objectifs, et pour les mêmes raisons, l'obligation de publier une offre technique et tarifaire d'accès apparaît nécessaire et proportionnée pour les prestations d'accès relatives à la sélection et la présélection du transporteur.



L'Autorité propose que France Télécom ne publie qu'une seule offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion et d'accès, regroupant l'ensemble de ces prestations.


IV-6.2. Principes


Conformément au II de l'article D. 307 du code des postes et des communications électroniques, l'offre de référence devra être « suffisamment détaillée pour que l'opérateur demandeur ne paye que l'utilisation des moyens strictement liés à la prestation demandée ».

En application des II et III de l'article D. 307 précité, l'Autorité estime justifié que cette offre comprenne, outre les prestations d'accès devant y figurer, les conditions contractuelles types relatives aux tarifs, aux conditions de souscription, aux modalités d'accès à l'offre, les engagements de qualité de services, ainsi que les informations répondant à l'obligation de transparence et de non-discrimination définies dans la présente décision. En particulier, tous les tarifs devront être effectivement inscrits dans l'offre de référence et non uniquement dans les conventions conclues entre les parties.

En outre, il importe que la tarification de certaines prestations « sur devis » ne soit envisagée qu'à titre exceptionnel. Le cas échéant, il reviendra à France Télécom de justifier des contraintes l'empêchant d'établir un tarif fixé à l'avance dans l'offre de référence.

Les prestations y figurant seront clairement détaillées, et accompagnées des modalités de fourniture, des conditions techniques et tarifaires correspondant à ces offres ainsi qu'aux prestations qui leur sont associées. Afin de pouvoir apprécier le respect par France Télécom de ses obligations tarifaires imposées sur les marchés du départ d'appel, du transit et de la terminaison d'appel respectivement, France Télécom distinguera dans son offre tarifaire le prix de la prestation de transit de celui de la prestation de départ d'appel ou de terminaison d'appel.

L'Autorité précise en annexe A de la présente décision la liste minimale des prestations d'interconnexion et d'accès devant figurer à l'offre, y compris les prestations qui leur sont associées, les informations à publier, le niveau de détail requis et le mode de publication.

Pour en assurer une diffusion satisfaisante, l'Autorité souhaite que l'offre de référence soit publiée sur un site internet librement accessible. Certaines informations, concernant notamment la localisation et les caractéristiques d'équipements de réseau et pouvant être qualifiées de sensibles, pourront être mises en annexe, afin d'en limiter la diffusion aux seuls opérateurs.

France Télécom pourrait être amenée à faire évoluer au cours du temps son offre de référence « interconnexion et sélection du transporteur ». Une évolution unilatérale sans concertation préalable risquerait cependant de s'avérer préjudiciable pour le secteur. Elle pourrait en effet, sur le plan tarifaire, remettre en question la politique commerciale d'un opérateur ou, sur le plan technique, impacter le plan de déploiement d'un opérateur et nécessiter des adaptations techniques longues à mettre en oeuvre.

Les prestations ayant vocation à figurer à l'offre de référence sont particulièrement structurantes pour les marchés. Les acteurs ont par conséquent grandement besoin de visibilité sur les conditions de fourniture de ces prestations, qui représentent souvent la majorité (jusqu'à 60 %) de leurs charges annuelles, pour optimiser leurs choix d'investir ou non dans des infrastructures de transport, conformément à l'objectif mentionné au 3° de l'article L. 32-1 du code.

Il est donc nécessaire que France Télécom publie avec un préavis suffisant toute évolution de l'offre de référence.

Ce préavis aura pour fin de permettre à l'ensemble du secteur de répercuter ces évolutions sur les prix de détail dès leur application, de mettre en oeuvre les solutions techniques correspondantes et, le cas échéant, d'adapter leurs processus opérationnels.

Par conséquent, sur le fondement des dispositions de l'article D. 307-III du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité considère que les modifications des conditions inscrites à l'offre de référence devront respecter un délai de préavis raisonnable, qui ne saurait être inférieur à un mois. En cas d'évolution tarifaire, ce préavis sera de trois mois minimum, et il sera porté à un an en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs à modifier leurs installations. Cette condition apparaît essentielle pour garantir aux opérateurs une visibilité suffisante sur leurs investissements. Elle est donc adaptée au respect des objectifs d'égalité des conditions de la concurrence fixés à l'article L. 32-1 du code, sans pour autant représenter une charge excessive pour France Télécom.

L'obligation de publication avec préavis pour l'entrée en vigueur des modifications apportées s'entend sauf décision contraire de l'Autorité ou de toute autre autorité ou juridiction habilitée à imposer une telle modification. Certains cas particuliers peuvent en effet nécessiter une mise en oeuvre immédiate des évolutions de l'offre. Ce cas peut notamment se rencontrer à la suite d'une décision de règlement de différend ou d'une décision de modification de l'offre de référence. De même, aucun préavis ne sera nécessaire en cas de modification consistant simplement à répercuter une modification, à la hausse ou à la baisse, décidée par un autre opérateur et qui impacte une des conditions inscrites à l'offre. A titre d'exemple, la hausse du tarif de terminaison d'appel d'un opérateur alternatif devra être immédiatement répercutée par France Télécom dans son offre de transit à destination du réseau de cet opérateur, dans la mesure où cette dernière couple la prestation de transit proprement dite et l'offre de terminaison d'appel de l'opérateur tiers, et qu'elle est soumise à une obligation de reflet des coûts (cf. infra).

S'agissant de la première offre de référence publiée conformément à la présente décision, il y a lieu de réduire ce préavis en cas d'évolution tarifaire susmentionné entre sa publication et son entrée en vigueur, afin d'assurer au secteur une mise en oeuvre aussi rapide que possible des obligations détaillées dans la présente décision tout en gardant une visibilité minimale obligatoire pour permettre aux opérateurs de prendre en compte d'éventuelles évolutions tarifaires. L'Autorité impose donc l'entrée en vigueur de cette offre au 1er janvier 2006.

Il apparaît cependant raisonnable de laisser à France Télécom un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente décision pour préparer une offre de référence qui y soit conforme et la communiquer à l'Autorité. Ce délai d'un mois apparaît suffisant au regard du fait qu'une offre préexistait dans l'ancien cadre.

Durant la période de transition qui en découlera, il apparaît nécessaire, dans un souci de sécurité juridique pour l'ensemble du secteur, mais également au vu de l'importance des prestations concernées explicitée ci-dessus, de disposer d'une continuité dans l'offre de France Télécom. Par conséquent, il est nécessaire et proportionné, notamment au regard de l'objectif visant à garantir l'égalité des conditions de concurrence, de prévoir un maintien transitoire des dispositions techniques et tarifaires offertes sur les prestations couvertes par la présente analyse et prévues à l'offre technique et tarifaire d'interconnexion en vigueur depuis le 1er janvier 2005, approuvée par la décision no 2004-1000 susvisée de l'Autorité.



IV-7. Publication d'une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion et d'accès

dite « offre de référence service téléphonique »


France Télécom est soumise à des obligations de transparence et de non-discrimination sur l'ensemble des marchés de gros sur lesquels elle exerce une influence significative.

L'Autorité a par ailleurs justifié la nécessité que France Télécom permette aux opérateurs alternatifs de proposer aux utilisateurs finals raccordés au réseau de France Télécom des offres globales de services de communications électroniques en bande étroite, incluant à la fois une offre d'accès analogique ou numérique de base et une offre de communications à destination de l'ensemble des numéros du plan national de numérotation.

Les conditions dans lesquelles France Télécom fournira les prestations d'accès nécessaires à la définition de telles offres seront déterminantes pour leur utilisation effective, et au final pour le développement de conditions loyales de la concurrence sur les marchés de détail.

France Télécom devra proposer plusieurs prestations d'accès, notamment pour permettre aux opérateurs de proposer aux clients des options traditionnellement associées à leur « abonnement France Télécom », par exemple la présentation du numéro, dont l'intelligence est située dans des équipements de réseau de France Télécom, en l'occurrence ses commutateurs d'abonnés, et qu'il ne peut être demandé aux opérateurs de répliquer.

Des prestations d'accès impliquant les systèmes de facturation, les systèmes d'information gérant les processus de commandes, ou encore des systèmes logiciels d'assistance opérationnelle seront également indispensables au fonctionnement global des prestations.

Au vu de l'importance des processus mis en jeu et de leurs interactions, il apparaît indispensable que France Télécom publie un document de référence, une offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès, détaillant notamment l'ensemble des prestations, leurs conditions techniques et tarifaires, ainsi que les processus de commande sous-jacents.

Conformément aux objectifs cités dans la partie précédente de l'intérêt d'une offre de référence, seule cette obligation permettrait de garantir une utilisation efficace des prestations de gros de France Télécom dont il est question.

Il apparaît dès lors proportionné aux objectifs mentionnés notamment aux 2° et 3° de l'article L. 32-1 du code d'imposer à France Télécom de publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès détaillant l'ensemble des prestations offertes aux opérateurs désirant proposer aux utilisateurs raccordés à son réseau des services de communications électroniques en bande étroite incluant une offre d'accès analogique ou numérique de base et une offre de communications à destination de l'ensemble des numéros du plan national de numérotation.

Des travaux multilatéraux, réunissant les services de l'Autorité, de France Télécom et des opérateurs alternatifs, sont en cours, et permettront à l'Autorité de spécifier prochainement la liste minimale des prestations d'interconnexion et d'accès devant figurer à l'offre, les informations à publier, le niveau de détail requis et le mode de publication.

Cette obligation sera donc précisée dans une décision ultérieure de l'Autorité.


IV-8. Contrôle des tarifs


L'article L. 38-I du code précité précise, en son 4°, qu'il peut être imposé aux opérateurs « réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques » de « ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ».

France Télécom est aujourd'hui soumise, pour l'ensemble des prestations qu'elle fournit sur les marchés de l'interconnexion, à l'obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts correspondants.

Cette obligation consiste à imposer une tarification égale aux coûts subis par l'opérateur pour fournir la prestation en tenant compte d'une rémunération raisonnable des capitaux employés.

Actuellement, les tarifs de l'interconnexion sont fixés conformément aux principes énoncés dans la décision no 2002-1027 de l'Autorité en date du 5 novembre 2002. Ainsi, les coûts de référence utilisés pour calculer les tarifs d'interconnexion de France Télécom sont les coûts moyens incrémentaux de long terme.

L'article D. 311-II du code des postes et des communications électroniques dispose que, pour la mise en oeuvre de l'obligation de contrôle tarifaire, l'Autorité peut, le cas échéant, notamment préciser les méthodes de tarification ou de comptabilisation des coûts. Elle peut également « prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés comparables en France ou à l'étranger ». Enfin, elle doit veiller « à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur. Elle veille également à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru ».

La définition d'une méthodologie de valorisation des coûts doit poursuivre un double objectif d'efficacité et de proportionnalité : il s'agit à la fois de donner le bon signal économique aux opérateurs acheteurs sur ce marché et de permettre à l'opérateur historique de recouvrer ses coûts et d'investir pour entretenir et développer son réseau.

De façon générale, la méthode retenue par l'Autorité permet en principe d'optimiser les décisions des opérateurs alternatifs, en les incitant à n'investir dans des infrastructures que lorsque cela est économiquement souhaitable.

Cette méthode permet aux seuls opérateurs efficaces, i.e. ayant un coût de production inférieur ou égal au tarif, de rentrer sur le marché en investissant.

La fixation de tarifs reflétant les coûts permet dans certains cas de rapprocher les tarifs de ceux qui seraient choisis par l'opérateur en environnement concurrentiel, et contribue d'autre part à la mise en oeuvre de l'obligation de non-discrimination à laquelle l'opérateur puissant est soumis, et qui l'enjoint notamment d'offrir aux opérateurs tiers des conditions tarifaires équivalentes à celles dont il bénéficie en interne.

La méthodologie actuelle de valorisation des coûts pour l'interconnexion, y compris les prestations qui leur sont associées, telle que développée dans la décision no 2002-1027 précédemment mentionnée, est maintenue. Par ailleurs, et dans un souci de cohérence avec les obligations comptables qui sont imposées à France Télécom et décrites ci-après, il est demandé à France Télécom de produire l'ensemble de ses comptes individualisés en CMILT calculés sur la base de son modèle top-down en coûts de remplacement. L'Autorité examinera ultérieurement l'opportunité d'adapter ou de modifier cette méthodologie.



IV-8.1. Contrôle des tarifs des prestations de départ d'appel,

de terminaison d'appel et de transit inter territoires


France Télécom dispose d'une position durable de puissance sur les marchés correspondants, compte tenu notamment de la difficulté de dupliquer les infrastructures de boucle locale et les infrastructures inter territoires.

L'analyse de la puissance de France Télécom sur les marchés correspondants a montré que ces prestations sont incontournables pour l'ensemble des opérateurs de communications électroniques en France, qui ne disposent dès lors d'aucun contrepouvoir sur la latitude de fixation des tarifs dont dispose France Télécom.

France Télécom, en position quasi monopolistique sur ces marchés, pourrait fixer les tarifs de ces prestations indépendamment de toute pression concurrentielle au désavantage de ses concurrents sur les marchés aval et, in fine, des consommateurs.

L'Autorité note que l'absence d'obligation de reflet des coûts permettrait à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à son monopole ou à son contrôle quasi exclusif d'infrastructures sous-marines. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés.

L'Autorité estime donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 II du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ». Cette obligation concerne donc notamment tous les éléments de l'offre technique et tarifaire « Interconnexion et sélection du transporteur » relatifs à ces prestations de départ d'appel, transit inter territoires et terminaison d'appel.

Concernant plus particulièrement le marché de la terminaison d'appel, l'Autorité précise qu'elle n'a pas imposé la même obligation aux opérateurs de boucle locale alternatifs proposant des prestations similaires, bien que ces derniers soient également puissants sur leur marché de la terminaison d'appel.

En effet, au vu de la part de marché de France Télécom sur le marché de détail de l'accès (supérieure à 95 %), le tarif de sa terminaison d'appel a un impact important sur l'ensemble des charges supportées par les opérateurs tiers, l'analyse desquelles leur permet de formuler une stratégie tarifaire sur les marchés de détail. Dès lors, si France Télécom pouvait fixer ce tarif indépendamment des coûts qu'elle supporte pour produire la prestation, elle pourrait créer une distorsion concurrentielle majeure, en empêchant les opérateurs alternatifs de proposer des tarifs aussi compétitifs qu'elle sur le marché de détail. C'est pourquoi l'Autorité a estimé justifié de soumettre France Télécom à l'obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts correspondants.

A l'inverse, seule une faible proportion des appels au départ du réseau d'un opérateur se termine sur le réseau d'un opérateur de boucle locale alternatif fixe. Ainsi, le poids de la terminaison d'appel d'un tel opérateur sur le modèle économique des opérateurs tiers, France Télécom notamment, reste limité.

Ainsi l'Autorité a-t-elle estimé que, concernant la terminaison d'appel d'un opérateur alternatif, un tarif ne reflétant pas les coûts, mais soumis à une obligation de non-excessivité, ne pourrait contraindre la capacité des opérateurs tiers à proposer des offres globales compétitives. La notion d'excessivité d'un tarif doit notamment s'apprécier au regard de son impact concurrentiel sur l'ensemble des opérateurs, y compris France Télécom. A ce titre, le tarif de terminaison d'appel de France Télécom, reflétant les coûts, constituera un élément parmi d'autres dans l'analyse du caractère excessif ou non du tarif de terminaison d'appel d'un opérateur alternatif.

L'Autorité estime donc proportionné aux objectifs de concurrence loyale et effective recherchés de différencier les obligations tarifaires imposées à France Télécom de celles imposées aux opérateurs alternatifs, en imposant à France Télécom de fixer des tarifs reflétant les coûts, tout en limitant la contrainte tarifaire des opérateurs alternatifs à une interdiction de fixer des tarifs excessifs.


IV-8.2. Contrôle des tarifs des prestations

de transit intra territorial

IV-8.2.1. Interdiction des tarifs excessifs et d'éviction


L'analyse de la puissance a montré l'influence significative qu'exerce France Télécom sur le marché du transit intra territorial. En particulier, France Télécom sera encore en mesure durant les prochaines années de se comporter, sur ce marché, indépendamment de ses clients et de ses concurrents, grâce notamment à sa puissance sur les divers marchés situés en amont (détail et gros) et aux avantages structurels dont il bénéficie.

L'analyse a néanmoins permis de constater l'existence d'une certaine concurrence via l'accès à des offres de transit alternatives. Les opérateurs proposant de telles alternatives ont dû consentir de lourds investissements pour déployer les infrastructures capillaires nécessaires, et notamment pour raccorder tout ou partie des commutateurs d'abonnés de France Télécom.

Conformément à l'objectif de développement efficace dans les infrastructures, mentionné au 3° du II de l'article L. 32-1, l'Autorité estime qu'il est nécessaire et proportionné, afin, d'une part, de ne pas nuire aux investissements déjà consentis et, d'autre part, de maintenir une incitation suffisante pour les opérateurs à se déployer plus bas dans le réseau, d'interdire à France Télécom de fixer une tarification d'éviction de ses prestations de transit intra territorial.

Par ailleurs, l'analyse a montré qu'en tout état de cause le début de concurrence constaté reste limité à certaines zones, pour certains acheteurs et pour certaines prestations précises, générant des volumes de trafic importants. En particulier, les prestations de France Télécom restent notamment indispensables à certains opérateurs de boucle locale très localisés ou spécialisés dans des services à forte valeur ajoutée, qui ont fait le choix de ne pas déployer d'infrastructures à l'échelle nationale.

Par conséquent, afin de garantir l'égalité des conditions de concurrence et de veiller à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale, conformément aux objectifs cités au 2° et 4° de l'article L. 32-1-II précité, l'Autorité estime également nécessaire et proportionné d'imposer à France Télécom l'obligation de ne pas pratiquer de tarifs excessifs sur ce marché.


IV-8.2.2. Contrôle tarifaire spécifique à certaines prestations

de transit intra territorial


L'Autorité a précédemment motivé l'interdiction des tarifs excessifs et d'éviction qu'elle impose à France Télécom sur le marché du transit intra territorial.

Elle souligne que cette obligation représente un allègement du contrôle tarifaire imposé jusqu'à présent à France Télécom, sur laquelle pesait une obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts correspondants pour l'ensemble de ses tarifs d'interconnexion en vertu de l'ancien cadre réglementaire. Cet allègement se justifie par la prise en compte d'un début réel, bien que limité, de concurrence sur le marché.



Pour autant, l'Autorité estime que, concernant certaines prestations du marché, il n'est pas possible de lever immédiatement l'obligation de reflet des coûts, au regard du positionnement de ces prestations sur le marché ou de leurs spécificités.

Elle explicite ci-dessous son analyse.

a) Prestations de transit intra territorial sous-jacentes aux prestations actuellement fournies, dites de « simple transit », de France Télécom

L'Autorité a déjà évoqué les prestations actuelles de simple transit offertes par France Télécom. Celles-ci correspondent à des prestations consistant à acheminer du trafic entre le point de terminaison de réseau d'un abonné raccordé au réseau de France Télécom et le commutateur de transit situé directement en amont du commutateur de raccordement de cet abonné. Fonctionnellement, elle peut ainsi être considérée, en collecte (respectivement en terminaison) comme une prestation de départ d'appel (respectivement de terminaison d'appel) couplée à une prestation d'acheminement entre un commutateur d'abonné et le commutateur de transit de son réseau le raccordant directement, laquelle est incluse dans le marché du transit.

Cette offre est disponible en collecte et en terminaison, et l'Autorité a justifié, dans le cadre de cette analyse, la nécessité et la proportionnalité d'imposer à France Télécom de continuer à l'offrir.

Bien que l'analyse ait mis en exergue l'existence d'offres de transit alternatives, concurrençant notamment France Télécom sur ses prestations de simple transit, celles-ci restent très largement utilisées par une partie substantielle du secteur, comme en témoignent entre autres les réponses des opérateurs aux consultations publiques menées par l'Autorité dans le cadre de cette analyse de marchés.

Compte tenu de l'importance de ces prestations d'acheminement de trafic, dont l'utilisation est le préalable indispensable à la commercialisation de service téléphonique au détail, l'Autorité estime qu'il serait préjudiciable pour le secteur de supprimer, sans préavis, l'obligation de reflet des coûts qui pèse aujourd'hui sur France Télécom. En effet, un acteur qui souhaiterait, suite à la levée de cette obligation et à l'augmentation possible des tarifs qui s'ensuivrait, développer son taux d'interconnexion aux CA de France Télécom ou construire une interconnexion physique avec un opérateur proposant une offre concurrente équivalente pour s'affranchir de plus en plus de sa prestation de simple transit ne pourrait le faire que progressivement, dans un délai de plusieurs mois, compte tenu de l'inertie liée à une modification d'architecture. L'Autorité évalue le temps moyen nécessaire aux opérateurs alternatifs pour se déployer, le cas échéant, aux CA de France Télécom à au plus un an.

Eu égard aux éléments précités, il apparaît nécessaire et proportionné de maintenir à titre transitoire, jusqu'au 31 décembre 2006, l'obligation pour France Télécom de fixer des tarifs reflétant les coûts pour ses prestations d'acheminement entre ses commutateurs d'abonnés et les commutateurs de hiérarchie supérieure les raccordant directement, sous réserve du respect par France Télécom de son obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction.

Cette obligation est conforme à l'objectif de développement efficace dans les infrastructures, mentionné au 3° du II de l'article L. 32-1, ainsi qu'à ceux de garantir l'égalité des conditions de concurrence et de veiller à l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques, mentionnés aux 2° et 4° du II du même article .

Cette phase transitoire permettra en effet de ne pas nuire aux investissements déjà consentis, notamment pour déployer les infrastructures capillaires nécessaires et pour raccorder tout ou partie des commutateurs d'abonnés de France Télécom, tout en maintenant une incitation suffisante pour les opérateurs à se déployer plus bas dans le réseau, en leur garantissant la possibilité de continuer à offrir leurs offres actuelles de détail dans de bonnes conditions.


b) Prestations de transit intra territorial au départ

et à destination des réseaux alternatifs


L'Autorité a déjà évoqué, dans son analyse, le fait que France Télécom reste en position de quasi-monopole sur l'offre de prestations de transit à destination des réseaux alternatifs. En effet, elle a souligné le fait que, pour rentabiliser les importants investissements que représenterait une interconnexion directe entre leurs réseaux, les opérateurs alternatifs doivent miser sur l'existence de volumes de trafic très importants. Les volumes critiques ne sont aujourd'hui atteints que dans des cas qui restent marginaux et il n'existe ainsi que très peu d'interconnexions directes entre les opérateurs alternatifs.

Or l'importance de disposer, dans de bonnes conditions, d'une connectivité généralisée avec l'ensemble des réseaux n'est plus à démontrer, dès lors qu'elle se traduit par la possibilité de proposer au détail des offres de communications à destination de l'ensemble des réseaux.

En l'absence d'une obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts, France Télécom pourrait profiter de sa situation d'opérateur interconnecté, pour des raisons historiques, avec l'ensemble des réseaux, pour fixer des tarifs à un niveau largement supérieur au tarif qu'elle fixerait en présence de concurrents compétitifs. Par ailleurs, des tarifs élevés ne reflétant pas les coûts pourraient nuire à la capacité des opérateurs alternatifs à faire des offres de détail compétitives pour les communications à destination des réseaux alternatifs tiers. Outre le problème concurrentiel que cela ne manquerait pas de créer sur les marchés de détail, cela pourrait de surcroît avoir pour effet, en freinant le développement des volumes de communications échangées entre réseaux alternatifs, de retarder l'apparition généralisée d'interconnexions directes entre tous les réseaux.

L'Autorité estime donc nécessaire et proportionné, notamment eu égard aux objectifs de l'article L. 32-1-II du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence », d'imposer à France Télécom de fixer des tarifs de transit intra territorial à destination des réseaux alternatifs reflétant les coûts correspondants, sous réserve du respect par France Télécom de son obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction.

L'Autorité souligne que cette obligation inclut les tarifs d'acheminement à destination des numéros portés pour lesquels France Télécom assure une prestation de transit.

France Télécom, dans sa réponse à la consultation de l'Autorité lancée le 29 juillet 2005, estime que les prestations de transit à destination des réseaux alternatifs n'ont jamais fait l'objet d'une régulation.

L'Autorité rappelle que lesdites prestations offertes par France Télécom, bien que ne figurant pas à l'offre technique et tarifaire d'interconnexion approuvée chaque année par l'Autorité, étaient cependant soumises aux obligations notamment prévues à l'article L. 34-8-III et IV de l'ancien code des postes et des télécommunications en tant que prestations d'interconnexion (59).


(59) « III. - Les tarifs d'interconnexion des exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur les listes établies en application des a et b du 7° de l'article L. 36-7 et ceux des exploitants de réseaux de téléphonie mobile ouverts au public figurant sur la liste établie en application du d du même article rémunèrent l'usage effectif du réseau de transport et de desserte et reflètent les coûts du service rendu. « IV. - Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur les listes établies en application des a, b et c du 7° de l'article L. 36-7 font droit aux demandes d'interconnexion des titulaires d'une autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 dans des conditions objectives, non discriminatoires et transparentes. Les conventions conclues à cet effet sont communiquées à l'Autorité de régulation des télécommunications. »




c) Contrôle des tarifs des prestations

d'interconnexion forfaitaire pour l'internet


L'Autorité rappelle que France Télécom est tenue d'offrir des prestations d'interconnexion forfaitaire pour l'internet au niveau des commutateurs d'abonnés et des commutateurs de transit (point de raccordement à l'interconnexion forfaitaire, PRIF).

Concernant la tarification de l'offre disponible au CA, l'Autorité a justifié et motivé, en imposant un contrôle tarifaire sur les prestations de départ d'appel, la nécessité de maintenir l'obligation de reflet des coûts.

Par ailleurs, l'Autorité constate que, s'agissant de cette offre forfaitaire, les opérateurs alternatifs ne concurrencent pas France Télécom sur la prestation offerte au CT, étant donné qu'ils ne sont pas en mesure, au moins pour des raisons économiques, de récupérer du trafic facturé au forfait au CA pour le revendre forfaitairement au CT. Au demeurant, un opérateur a souligné, dans une réponse confidentielle, que nombre d'opérateurs, pourtant largement interconnectés aux CA, préfèrent utiliser l'offre d'interconnexion forfaitaire pour l'internet au niveau du CT.

Par conséquent, l'Autorité estime justifié, et proportionné aux objectifs de l'article L. 32-1 II du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence », d'imposer à France Télécom l'obligation de fixer des tarifs d'interconnexion forfaitaire pour l'internet reflétant les coûts correspondants, tant pour celles livrées au CA que pour celles livrées au niveau du CT, sous réserve du respect par France Télécom de son obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction.


IV-8.3. Contrôle des tarifs des prestations associées


Un contrôle tarifaire doit être imposé sur les tarifs des prestations qui leur sont associées, et de manière cohérente au contrôle tarifaire de ces mêmes prestations.

Si tel n'était pas le cas, les tarifs des prestations associées pourraient être fixés à des niveaux tels qu'ils rendraient sans objet le contrôle tarifaire imposé sur les prestations « de base ».

S'agissant plus particulièrement des prestations d'accès aux sites d'interconnexion et d'accès, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur acheteur ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées. A défaut, l'obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts pour les prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel (disponibles aux commutateurs d'abonnés), et pour l'interconnexion forfaitaire pour l'internet, le transit inter territoires, le transit à destination des réseaux alternatifs, et, transitoirement, la prestation de simple transit de France Télécom (achetées aux commutateurs de transit) serait sans effet. L'existence d'offres de liaisons d'interconnexion des opérateurs alternatifs permettant à un opérateur tiers de se raccorder aux sites de France Télécom ne constitue pas à cet égard une pression concurrentielle suffisante sur la fixation du niveau des tarifs de France Télécom. En particulier, sur certains commutateurs, il est le seul opérateur capable de fournir un service de raccordement économiquement efficace. De même, pour un nouvel entrant, dont les volumes ne sont pas suffisants pour justifier l'économie d'un raccordement aux sites de France Télécom via un opérateur tiers, la concurrence que constituent les offres de ces opérateurs n'est pas suffisante.

Par ailleurs, la prestation de facturation pour compte de tiers pour les appels à destination des numéros spéciaux que France Télécom doit fournir est essentielle pour la viabilité économique des services spéciaux proposés par les fournisseurs de services.

L'Autorité, et au regard des mêmes objectifs que ceux poursuivis pour les prestations de départ d'appel, de terminaison d'appel et de transit inter territoires, impose donc à France Télécom l'obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts pour ces prestations associées.

Plus généralement, lorsqu'un contrôle tarifaire est imposé sur une prestation incluse dans un des marchés de gros définis dans la présente décision, l'Autorité impose à France Télécom le même contrôle tarifaire sur les autres prestations éventuelles qui lui sont associées.


IV-8.4. Contrôle des tarifs des prestations inscrites

à l'offre de référence service téléphonique


Compte tenu des discussions multilatérales en cours sur ce sujet, dont il a été précédemment fait état, l'Autorité précisera dans une décision ultérieure les conditions tarifaires dans lesquelles France Télécom devra fournir les prestations d'accès inscrites à cette offre.


IV-9. Obligations comptables


Les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts sont des remèdes distincts que peut imposer l'Autorité à un opérateur déclaré puissant sur un marché donné au terme des analyses de marché menées selon la procédure déclinée dans l'article 16 de la directive « cadre ».

L'article 11 de la directive « accès » prévoit que l'Autorité peut « imposer des obligations de séparation comptable en ce qui concerne certaines activités dans le domaine de l'interconnexion et/ou de l'accès », et ce dans l'objectif de contribuer à la vérification du respect des obligations de transparence et de non-discrimination. En particulier, l'Autorité peut « obliger une entreprise intégrée verticalement à rendre ses prix de gros et ses prix de transferts internes transparents, entre autres pour garantir le respect de l'obligation de non-discrimination prévue à l'article 10 ou, en cas de nécessité, pour empêcher des subventions croisées abusives ».

A ce titre, l'Autorité peut « spécifier le format et les méthodologies comptables à utiliser » et « exiger que les documents comptables, y compris les données concernant les recettes provenant de tiers, lui soient fournis si elle en fait la demande ».



L'obligation de comptabilisation des coûts est prévue par l'article 13 de la directive « accès », incluant également les obligations liées à la récupération des coûts, au contrôle des prix et à l'orientation des prix en fonction des coûts. L'objectif de l'imposition de ces obligations est d'éviter que l'opérateur concerné, « en l'absence de concurrence efficace, ne maintienne des prix à un niveau excessivement élevé, ou ne comprime les prix, au détriment des utilisateurs finals ».

L'article L. 38-I (5°) du code des postes et des communications électroniques précise que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des télécommunications électroniques peuvent se voir imposer, (...) [d'] isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ».

Le caractère intégré et le positionnement de France Télécom sur les marchés des communications électroniques peut se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros et de détail, qui peuvent être mis sous surveillance grâce notamment à l'imposition d'une obligation de séparation comptable.

L'obligation de séparation comptable est justifiée étant donné la nécessité de détecter l'apparition de comportements anticoncurrentiels (discrimination, couplages abusifs, tarifs excessifs, d'éviction), la nécessité pour les prix de refléter les coûts, l'exercice éventuel de l'Autorité de son pouvoir d'opposition sur les évolutions tarifaires de détail de France Télécom, et l'obligation d'encadrement tarifaire imposée à France Télécom.

Elle est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, et en particulier les 2°, 3° et 4°. Cette obligation constitue le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de subventions croisées et de pratiques de ciseau tarifaire destinées à évincer des concurrents.

Dans un souci de cohérence et d'homogénéité des obligations imposées à la suite des analyses de marché menées dans le nouveau cadre, cette obligation de séparation comptable sera précisée dans une décision ultérieure, conformément à l'article D. 312 du code des postes et des communications électroniques, et après consultation publique et notification à la Commission européenne.

A titre transitoire, et jusqu'à la publication de cette décision complémentaire, France Télécom demeure soumise au titre de la présente décision à l'ensemble des obligations relatives à la séparation comptable qui lui étaient imposées en vertu de l'article 18 du cahier des charges de France Télécom annexé au décret no 96-1225 du 27 décembre 1996, au chapitre XIII de l'annexe de l'arrêté du 12 mars 1998 susvisé et dans les décisions no 98-901 et no 2001-650 de l'Autorité.


IV-10. Observations des autorités réglementaires nationales

et de la Commission européenne


Les autorités réglementaires nationales des autres Etats membres de la Communauté européenne n'ont pas transmis d'observations à l'Autorité.

Dans ses observations sur l'analyse des marchés de gros de la téléphonie fixe menée par l'Autorité, la Commission considère que « la terminaison d'appel vers les numéros non géographiques ne peut pas être exclue en tant que telle de la définition de marché et devrait, en principe, faire l'objet d'une analyse de marché conformément à l'article 16 de la directive "cadre ».

En outre, elle souligne que « il ne peut être exclu que les appels vers des fournisseurs de services indépendants offrant des services de contenu soient soumis à des conditions de concurrence différentes en raison notamment des faibles coûts de migration et de la présence d'un possible pouvoir d'achat compensateur en leur faveur ».

L'Autorité rappelle que le marché de la terminaison d'appel géographique désigne le marché des prestations d'acheminement d'appels fournis par un opérateur de boucle locale à d'autres opérateurs afin de permettre à ces derniers d'établir, via l'interconnexion de leur réseau au réseau de cet OBL, des communications téléphoniques à destination des abonnés raccordés à cet OBL et désignés par un numéro contenant une information de localisation géographique.

En cela, par la disponibilité de cette information de localisation géographique pour l'opérateur acheteur de la prestation, le marché de la terminaison d'appels géographiques se distingue du marché de la terminaison d'appels non géographiques pour lequel l'appelé est cette fois caractérisé par une adresse réseau, dépourvue de signification géographique. Cette différence se traduit concrètement par des logiques d'interconnexion autres, dans la mesure où il n'est pas possible, dans le cas d'un appel à destination d'un numéro non géographique, de livrer l'appel au plus près de l'appelé, alors que ce serait en théorie plus efficace pour l'opérateur. Par voie de conséquence, les prestations de terminaison d'appels non géographiques sont échangées dans des conditions concurrentielles différentes.

L'Autorité réaffirme sa vigilance quant à l'évolution de ce marché et entamera une analyse spécifique de ce marché dans les mois à venir, dès lors que la taille desdits marchés permettra d'examiner, avec pertinence et un recul suffisant, les critères de puissance listés par la Commission européenne.

Concernant plus particulièrement le cas des fournisseurs de services indépendants offrant des services de contenu, l'Autorité vient d'entamer une analyse de marché spécifique, pour tenir compte du caractère particulier de ces communications et de leurs modes d'acheminement. En particulier, en France, c'est aujourd'hui au fournisseur de services qu'il incombe d'acheter une prestation de collecte au départ des réseaux sur lesquels il souhaite ouvrir son service, et non aux opérateurs de boucle locale d'acheter une prestation de terminaison d'appel vers le réseau qui le raccorde. Le marché de la terminaison d'appel à destination des services spéciaux n'existe pas, pour le moment, en France. Cette spécificité conduit à la nécessité de procéder à une analyse de marché spécifique.

Par ailleurs, dans ses observations sur l'analyse des marchés de détail de la téléphonie fixe, la Commission « considère qu'en présence d'obligations effectives au niveau de gros de l'accès et du départ d'appel, les marchés aval de détail pour l'accès et/ou les appels peuvent, avec le temps, devenir durablement concurrentiels avec pour conséquence que la régulation existante au détail pourrait être supprimée ».

Comme l'Autorité l'a précisé dans son projet de décision no 2005-0571 notifié, les obligations imposées au titre de l'analyse des marchés de gros de la téléphonie fixe ont effectivement, et notamment, pour objectif de conduire à terme à un allègement de la régulation sur les marchés de détail sous-jacents.

L'obligation imposée sur les marchés de gros de publier une offre technique et tarifaire de vente en gros de l'accès au service téléphonique poursuit précisément cet objectif. En effet, comme l'Autorité le précise également au paragraphe III-3, la mise en oeuvre effective et une industrialisation satisfaisante de cette obligation pourront conduire à un allègement des obligations portant sur les marchés de détail. Elles devraient permettre de favoriser un développement réel de la concurrence sur ces marchés, les opérateurs alternatifs obtenant la possibilité de concurrencer l'opérateur historique sur les marchés de l'accès au réseau téléphonique et d'accroître la pression concurrentielle sur le marché des communications.



Ainsi, afin d'atteindre cet objectif, l'Autorité partage l'avis de la Commission quant à la nécessité de mettre en oeuvre les obligations sur les marchés de gros « dans un délai le plus court possible ».

C'est dans cette perspective que l'Autorité a décidé, dès février 2005, et par anticipation au processus légal n'imposant cette obligation à France Télécom qu'à compter de la publication de la présente décision, de piloter un groupe de travail multilatéral pour discuter des modalités techniques de l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique qu'elle entendait imposer à France Télécom de proposer à l'issue du processus d'analyse des marchés. Cette initiative a notamment permis la publication par France Télécom, le 15 septembre 2005, d'une première offre de « vente en gros de l'abonnement », qui sera suivie d'une mise en oeuvre opérationnelle pour le 1er mars 2006. Les travaux se poursuivent actuellement pour permettre l'extension, en décembre 2005, de cette offre aux groupements de lignes analogiques, et aux accès de base RNIS isolés et groupés, en vue d'une commercialisation effective pour le 1er juillet 2006.

Cependant, l'Autorité rappelle que, spécifiquement dans le cadre de la mise en oeuvre d'obligations de gros, les mécanismes relèvent de processus complexes réclamant une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs du secteur et une coopération active de France Télécom. En particulier, concernant la création d'une nouvelle offre de gros, son industrialisation nécessite la résolution de nombreux problèmes techniques, juridiques et commerciaux.

L'Autorité confirme donc qu'elle observera avec vigilance les effets qu'aura la régulation qu'elle impose sur les marchés de gros sur le degré de concurrence des marchés de détail aval. Lorsqu'elle aura constaté que les offres de gros régulées permettront aux opérateurs alternatifs de bâtir des offres compétitives et commercialement innovantes à l'échelle nationale, l'Autorité procédera, comme elle l'avait déjà mentionné dans son projet de décision, à une revue du dispositif de régulation des marchés de détail de la téléphonie fixe.


V. - OBLIGATIONS SUR LES MARCHÉS DE DÉTAIL

DE LA TÉLÉPHONIE FIXE


Il est nécessaire d'imposer des obligations sur les marchés de détail (V-1). Ces obligations sont imposées seulement sur certaines prestations de ces marchés (V-2). Elles sont soit relatives à la proscription de certaines pratiques (V-3), soit relatives au contrôle de la proscription de ces pratiques (V-4).


V-1. Fondement des obligations imposées sur les marchés de détail


L'article L. 38-1-I du CPCE prévoit que les obligations qui peuvent être imposées à l'opérateur puissant remplissent les conditions suivantes :

- les obligations imposées en matière d'accès et d'interconnexion ne sont pas suffisantes pour répondre aux objectifs de la régulation prévus par l'article L. 32-1 précité ;

- elles sont justifiées et proportionnées à ces objectifs ;

- elles tiennent compte de la nature des obstacles à la concurrence identifiés lors de la seconde phase de l'analyse.


V-1.1. L'impact de la régulation des marchés de gros

sur la régulation des marchés de détail


La recommandation « marchés pertinents » de la Commission et l'article 17 de la directive « service universel » prévoient que des obligations peuvent être imposées à une entreprise puissante sur un marché de détail si les obligations imposées en conformité avec la directive « accès » et les dispositions relatives à la sélection du transporteur ne permettent pas de réaliser les objectifs poursuivis par la régulation, contrainte transposée par l'article L. 38-1 du CPCE.

Dans l'esprit du nouveau cadre européen et conformément au I de l'article L. 38-1, l'Autorité privilégie une régulation via les marchés de gros ; seul le caractère insuffisant ou le délai nécessaire à son efficacité peuvent conduire l'Autorité à envisager une régulation spécifique des marchés de détail pour atteindre l'objectif poursuivi.

Les principaux remèdes imposés sur les marchés de gros sont l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre, la mise en place d'une offre de référence couvrant les prestations d'interconnexion, la sélection du transporteur ainsi que la vente en gros de l'accès au service téléphonique.

Les conditions de concurrence constatées sur les marchés de gros maintiennent des possibilités que l'opérateur puissant pratique notamment des prix conduisant à un effet de ciseau tarifaire sur les marchés de détail, ou adopte des pratiques discriminatoires. Il paraît peu vraisemblable que les obligations imposées sur les marchés de gros conduisent à une situation de concurrence effective sur les marchés de détail au cours de la période couverte par l'analyse.

En effet, eu égard à la puissance de France Télécom sur chacun des marchés de détail, les remèdes imposés sur les marchés de gros ne permettront pas de favoriser à l'horizon de la présente analyse un développement effectif de la concurrence sur les marchés de détail. Ainsi, les obligations d'accès ou d'interconnexion imposées sur les marchés de gros, si elles peuvent permettre aux opérateurs alternatifs d'élaborer leurs propres offres commerciales au profit des utilisateurs, n'empêchent cependant pas l'opérateur historique d'adopter des pratiques qui annuleraient l'effet de ces obligations en pratiquant des tarifs de détail d'éviction ou en couplant des services qui ne pourraient être offerts par les opérateurs alternatifs.

Il existe ainsi encore à ce jour des risques réels de forclusion des marchés de détail par des pratiques limitées à ces seuls marchés, tout en respectant le cas échéant les obligations imposées sur les marchés de gros. Ces spécificités de la téléphonie fixe justifient une intervention ex ante du régulateur sur les marchés de détail concernés.



En outre, si les obligations imposées au titre de l'analyse des marchés de gros de la téléphonie fixe ont pour objectif à terme de lever les obstacles au développement d'une concurrence effective sur ces marchés et sur les marchés de détail sous-jacents, il convient de prendre en compte le délai de mise en oeuvre de ces obligations et le nécessaire décalage entre l'entrée en vigueur de ces obligations et leur impact réel sur les marchés. L'obligation imposée sur les marchés de gros de publier une offre technique et tarifaire de vente de service téléphonique en est la parfaite illustration. En effet, elle devrait permettre de favoriser un réel développement de la concurrence sur les marchés de détail, les opérateurs alternatifs obtenant la possibilité de concurrencer l'opérateur historique sur les marchés de l'accès et des communications et compléter ainsi les possibilités ouvertes par l'offre de dégroupage. Toutefois, il ne peut être contesté que l'introduction de cette nouvelle offre n'impactera effectivement les marchés de détail qu'à moyen terme. Il est donc nécessaire de veiller à ce que l'opérateur historique ne renforce encore plus sa position sur les marchés de détail dans l'intervalle.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'Autorité estime justifié d'imposer des obligations ex ante sur les marchés de détail de la téléphonie fixe jusqu'au 1er septembre 2008. Toutefois, si les obligations imposées sur les marchés de gros devaient influencer favorablement le développement de la concurrence sur ces marchés de détail dans un délai plus court, l'Autorité se devra, conformément au nouveau cadre, de revoir sa position et de modifier en conséquence les obligations imposées.


V-1.2. La nature des obstacles au développement

de la concurrence sur les marchés de détail


En vertu des articles L. 37-1 et L. 38-1 du CPCE, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante sur les marchés de détail doit tenir compte de « la nature des obstacles au développement d'une concurrence effective » identifiés lors de l'analyse.

La nature des obstacles au développement de la concurrence, telle qu'elle a été appréhendée dans la deuxième phase de l'analyse des marchés de détail de la téléphonie fixe, est caractérisée notamment par l'existence de barrières à l'entrée structurelles : infrastructures essentielles (boucle locale cuivre), importance des coûts fixes et donc des économies d'échelle et de gamme par exemple.

Du fait de sa puissance sur les marchés de détail, France Télécom est en mesure de mettre en oeuvre une politique commerciale visant à retarder le déploiement d'opérateurs concurrents en érigeant des barrières artificielles à l'entrée sur un marché, en pratiquant des couplages ou des discriminations abusives, des tarifs d'éviction, ou sur les segments de marchés les moins concurrentiels des tarifs excessifs. Les obligations retenues pour les marchés de détail poursuivent donc principalement l'objectif de permettre un développement de la concurrence en veillant en permanence à prévenir les possibles forclusions du marché.

La permanence du risque est notamment reflétée par le nombre stable d'avis tarifaires défavorables (60) publiés par l'Autorité entre 2002 et 2004, quand bien même le nombre de décisions tarifaires soumises à l'homologation stagnait puis reculait. Les risques que l'opérateur puissant adopte des comportements portant préjudice aux concurrents et aux consommateurs sont détaillés pour chaque obligation, afin de préciser en quoi elle est la plus apte à les traiter.


(60) 19 sur 118 en 2002, 21 sur 118 en 2003, 18 sur 99 en 2004.



V-2. Périmètre des obligations en termes de produits et services


Conformément à l'article 16 de la directive « cadre », et à l'article D. 303 du CPCE, l'Autorité doit imposer au moins une obligation à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché pertinent. Néanmoins, une obligation peut n'être imposée que sur une partie des prestations offertes par cet opérateur.

En l'espèce, il n'est pas à ce jour nécessaire d'imposer des obligations sur tous les segments des marchés pertinents de détail analysés. La définition du périmètre, en termes de produits et services, dans lequel les obligations sont prévues diffère selon que les offres sont commercialisées sur les marchés résidentiels ou qu'elles sont destinées aux professionnels.

Le cas échéant, si l'évolution des marchés le justifiait, l'Autorité, conformément à l'article D. 303 du CPCE, pourra élargir le périmètre d'imposition des obligations sans effectuer une nouvelle détermination des marchés pertinents.


V-2.1. Marchés résidentiels


Dans la partie I-2 ont été définis trois marchés pertinents de produits et services destinés à la clientèle résidentielle :

- le « marché de l'accès téléphonique résidentiel » ;

- le « marché des communications téléphoniques nationales résidentielles » ;

- le « marché des communications téléphoniques internationales résidentielles ».

S'agissant du marché de l'accès téléphonique résidentiel, il est nécessaire d'imposer des obligations à l'ensemble des prestations de France Télécom incluses dans le marché (cf. section suivante).

En revanche, s'agissant des deux marchés des communications, il n'est pas nécessaire à ce jour d'imposer des obligations sur les prestations de communications fournies par France Télécom qui ne sont pas associées à un accès inclus dans le marché pertinent de l'accès. En effet, ce segment de marché est associé au marché de l'accès haut débit à internet, marché en pleine croissance qui présente donc moins d'obstacles au développement de la concurrence, contrairement au marché de l'accès au réseau téléphonique, marché complètement mature sur lequel on observe une décroissance des volumes. Par ailleurs, la situation concurrentielle sur ces deux marchés de l'accès est des plus contrastées. Dans le cas des accès haut débit à internet, il existe une large gamme d'offres de gros qui permet l'entrée sur le marché de détail d'opérateurs concurrents de France Télécom : offre de dégroupage, de bitstream et d'interconnexion. Réciproquement, le marché de l'accès au RTP est encore très largement fermé à la concurrence ; le risque de voir France Télécom exercer un effet de levier de ce marché de l'accès en quasi-monopole vers le marché des communications est particulièrement fort.

Comme l'y invite la Commission dans sa réponse au projet notifié, et comme elle s'y est engagée dans ses publications précédentes, l'Autorité sera néanmoins très vigilante sur le segment de marché des communications associées à des accès multiservices ou non principalement téléphoniques et pourra le cas échéant reconsidérer sa décision de ne pas imposer d'obligation sur ce segment de marché. L'imposition ultérieure éventuelle d'obligations sur ce marché donnera lieu à consultation publique et notification à la Commission européenne et aux autres ARN.



V-2.2. Marchés professionnels


Dans la partie I-2 ont été définis trois marchés pertinents de produits et services destinés à la clientèle professionnelle :

- le « marché de l'accès téléphonique professionnel » ;

- le « marché des communications téléphoniques nationales professionnelles » ;

- le « marché des communications téléphoniques internationales professionnelles ».

S'agissant du marché de l'accès téléphonique professionnel, il est nécessaire d'imposer des obligations à l'ensemble des prestations de France Télécom incluses dans le marché.

S'agissant des deux marchés des communications, comme pour les marchés résidentiels, l'Autorité estime qu'il n'est pas nécessaire à ce jour d'imposer d'obligations sur les prestations de communications fournies par France Télécom qui ne sont pas associées à un accès inclus dans le marché pertinent de l'accès téléphonique professionnel.

En outre, s'agissant à la fois du marché de l'accès et des deux marchés des communications, l'obligation de communication préalable peut être remplacée par une obligation plus adaptée de fourniture d'information a posteriori pour les « grandes offres ».

Comme l'y invite la Commission dans sa réponse au projet notifié, et comme elle s'y est engagée dans ses publications précédentes, l'Autorité sera néanmoins très vigilante sur le segment de marché des communications associées à des accès multiservices ou non principalement téléphoniques et pourra, le cas échéant, reconsidérer sa décision de ne pas imposer d'obligation sur ce segment de marché. L'imposition ultérieure éventuelle d'obligations sur ce marché donnera lieu à consultation publique et notification à la Commission européenne et aux autres ARN.

Les conséquences des risques liés à la puissance de France Télécom et les obligations ex ante qui visent à les éviter sont détaillées ci-après. Les premières obligations répondent directement aux risques mentionnés, en proscrivant les pratiques correspondantes (V-3). Trois autres obligations ont une portée plus globale, en permettant de vérifier le respect des obligations proscrivant certaines pratiques (V-4).


V-3. Obligations relatives à la proscription de certaines pratiques


Parmi les obligations génériques détaillées précédemment, l'Autorité a choisi les obligations les plus à même de réaliser les objectifs de la régulation à l'horizon de l'analyse. Le principe, le périmètre et les modalités de chacune d'elles, ainsi que leur articulation, ont été étudiés pour garantir qu'elles tiennent compte de la nature des obstacles à la concurrence, et qu'elles sont proportionnées aux objectifs poursuivis.

Les 2° et 3° du I de l'article L. 38-1 du CPCE, dont les modalités d'application sont fixées par l'article D. 314, mentionnent plusieurs obligations relatives à la proscription a priori de certaines pratiques. Ces abus sont d'autant plus probables que les barrières à l'entrée sont élevées.

A l'issue de la présente analyse, il est prévu d'imposer à France Télécom certaines obligations, dont l'objectif est d'empêcher les pratiques suivantes :

- les pratiques discriminatoires (V-3.1) ;

- les couplages abusifs (V-3.2) ;

- les prix excessifs (V-3.3) ;

- les tarifs d'éviction (V-3.4).


V-3.1. Proscription des pratiques discriminatoires


L'article L. 38-1 (I, 1°) prévoit la possibilité d'imposer à l'opérateur puissant l'obligation de « fournir des prestations de détail dans des conditions non discriminatoires » ; l'article 17 de la directive « service universel » prévoit l'interdiction de « privilégier de manière abusive certains utilisateurs finals ».


V-3.1.1. Les pratiques discriminatoires


L'observation d'une discrimination peut porter notamment sur les prix, les délais de paiement, les conditions de vente ou les modalités de vente. Elle peut se manifester, par exemple, dans des rabais accordés par tranches successives, dont l'augmentation irrégulière favoriserait de fait une catégorie de clients ou un client (une entreprise), ou des seuils de rabais dont les montants seraient injustifiés (61).

Les pratiques discriminatoires, de même que les prix excessifs, relèvent de comportements facilement adoptés par les opérateurs établis, qui cherchent à maintenir leur puissance. Un opérateur puissant peut en effet chercher à proposer des offres plus avantageuses à certaines catégories d'utilisateurs qu'il identifie comme particulièrement rentables ou dont il est possible ou probable qu'ils sont susceptibles de choisir les offres d'opérateurs concurrents ; l'opérateur consentirait alors une réduction de sa marge sur une partie limitée de son offre.

Un tel risque est particulièrement important sur les marchés des communications fixes, où l'opérateur historique a détenu initialement une position de monopole sur le marché. Sa position sur le marché est menacée en premier lieu par les actions des concurrents qui ciblent les clients les plus rentables (notamment sur les marchés professionnels) et/ou les plus disponibles pour changer d'opérateur (tant sur les marchés professionnels que résidentiels). Un tel risque peut être illustré par le fait que, en 2004, 45 % des décisions tarifaires de France Télécom portaient sur l'évolution d'options tarifaires majoritairement concentrées sur la téléphonie fixe.



Il existe à cet égard un risque particulier que ces pratiques ne permettent à l'opérateur puissant de subventionner, par les profits qu'il dégage auprès d'une partie de ses clients, les avantages qu'il offre à d'autres. Ces pratiques lui permettraient de fidéliser des clients qu'il risque de perdre, ou de faire revenir des clients qui ont déjà choisi un autre opérateur, notamment grâce à la présélection. Elles peuvent être illustrées par l'effet de ciseau tarifaire de taux de bonification prévus pour des forfaits destinés aux petites entreprises en 2003 (62).

Une autre illustration de telles pratiques est fournie par le cas des communications vers les mobiles. Ces communications peuvent être facturées aux clients finals par le biais du tarif de base (le tarif appliqué par défaut), les options accordant des réductions tarifaires en contrepartie d'une souscription payante, et les forfaits comprenant un volume d'appels donné pour un montant fixe (au-delà de ce volume, la tarification peut être optionnelle ou de base).

Suite aux décisions de l'Autorité (63), la terminaison d'appel vers les opérateurs mobiles de métropole baissent chaque année depuis 2002, et celle vers les principaux opérateurs mobiles d'outre-mer depuis 2005 (64). A chaque baisse de terminaison d'appel, France Télécom était incité à répercuter sur le prix de ses communications « fixe vers mobile » cette baisse des coûts d'interconnexion (65).

Fin 2003 (66) et début 2004 (67), l'Autorité, tout en donnant un avis favorable pour ne pas retarder la baisse pour les consommateurs, a noté que France Télécom n'avait pas répercuté entièrement les baisses de terminaison d'appel sur les tarifs de base, tout en privilégiant les options tarifaires correspondantes.

En outre, en 2005, s'agissant des appels vers les mobiles d'outre-mer, France Télécom, dans son projet initial de décision tarifaire, avait envisagé de ne pas répercuter la baisse de terminaison d'appel pour les communications métropole - DOM des résidentiels. A la demande de l'Autorité, France Télécom a finalement modifié ses tarifs pour répercuter intégralement la baisse.


(61) Arrêt C-163/99 de la Cour de justice des Communautés européennes du 29 mars 2001 République portugaise/Commission. Décision no 2003-D-09 du Conseil de la concurrence en date du 14 février 2003 relative à la saisine de la société Tuxedo relative à des pratiques constatées sur le marché de la diffusion de la presse sur le domaine public aéroportuaire. (62) Avis no 2003-633 de l'Autorité du 15 mai 2003 sur la décision tarifaire de France Télécom no 2003-031 relative à la commercialisation de l'offre « Bonus temps » sur les forfaits Pro/PME. (63) Décision no 2001-458 du 11 mai 2001 portant adoption de lignes directrices relatives aux conditions tarifaires d'interconnexion des opérateurs mobiles puissants sur le marché national de l'interconnexion et décisions du 16 novembre 2001, no 2001-970 et no 2001-971 concernant respectivement Orange France et SFR. (64) Décisions no 2005-111 à no 2005-118 du 1er février 2005 portant analyse de marché de la terminaison d'appels vocale sur les réseaux mobiles d'outre-mer. (65) Article L. 34-1-1 du code des postes et des télécommunications. (66) Avis no 2003-1337 de l'Autorité du 18 décembre 2003 sur les décisions tarifaires de France Télécom no 2003-141 et no 2003-142 relatives à l'évolution des tarifs fixes vers les mobiles Orange France et SFR pour les clients des marchés résidentiels, professionnels et entreprises. (67) Avis no 2004-198 de l'Autorité du 19 février 2004 sur les décisions tarifaires de France Télécom no 2004-011 et no 2004-012 relatives à l'évolution des tarifs des communications fixes vers les mobiles Bouygues Telecom pour les clients des marchés résidentiels, professionnels et entreprises.



V-3.1.2. L'obligation de non-discrimination


Le risque de pratiques discriminatoires de France Télécom justifie l'obligation de les proscrire, sur les marchés pertinents de la téléphonie fixe de détail du territoire d'analyse ; cette obligation est nécessaire tant que les mesures prévues pour les opérateurs puissants sur les marchés de gros ne permettent pas de lever un tel risque. L'obligation de non-discrimination, à la lumière de l'article 17 de la directive « service universel », ne limite pas la possibilité pour France Télécom de différencier ses offres, si ces différences sont objectivement justifiées d'un point de vue technique, économique ou commercial et qu'elles n'affectent pas la concurrence ni les utilisateurs.

L'obligation de proscrire les pratiques discriminatoires est imposée jusqu'au 1er septembre 2008, sur les prestations incluses dans les marchés pertinents de l'accès résidentiels et professionnels, et sur les prestations des marchés pertinents des communications résidentielles et professionnelles, à l'exclusion des communications non associées à un accès inclus dans un marché pertinent de détail.

Eu égard aux obstacles à la concurrence démontrés ci-dessus sur les marchés de détail, et dans la mesure où les obligations imposées au titre de l'accès et de l'interconnexion ne permettraient pas le développement effectif de la concurrence sur ces mêmes marchés de détail, cette obligation est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 précité et en particulier aux objectifs définis par les 2° et 3°.

Par ailleurs, si la commercialisation de produits de téléphonie fixe par des filiales de France Télécom engendrait des problèmes concurrentiels non identifiés à ce jour, l'Autorité pourrait être amenée à préciser certains éléments de la présente décision ou à modifier certaines obligations.


V-3.2. Proscription des couplages abusifs


L'article L. 38-1-I (1°) du CPCE prévoit la possibilité d'imposer l'obligation de « ne pas coupler abusivement [les prestations] » ; l'article 17 de la directive « service universel » prévoit l'obligation de « ne pas groupe[r] [les] services de façon déraisonnable ».


V-3.2.1. Les couplages abusifs


Le lien de couplage entre deux offres peut être d'ordre tarifaire, contractuel ou technique ; il renvoie aux ventes liées désignant l'association d'une offre en monopole ou en quasi-monopole et d'une offre concurrentielle, avec un rabais sur la première. Un couplage n'est pas abusif en soi, il le devient s'il ne comporte aucune justification objective, s'il constitue un obstacle à la commercialisation d'offres concurrentes, et/ou s'il porte atteinte aux intérêts des clients.

Un couplage abusif peut conduire à limiter la demande dont peuvent bénéficier les concurrents, ou à augmenter le coût de l'entrée sur le marché, ce qui peut la rendre impossible.

Sur les marchés de détail de la téléphonie fixe, on peut actuellement identifier la vente liée de l'accès au réseau téléphonique public et des communications fixes qui y sont associées comme un couplage abusif.

Les communications VLB peuvent pour leur part être couplées avec un accès inclus dans les marchés pertinents de détail pour la clientèle résidentielle sans que ce couplage ne paraisse abusif a priori.


V-3.2.2. Le risque de couplages abusifs


La puissance de France Télécom sur les marchés de détail et sur les marchés de gros de la téléphonie fixe le place dans une position qui rend possible des couplages abusifs, soit tarifairement, soit contractuellement, soit techniquement. Il existe un risque particulier que l'opérateur puissant ne cherche, en liant deux produits appartenant à des marchés de détail différents, à tirer avantage de sa puissance sur l'un des marchés de détail pour restreindre, par effet de levier horizontal, la concurrence sur un autre marché de détail.

Il existe également un risque que l'opérateur puissant cherche, en couplant un service donné pour lequel il ne fournit pas d'offre de gros adaptée, à tirer avantage de sa puissance sur les marchés de gros pour restreindre, par effet de levier vertical, la concurrence sur les marchés de détail situés en aval (situation où une entreprise disposant d'une influence significative sur un marché de gros peut étendre son pouvoir de marché vers un autre marché de gros ou un marché de détail qui lui est lié). La régulation des marchés de gros permet de faire bénéficier les opérateurs concurrents d'une modification de l'offre disponible pour proposer à leur tour des offres couplées ; elle ne permet cependant pas de prévenir le risque de couplages abusifs.



Des pratiques de couplages abusifs ont pu être évitées dans le cadre de l'homologation des tarifs de France Télécom. En 2002, l'analyse concurrentielle de deux couplages consistant en une promotion réservée aux clients résidentiels d'une offre d'accès ADSL et d'une offre de téléphonie fixe avait montré qu'ils comportaient un déséquilibre réel pour le développement de la concurrence, car ils comprenaient l'abonnement à une offre d'accès à internet à haut débit sans que ce segment soit encore concurrentiel. Il s'agissait des couplages entre les forfaits « Les heures locales » et « Les heures France », d'une part, et l'offre « La Ligne ADSL. 512 », d'autre part (68).

Le couplage d'offres pour lesquelles il existe des concurrents détenant des parts de marché très inférieures à celles de France Télécom (ce qui reste le cas de la totalité des prestations fournies sur les marchés pertinents de détail de la téléphonie fixe) nécessite donc au cas par cas une analyse concurrentielle.


(68) Avis no 2002-729 de l'Autorité du 5 septembre 2002 sur les décisions tarifaires de France Télécom no 2002-111 et no 2002-117 relatives à des promotions pour des souscriptions conjointes aux offres ADSL 512 et aux forfaits « Heures locales » ou « Heures France ».



V-3.2.3. L'obligation de proscrire les couplages abusifs


Le risque que la puissance de France Télécom conduise à la pratique de couplages abusifs justifie l'imposition de l'obligation de proscrire de telles pratiques sur les marchés pertinents de la téléphonie fixe de détail du territoire d'analyse.

Le respect de l'obligation de fournir des prestations de détail sans les coupler abusivement repose sur les éléments suivants :

- le niveau de concurrence caractérisant chacune des offres réunies dans un couplage ;

- la disponibilité d'une offre de gros permettant à un opérateur concurrent de fournir une offre couplée similaire ;

- la capacité de l'opérateur puissant à proposer séparément les offres composant le couplage.

L'obligation de proscrire les couplages abusifs est imposée jusqu'au 1er septembre 2008, sur les prestations inclues dans les marchés pertinents de l'accès résidentiels et professionnels, et sur les prestations des marchés pertinents des communications résidentielles et professionnelles, à l'exclusion des communications non associées à un accès inclus dans un marché pertinent.

Elle est associée à la vérification de la disponibilité d'une offre de gros, à un tarif reflétant les coûts, qui permet à un concurrent de répliquer l'offre de détail couplée sur les marchés correspondants.

Enfin, eu égard aux obstacles à la concurrence démontrés ci-dessus sur les marchés de détail, et dans la mesure où les obligations imposées au titre de l'accès et de l'interconnexion ne permettraient pas le développement effectif de la concurrence sur ces mêmes marchés de détail, cette obligation est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 précité et en particulier aux objectifs définis par les 2° et 3°.

Par ailleurs, si la distribution ou la commercialisation des produits de détail de France Télécom par, ou à ses filiales engendrait des problèmes concurrentiels non identifiés à ce jour, l'Autorité pourrait être amenée à préciser certains éléments de la présente décision ou à modifier certaines obligations.


V-3.3. Proscription des prix excessifs


L'article L. 38-1 (I, 2°) du CPCE, comme l'article 17 de la directive « Service universel », prévoit qu'il est possible d'imposer à l'opérateur puissant l'obligation de « ne pas pratiquer de tarifs excessifs ».


V-3.3.1. Les prix excessifs


Une entreprise est réputée pratiquer des tarifs excessifs notamment lorsqu'elle utilise sa puissance de marché pour élever ses prix significativement au-dessus de ses coûts, ou des coûts d'un opérateur efficace. Les profits dégagés sont alors supérieurs à ce qui serait attendu sur un marché concurrentiel et permettent la constitution d'une rente pour l'opérateur puissant.


V-3.3.2. Le risque de prix excessifs


Le risque de prix excessif est particulièrement élevé sur les marchés de détail pour deux raisons principales :

France Télécom est en position de s'appuyer sur sa puissance sur les marchés de gros pour pratiquer des tarifs excessifs par effet de levier vertical ;

France Télécom est en mesure de pratiquer des prix excessifs sur les prestations qui ne sont pas, de fait, exposées à une pression concurrentielle.

L'accomplissement des missions du régulateur a conduit, dans le passé, à l'identification de projets de tarifs excessifs, dont la pratique a pu être évitée au cours de la procédure d'homologation tarifaire. Ainsi, lorsqu'elle s'est prononcée sur la hausse du tarif des abonnements temporaires (jusqu'à 140 % pour les abonnements de moins d'un mois), l'Autorité a estimé que les comptes présentés par France Télécom ne comportaient pas de données justificatives précises en termes de coûts et que les coûts encourus ne justifiaient pas le projet de hausse, même si les offres concernées gagnaient en cohérence et en compléments de service (69). Peu après, à l'occasion d'un projet de modification des frais de mise en service de l'offre Numéris, l'Autorité a également estimé que l'ampleur de leur hausse n'était pas justifiée par des éléments de coûts (70). Il en a été de même lors du projet de modification du prix de l'abonnement mensuel au contrat professionnel Numéris : sur la base des comptes présentés par France Télécom, les coûts encourus ne parvenaient pas à justifier une hausse pour cette catégorie de lignes (71).

Un tel risque peut être prévenu par l'obligation de ne pas pratiquer des prix excessifs, combinée à la vérification de la disponibilité d'une offre de gros à un tarif reflétant les coûts, permettant à un concurrent de répliquer l'offre de détail sur les marchés correspondants.

Le risque que France Télécom s'appuie sur sa puissance pour pratiquer des prix excessifs au détriment de certains consommateurs justifie l'imposition de l'obligation de les proscrire sur tous les marchés pertinents de la téléphonie fixe de détail du territoire d'analyse.


(69) Avis no 2003-348 de l'Autorité du 6 mars 2003 sur la décision tarifaire no 2002-202 de France Télécom relative à la modification de la tarification de l'abonnement téléphonique temporaire. (70) Avis no 2003-741 de l'Autorité du 24 juin 2003 sur la décision tarifaire no 2002-201 de France Télécom relative à la modification de la tarification des frais de mise en service de Numéris. (71) Avis no 2003-891 de l'Autorité du 22 juillet 2003 sur les décisions tarifaires de France Télécom no 2003-062, no 2003-063 et no 2003-070 relatives à la modification du prix mensuel des abonnements téléphoniques.



V-3.3.3. L'obligation de proscrire des tarifs excessifs


La proscription de tarifs excessifs permet de donner à l'opérateur puissant une marge de manoeuvre tarifaire tout en lui fixant une limite supérieure. Ce remède est donc adapté aux situations où un opérateur est puissant sur un marché, mais où l'incitation à l'investissement doit être maintenue pour ses concurrents. Cette mesure permet de préserver l'équilibre entre l'intérêt de court terme du consommateur, à savoir des prix raisonnables, et son intérêt de long terme, nécessitant le développement d'une concurrence par les infrastructures. Elle est conforme aux objectifs de la régulation repris dans l'article 17 de la directive « service universel » et dans l'article L. 32-1 du CPCE.

Trois méthodes principales sont disponibles afin de démontrer qu'un opérateur pratique des tarifs de détail excessifs :

- la mise en relation de ses tarifs et de ses coûts ;

- la comparaison avec d'autres tarifs proposés par le même opérateur ;

- la comparaison avec les tarifs d'autres opérateurs, éventuellement dans d'autres pays.

Sa nécessité est notamment dépendante de l'efficacité de l'introduction de la vente en gros de l'accès au service téléphonique ; si cette dernière entraînait une amélioration sensible de la concurrence sur les marchés de détail susceptibles de subir la pratique de prix excessifs par l'opérateur puissant, l'obligation de proscrire de tels tarifs pourrait être revue avant l'échéance du délai pour lequel elle est imposée, conformément aux dispositions de la directive « cadre », de la directive « service universel » et du CPCE.


V-3.4. Proscription des tarifs d'éviction

V-3.4.1. L'effet d'éviction


Le I (2°) de l'article L. 38-1 du CPCE prévoit qu'un opérateur puissant peut être soumis à l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction. Le deuxième paragraphe de l'article 17 de la directive « service universel » prévoit la possibilité d'imposer à un opérateur puissant l'obligation de ne pas porter atteinte à la concurrence par la fixation de prix d'éviction.

(i) Tarifs d'éviction :

Une prestation peut être considérée commercialisée à des tarifs d'éviction lorsqu'elle n'est pas réplicable économiquement (72) :

- par des concurrents aussi efficaces que l'opérateur puissant ;

« Lorsqu'un opérateur occupe une position dominante sur un marché de produits ou de services, l'amenuisement des marges bénéficiaires par une compression des prix constituerait un abus. La preuve d'une telle pratique pourrait être faite en démontrant que l'entreprise ne pourrait exercer des activités rentables en aval, en se fondant sur le prix que sa branche en amont applique à ses concurrents (73). »


P - A > C1


- par des concurrents raisonnablement efficaces ;

« La pratique peut être démontrée en prouvant que la marge entre la redevance d'accès que doivent payer tous les concurrents sur le marché aval et celle que l'opérateur de réseau applique sur ledit marché est insuffisante pour permettre à un prestataire de services raisonnablement efficace d'y réaliser un bénéfice normal (74). »


P - A > C1*


(ii) Clauses contractuelles :

Il est à noter que les clauses contractuelles peuvent dans certaines circonstances (durée d'abonnement, par exemple) être constitutives de tarifs d'éviction dans la mesure où elles limitent l'accès ou la présence des concurrents sur le marché. Les pratiques de forclusion peuvent notamment être pratiquées lorsqu'une entreprise peut faire jouer son effet « club » pour empêcher un concurrent de rentrer sur un segment de marché.


(72) L'opérateur puissant vend une prestation de détail au prix P. Celle-ci se décompose en deux prestations intermédiaires (1) et (2). Le coût de production de (1) est C1, et celui de (2) est C2. L'opérateur puissant vend à ses concurrents la prestation (2) au prix A. L'opérateur concurrent produit quant à lui la prestation intermédiaire (1) au coût C1*. (73) Commission européenne, communication relative à l'application des règles de concurrence aux accords d'accès dans le secteur des télécommunications, 1998. (74) Id.



V-3.4.2. Le risque de pratiques d'éviction


Les risques de tarifs d'éviction sont apparus notamment lorsque l'ouverture des marchés des communications à la concurrence a entraîné une concurrence par les prix, sur les marchés résidentiels et surtout sur les marchés professionnels. De tels risques sont d'autant plus élevés sur les marchés de détail que l'opérateur est simultanément puissant sur les marchés de gros.

Les concurrents d'un opérateur pratiquant des prix d'éviction sont victimes d'un effet de ciseau par lequel les coûts des prestations de gros sous-tendant la fourniture d'une prestation de détail sont trop élevés pour maintenir un espace économique viable ; ils sont alors expulsés du marché de détail, ou maintenus hors de ces marchés. De même, l'association de certaines conditions contractuelles à un tarif, ou la concession d'un tarif plus bas en compensation d'un engagement contractuel plus long, présentent des risques d'éviction des concurrents en limitant les possibilités de migration des abonnés. La régulation choisie pour prévenir une telle pratique sur les marchés de détail complète les mesures prises sur les marchés de gros.

La permanence du risque d'apparition de pratiques d'éviction est illustrée par leur identification récente. Ainsi en 2004, le projet d'introduction d'une offre « Bonus temps » dans les forfaits vers les mobiles, ou la vente en nombre de forfaits destinés aux petites entreprises, conduisaient à des niveaux tarifaires a priori incompatibles avec les coûts que supporterait un opérateur alternatif, jugé efficace, qui souhaiterait commercialiser des offres comparables en ayant recours aux services d'interconnexion de France Télécom (75). Il en était de même pour le projet initial de généralisation de l'offre « Appel à prix unique » en 2004, qui a été homologué après la prise en compte des réserves de l'Autorité par France Télécom (76). En 2003, dans le cadre d'un avis tarifaire relatif à des frais de mise en service pour l'offre Numeris, l'Autorité a craint que la forte hausse des tarifs ne conduise les clients à choisir de longues durées d'engagement dans le but de la limiter (77). La décision tarifaire incluait en effet la création d'un contrat à durée indéterminée, donnant droit à une réduction de 50 % sur les tarifs des frais de mise en service du contrat à période minimale de douze mois, moyennant un engagement du client dans la durée (36 mois). Des effets de ciseau tarifaire ont également été identifiés sur les marchés professionnels, notamment dans des projets d'offres « Atout RPV » en 2002 (78), avant que France Télécom procède à des adaptations écartant ces effets.



Un effet de ciseau tarifaire peut être induit par une condition contractuelle, comme l'a montré l'analyse publiée par l'Autorité à l'occasion de son avis tarifaire sur certaines options destinées aux entreprises ; l'effet de ciseau tarifaire de l'offre « Avantage volume local V3 » pouvait en effet être augmenté par la mise en oeuvre de certaines dispositions relatives au « Service garantie confiance » que France Télécom souhaitait proposer lors de la souscription à cette option (79).

Le risque que France Télécom pratique des tarifs d'éviction justifie l'imposition d'une obligation qui les proscrit sur les marchés pertinents de la téléphonie fixe de détail.


(75) Avis no 2004-408 de l'Autorité du 6 mai 2004 sur la décision tarifaire no 2004-025 relative à l'évolution tarifaire du « Forfait PRO/PME France et Mobiles » et à la création du « Bonus Temps » vers les mobiles du réseau métropolitain. Avis no 2004-593 de l'Autorité du 13 juillet 2004 sur la décision tarifaire no 2004-064 de France Télécom relative à la commercialisation de la vente en nombre de Forfaits Pro/PME. (76) Avis no 2004-305 de l'Autorité du 25 mars 2004 sur la décision tarifaire de France Télécom no 2004-014 relative à la généralisation de l'offre « Appel à prix unique ». (77) Avis no 2003-741 de l'Autorité du 24 juin 2003 sur la décision tarifaire no 2002-201 de France Télécom relative à la modification de la tarification des frais de mise en service de Numéris. (78) Avis no 2002-702 de l'Autorité du 3 septembre 2002 sur la décision tarifaire de France Télécom no 2002-071 relative à l'évolution des options tarifaires « Atout RPV Tarifs ». (79) Avis sur les décisions tarifaires no 2003-007 de France Télécom relative à la création de l'option « Avantage Proximité Plus 2 » et à l'arrêt de commercialisation de l'option « Avantage Proximité 2 » ; no 2003-009 relative à la création de l'option « Avantage Volume Local V3 » et à l'arrêt de commercialisation de l'option « Avantage Volume Local » ; no 2003-016 relative à l'arrêt de commercialisation des options tarifaires « Modulance Multisite proximité 300 », « Avantage Multisite Proximité 5000 », « Option réseau élargi 800 » et « Modulance Multisite National option 300 ».



V-3.4.3. L'obligation de proscrire des tarifs d'éviction


Dans la continuité des consultations menées par l'Autorité en 2004, l'obligation de proscrire des tarifs d'éviction est imposée jusqu'au 1er septembre 2008. Elle est imposée sur les marchés pertinents de l'accès résidentiels et professionnels et sur les marchés pertinents des communications associées à ces accès ; elle n'est pas imposée aux communications VLB.

L'article L. 38-1 du CPCE distingue l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction de celle de pratiquer des « tarifs reflétant les coûts correspondants ». Une obligation pour les tarifs de détail de refléter les coûts peut avoir pour effet de limiter, voire d'annihiler, tout espace économique dans lequel les concurrents pourraient se positionner pour fournir une offre similaire. Il est donc justifié au cas d'espèce de maintenir un tel espace en imposant une obligation de proscrire les tarifs d'éviction. Cette obligation permet de voir l'opérateur puissant fournir les prestations de détail à un niveau de prix supérieur à celui qu'entraînerait l'obligation de refléter les coûts ; elle prend donc en compte les obstacles à la concurrence relevés par l'analyse de marché et est proportionnée aux objectifs poursuivis par la régulation cités à l'article L. 32-1, et en particulier les objectifs définis au 2°.


V-4. Obligations relatives à la prévention

et à l'identification de pratiques proscrites


Le respect par France Télécom des obligations précédemment énumérées (non-discrimination, interdiction des couplages abusifs, interdiction des prix excessifs et interdiction des prix d'éviction), associé au respect des obligations imposées sur les marchés de gros sous-jacents, devrait permettre de remédier aux problèmes concurrentiels identifiés.

Néanmoins, au vu du comportement de France Télécom dans le passé, il est probable que la simple imposition des obligations mentionnées ne soit pas suffisante pour que l'opérateur les mette en oeuvre systématiquement. L'article L. 36-11 du CPCE donne à l'Autorité le pouvoir de sanctionner un opérateur pour un manquement aux obligations découlant du CPCE ou des décisions prises pour son application, et donc en particulier les obligations imposées par la présente décision. Cette procédure peut cependant s'avérer peu adaptée aux circonstances car elle nécessite que l'Autorité soit informée d'éventuels manquements commis ; cela induit pour l'Autorité une action décalée dans le temps par rapport au comportement litigieux. Afin que France Télécom ne puisse pas commercialiser des prestations qui ne répondent pas aux obligations qui lui sont imposées, il est nécessaire de lui imposer une communication préalable de ses tarifs de détail, sauf dans certaines circonstances où une transmission d'information a posteriori est suffisante (V-4.1).

En outre, la répercussion des baisses de terminaison d'appel mobile doit être immédiate et le pouvoir d'opposition de la procédure de communication préalable n'est pas adapté pour exiger de France Télécom une baisse des tarifs vers les mobiles. Il est donc nécessaire d'imposer à France Télécom un encadrement pluriannuel des tarifs de base des communications vers les mobiles (V-4.2).

Enfin, afin de disposer d'un référentiel de coût permanent permettant de s'assurer du respect par France Télécom de ses obligations, comme c'est le cas aujourd'hui, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à France Télécom une obligation de comptabilisation des coûts (V-4.3).


V-4.1. Communication des tarifs de détail

V-4.1.1. Régime juridique de la communication préalable des tarifs


France Télécom est soumis aujourd'hui à deux procédures de communication préalable des tarifs. Les tarifs des prestations du service universel qui ne sont pas soumis à un encadrement pluriannuel des tarifs doivent être communiqués préalablement à l'Autorité selon les dispositions des articles L. 35-2 et R. 20-30-11 du CPCE. Toutes les autres prestations comprises dans le champ de l'ancienne procédure d'homologation ministérielle prévue par le décret no 96-1225 susvisé continuent à être soumises à communication préalable tant que la présente décision n'est pas entrée en vigueur pour les seules prestations concernées par la présente décision, au titre de l'article 133 IV de la loi « communications électroniques » susvisée.

Les articles L. 38-1 (2°) et D. 315 du CPCE prévoient la possibilité d'imposer une nouvelle procédure de communication préalable des tarifs :


Article L. 38-1


« [L'Autorité peut] prévoir la communication des tarifs à l'Autorité de régulation des télécommunications préalablement à leur mise en oeuvre, dans la mesure où ces tarifs ne sont pas contrôlés en application de l'article L. 35-2 ; l'autorité peut s'opposer à la mise en oeuvre d'un tarif qui lui est communiqué en application du présent alinéa par une décision motivée explicitant les analyses, notamment économiques, qui sous-tendent son opposition ; »


Article D. 315


« Les opérateurs tenus de communiquer à l'Autorité de régulation des télécommunications les tarifs de certaines prestations de détail préalablement à leur mise en oeuvre, en application du 2° de l'article L. 38-1, transmettent les tarifs correspondants à l'Autorité au moins trois semaines avant leur mise en oeuvre.



« Ces tarifs sont accompagnés des éléments d'information permettant de les évaluer ainsi que des éléments de l'offre correspondante.

« L'Autorité de régulation des télécommunications peut s'opposer à la mise en oeuvre de ces tarifs par une décision motivée explicitant les analyses, notamment économiques, qui sous-tendent son opposition, notifiée à l'opérateur concerné dans un délai de trois semaines suivant la transmission du dossier complet et rendue publique. Ces analyses prennent en compte, en tant que de besoin, l'ensemble des obligations imposées à l'opérateur concerné en application de l'article L. 38-1. »

La nouvelle procédure prévue par le CPCE est beaucoup plus souple que la précédente puisque c'est la même entité, à savoir l'ARCEP, qui instruit et prend la décision, et qu'en outre elle n'est obligée de prendre une décision que pour s'opposer aux projets de l'opérateur puissant, ce qui permet de réduire le temps d'instruction. Enfin, alors que l'ancienne procédure conduisait à une forte transparence sur la politique tarifaire de l'opérateur puissant puisque tous les avis de l'Autorité étaient publics, le fait qu'il n'y ait plus un avis systématique pour chaque dossier présenté par France Télécom réduit cette transparence.


V-4.1.2. Nécessité d'un contrôle des obligations imposées


Comme cela a déjà été évoqué précédemment, la simple imposition de l'obligation de non-discrimination et des interdictions de couplages abusifs, de prix excessifs et de prix d'éviction n'est pas suffisante pour que ces obligations soient systématiquement mises en oeuvre par France Télécom. Au cours des quatre premiers mois de l'année 2005, une seule procédure a abouti à un avis défavorable partiel. En revanche, dans près de la moitié des dossiers transmis par l'opérateur puissant, France Télécom a modifié son projet durant l'instruction du dossier, l'Autorité ayant estimé que les évolutions initialement envisagées pouvaient conduire à une discrimination, à des prix excessifs ou à des prix d'éviction. En l'absence d'une procédure de communication préalable, il est probable que France Télécom commercialiserait des prestations qui pourraient ne pas respecter les obligations imposées par l'Autorité, et qu'il faudrait attendre l'issue d'une procédure de sanction pour que France Télécom retire ou modifie ces offres, au détriment des acteurs du secteur et des consommateurs. Il est donc nécessaire d'imposer une obligation de communication préalable.

Néanmoins, pour certaines « grandes offres » proposées aux grandes entreprises, la procédure de communication préalable ne semble pas adaptée. Les offres destinées aux grandes entreprises sont en effet caractérisées par leur sophistication, en réponse à des besoins complexes et de grande dimension (80). Les modalités et le rythme des négociations qui conduisent à la conclusion de tels contrats apparaissent peu compatibles avec la procédure d'homologation tarifaire. Il semble donc justifié d'imposer pour ces « grandes offres » une obligation moins contraignante pour l'opérateur. L'Autorité estime qu'une obligation de transmission systématique a posteriori des informations sur ces offres, combinée à la procédure de sanction, semble suffisante et permet de répondre à la nécessaire proportionnalité des remèdes.

L'Autorité estime donc que l'obligation de communication préalable des tarifs est nécessaire en raison des problèmes concurrentiels identifiés et qu'elle est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 du CPCE. Elle est imposée pour l'ensemble des prestations fournies par France Télécom et incluses dans les marchés pertinents de détail de la téléphonie fixe mais exclut les communications qui ne sont pas associées à un accès inclus dans un marché pertinent, ainsi que les prestations de « grandes offres ». Pour ces dernières, une obligation de transmission périodique a posteriori d'information est suffisante.


(80) Le cahier des charges de France Télécom, annexé au décret no 96-1225 susvisé, lui permettait de composer des offres sur mesure, justifiées par la nécessité, pour l'opérateur, de répondre à une spécificité technique ou commerciale non prévue dans ses offres publiques.



V-4.1.3. Modalités de l'obligation de communication préalable des tarifs


France Télécom, dès lors qu'elle crée ou modifie une prestation incluse dans le périmètre d'imposition de l'obligation, doit soumettre à communication préalable cette évolution, même s'il ne modifie pas le tarif mais seulement la prestation fournie ou la quantité commercialisée pour une offre à numerus clausus.

De même, si un tarif ou le contenu d'une prestation est indexé à une autre prestation, lorsque France Télécom soumet à communication préalable l'évolution de la seconde prestation, il doit aussi soumettre celle de la première. Ainsi, dans le cas d'une option tarifaire consistant à un pourcentage de réduction par rapport à un tarif de base, France Télécom, s'il souhaite faire évoluer le tarif de base, doit soumettre conjointement l'évolution du tarif de base et de l'option tarifaire. Cet élément permettra d'éviter que France Télécom propose des tarifs pouvant conduire à une éviction (81).

En pratique, l'Autorité prévoit de déterminer si une offre tarifaire donnera lieu à un examen détaillé par les services de l'Autorité dès sa réception. Cette décision sera prise sur la base d'un dossier incluant une description complète de l'offre : description des prestations, éléments contractuels et tarifaires, compte d'exploitation prévisionnel et éléments complémentaires nécessaires à la compréhension de l'offre. L'Autorité ne soumettra à une analyse détaillée que les évolutions tarifaires susceptibles d'avoir un impact particulièrement significatif sur la concurrence ou sur les utilisateurs finals. L'appréciation de la nécessité de procéder à une telle analyse dépend notamment de l'effet des obligations imposées sur les marchés de gros, notamment l'amélioration du processus d'industrialisation du dégroupage total et la mise en place d'un service de vente en gros de l'accès au service téléphonique.

Dans les cas où l'Autorité décidera de ne pas s'opposer à un projet tarifaire, l'Autorité s'attachera à le faire savoir à France Télécom dans les meilleurs délais.

Si un acteur du secteur estime qu'une offre est contraire aux obligations imposées à France Télécom après sa commercialisation, ou que cet opérateur fausse l'exercice d'une concurrence loyale, il pourra saisir l'Autorité sur la base d'une analyse motivée pour demander l'ouverture d'une procédure de sanction conformément à l'article L. 36-11 de CPCE, ou saisir le Conseil de la concurrence.

Les informations recueillies dans le cadre de l'obligation de communication préalable des tarifs constituent un préalable à l'utilisation des outils de régulation tels que les tests d'effet de ciseau tarifaire. Ce test doit être mené à chaque évolution tarifaire de l'offre d'un opérateur soumis à l'obligation de proscrire les tarifs d'éviction, afin de s'assurer qu'un opérateur alternatif suffisamment efficace sera en mesure de concurrencer la nouvelle offre à partir de son propre réseau ou d'une offre de gros de l'opérateur puissant. Le test est pratiqué sur les tarifs de base comme sur les forfaits, options ou promotions.


(81) Avis du 7 avril 2005 sur les décisions tarifaires de France Télécom no 2005-039 et 2005-049 relatives au prix des communications fixe vers mobile DOM pour les clients professionnels/entreprises.



V-4.1.4. Modalités de communication périodique des « grandes offres »


Au vu des informations dont elle dispose à ce jour, l'Autorité estime que les offres portant sur un montant annuel de chiffre d'affaires de plus de 500 000 euros peuvent ne pas faire l'objet d'une communication préalable des tarifs, mais seulement d'une transmission d'information a posteriori.



L'Autorité a demandé aux opérateurs, notamment lors des réunions du groupe « Fixe détail » du 9 mai et du 17 juin 2005, de fournir des informations quantitatives permettant d'établir le niveau de ce seuil de chiffre d'affaires. Sur la base des premières informations fournies par l'ensemble des opérateurs, et après avoir obtenu des informations plus précises de France Télécom, l'Autorité retient le niveau conventionnel de 500 000 euros.

Ce seuil est décrit à l'annexe B de la présente décision, qui pourra être revue par l'Autorité s'il apparaît que ce niveau est trop élevé (notamment en ne permettant pas à France Télécom des offres sur mesure là où cela serait nécessaire) ou au contraire trop faible (notamment en conduisant à France Télécom à utiliser de façon injustifiée cette possibilité de s'écarter des tarifs soumis à communication préalable).

France Télécom transmettra à l'Autorité deux types d'information sur les tarifs qui n'auront pas fait l'objet d'une communication préalable : chaque trimestre, une liste des nouveaux contrats conclus au cours du trimestre précédent, et, chaque année, un rapport sur certaines conditions des contrats en vigueur au cours de l'année civile précédente. Les modalités de transmission d'information sont décrites à l'annexe C. Cette procédure est peu contraignante pour l'opérateur puisqu'il ne s'agit que de transmettre régulièrement des informations constatées sur les prestations non soumises à communication préalable (dates de durée de validité du contrat, chiffre d'affaires, nombre de lignes et volumes de communication).

Au vu de ces informations, l'Autorité pourra être amenée à demander à l'opérateur puissant des informations plus précises si elle estime qu'il est susceptible de ne pas avoir respecté les obligations imposées dans la présente décision, dans le cadre des articles L. 32-4 ou L. 36-11 du CPCE.

L'annexe C pourra être revue par l'Autorité s'il apparaît que la périodicité ou les données demandées ne sont pas adaptées au contrôle du respect des obligations imposées dans la présente décision.

Par ailleurs, l'ancien cadre réglementaire prévoyait que France Télécom pouvait pratiquer des offres sur mesure si les conditions techniques ou commerciales de la demande le justifiaient ; l'opérateur devait alors transmettre les contrats concernés à l'Autorité avant leur signature. De telles conditions semblent très exceptionnelles puisque France Télécom n'a transmis à l'Autorité aucune offre de ce type depuis 2002. Néanmoins, l'Autorité estime utile de prévoir un tel cas et de permettre ainsi à France Télécom de répondre à des offres très spécifiques techniquement d'un montant inférieur au seuil précisé supra (le cas des conditions commerciales spécifiques n'est à prévoir que pour de grands contrats et est donc déjà traité par le dispositif de communication a posteriori d'éléments constatés au-delà du seuil). Pour les offres spécifiques techniquement, France Télécom devra fournir des informations selon les modalités prévues pour les contrats supérieurs au seuil et devra de plus, au plus tard un mois après leur mise en oeuvre, transmettre à l'autorité leurs conditions techniques et financières et préciser les raisons justifiant l'offre sur mesure, afin que l'Autorité soit en mesure de vérifier l'application du principe de non-discrimination.


V-4.2. Encadrement pluriannuel des tarifs

des communications vers les mobiles


L'article L. 38-1-I (2°) du CPCE prévoit la possibilité d'imposer à un opérateur puissant de « respecter un encadrement pluriannuel des tarifs défini par l'Autorité de régulation des télécommunications ».

Il a été évoqué précédemment le fait que France Télécom dans le passé avait répercuté les baisses de terminaison d'appel mobile de façon incomplète ou avec retard. En l'absence de régulation spécifique, il est probable que France Télécom continuerait cette pratique et contreviendrait ainsi à ses obligations de non-discrimination et de ne pas pratiquer des tarifs excessifs. En effet, l'obligation de communication préalable n'est pas suffisante pour limiter ces risques dans le cas où un tarif de détail devrait baisser, puisque le seul pouvoir de l'Autorité est de s'opposer à une évolution tarifaire. La procédure de communication préalable ne permet donc pas de contraindre France Télécom à abaisser un tarif et de se conformer ainsi à ses obligations.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 240 du 14/10/2005 texte numéro 91





Ce problème est limité aux tarifs de base des communications vers les mobiles, puisque les prix des options tarifaires sont en général plus faibles que les tarifs de base.

Il est donc nécessaire d'imposer à France Télécom un encadrement pluriannuel des tarifs de base des communications vers les mobiles. Cette obligation est proportionnée aux objectifs de régulation définis à l'article L. 32-1 du CPCE, en particulier à ceux du 2°.

Une décision ultérieure de l'Autorité précisera les modalités de cet encadrement pluriannuel.


V-4.3. Comptabilisation des coûts


Une comptabilisation spécifique des coûts est nécessaire pour vérifier le respect de la non-discrimination, et de l'interdiction des couplages abusifs, des prix excessifs et des prix d'éviction. En effet, la comptabilité générale d'un opérateur n'est pas à même de fournir les éléments suffisants, vu la complexité des retraitements nécessaires, en termes notamment de rémunération du capital, de distinction des éléments de réseau et des fonctionnalités.



Dans l'ancien cadre, le cahier des charges de France Télécom, annexé au décret no 96-1225 susvisé, prévoyait par son article 18 la comptabilisation des coûts de ses services et activités, et notamment la nécessité d'allouer les coûts communs et de valoriser les coûts de réseaux.

En application du quatrième paragraphe de l'article 17 de la directive « service universel », le régulateur doit veiller à la mise en oeuvre de systèmes de comptabilité des coûts par tout opérateur puissant soumis à une obligation tarifaire sur un marché de détail. L'article L. 38-1-I du CPCE, par son 3°, dispose que la comptabilisation des coûts est un outil de vérification du respect des obligations qui peuvent être imposées à un opérateur puissant sur les marchés de détail. Ses conditions d'application sont définies à l'article D. 314, qui renvoie à l'article D. 312 concernant les obligations de séparation comptable pouvant être imposées aux opérateurs puissants sur les marchés de gros.

De même que la communication préalable des tarifs, cette obligation contribue à une information adaptée du régulateur pour l'exercice de ses missions. La comptabilisation des coûts concerne l'ensemble des informations comptables qui, selon leur origine et leur contenu, sont adaptées pour l'identification des pratiques proscrites : discrimination, couplage abusif, tarif d'éviction, tarif excessif ou rétention excessive.


V-4.3.1. L'obligation de comptabilisation des coûts


L'obligation de comptabilisation des coûts est imposée jusqu'au 1er septembre 2008. Elle est justifiée par la nécessité de vérifier le respect des obligations imposées à l'opérateur puissant. Sa proportion avec les objectifs poursuivis réside dans la définition et la précision des informations contenues dans le système de comptabilisation des coûts, chacune contribuant à la vérification du respect d'au moins une obligation relative à l'interdiction de certaines pratiques. Elle s'impose aux prestations des marchés pertinents de l'accès résidentiels et professionnels, et aux communications établies depuis ces accès.

Dans un souci de cohérence et d'homogénéité des obligations imposées à la suite des analyses de marché menées dans le nouveau cadre, cette obligation de comptabilisation, comme celle de séparation comptable imposée sur les marchés de gros, sera précisée dans une décision ultérieure, conformément à l'article D. 312 du CPCE, après consultation publique et notification à la Commission européenne et aux autres ARN européennes.

A titre transitoire, et jusqu'à la publication de cette décision complémentaire, France Télécom est soumise, au titre de la présente décision, à l'ensemble des obligations relatives à la séparation comptable qui lui étaient imposées en vertu de l'article 18 du cahier des charges de France Télécom annexé au décret no 96-1225 du 27 décembre 1996, au chapitre XIII de l'annexe de l'arrêté du 12 mars 1998 susvisé et dans les décisions no 98-901 et no 2001-650 de l'Autorité.


V-5. Observations des autorités réglementaires nationales

et de la Commission européenne


Les autorités réglementaires nationales n'ont pas transmis d'observations à l'Autorité.

Dans son courrier à l'ARCEP, en réponse au projet de décision notifié, la Commission « invite » l'Autorité à « s'engager à réviser la présente analyse (...) à tout le moins dans un délai plus court que la révision proposée pour 2008 » (82). Comme indiqué dans la section IV-10, l'Autorité est résolue à anticiper l'examen des remèdes imposés sur les marchés de détail si l'évolution de la situation concurrentielle des marchés de gros le justifie.


(82) Cas FR/2005/0221 A 226 : marchés des services de détail des accès bande étroite et appels fixes. Observations conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 2002/21 /EC.



En revanche, l'Autorité estime que l'évolution de la situation concurrentielle sur les marchés de gros n'est pas de nature à remettre en cause l'influence significative de France Télécom sur les marchés de détail dans les trois ans à venir.

La présente décision porte donc sur la période qui s'étend de la publication de la décision au Journal officiel au 1er septembre 2008,



Décide :


Article 1


Dans le cadre de l'analyse des marchés de la téléphonie fixe, sont utilisées les définitions suivantes :

1. Territoire d'analyse. On entend par « territoire d'analyse » le territoire métropolitain, les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.

2. Réseau téléphonique public. On entend par « réseau téléphonique public » l'ensemble des réseaux de communications électroniques utilisés pour fournir le service téléphonique au public défini par le 7 de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques.

3. Poste fixe. On entend par « poste fixe » tout équipement terminal, connecté à un point de terminaison d'un réseau ouvert au public en position déterminée, et permettant d'accéder au service téléphonique, à l'exclusion des publiphones.

4. Communications téléphoniques interpersonnelles. On entend par « communications téléphoniques interpersonnelles » toute communication téléphonique dont l'opérateur maîtrise la qualité de service, et dont la tarification reflète l'absence de prestation d'un service à valeur ajoutée.

5. Services associés à l'accès. On entend par « services associés à l'accès » les fonctionnalités complémentaires à la fourniture d'un accès qui sont mises à la disposition des utilisateurs d'un poste fixe pour gérer leurs communications. Elles comprennent notamment le signal d'appel, l'affichage du numéro ou du nom des appelants, le renvoi d'appels, le rappel du dernier appelant, la restriction de la présentation du numéro, le double appel, la conférence téléphonique, la messagerie vocale, le répertoire téléphonique, le suivi de consommation, la restriction d'appels, la sélection directe à l'arrivée.

6. Clientèle résidentielle. La « clientèle résidentielle » est composée des ménages, personnes physiques, entreprises individuelles et professions libérales.

7. Clientèle professionnelle. On entend par « clientèle professionnelle » la clientèle qui n'est pas résidentielle.

8. Couplage. On entend par « couplage » le lien technique, contractuel ou tarifaire qui peut être établi entre plusieurs prestations.

9. Tarifs de base des communications téléphoniques associés à un accès au réseau téléphonique. On entend par « tarifs de base des communications téléphoniques associées à un accès au réseau téléphonique » l'offre tarifaire de communications téléphoniques associée par défaut à une prestation d'accès au réseau téléphonique.

10. Prestation de départ d'appel. On entend par « prestation de départ d'appel » une prestation nécessaire à l'acheminement d'un appel bande étroite au départ d'une ligne du réseau téléphonique public, depuis le point de terminaison du réseau jusqu'au premier équipement de commutation traversé et sur lequel il est raisonnable de proposer une interconnexion ou jusqu'à un équipement de routage pertinent pour l'interconnexion.

11. Prestation de terminaison d'appel. On entend par « prestation de terminaison d'appel » une prestation nécessaire à l'acheminement d'un appel bande étroite depuis le dernier élément de commutation traversé sur lequel il est raisonnable de proposer l'interconnexion, ou depuis l'équipement de routage pertinent pour l'interconnexion, jusqu'au point de terminaison du réseau chez l'utilisateur final.

12. Prestation de transit. On entend par « prestation de transit » une prestation nécessaire à l'acheminement d'appels bande étroite entre deux points d'interconnexion.

13. Prestation de transit intra territorial. On entend par « une prestation de transit intra territorial » une prestation de transit entièrement fournie au sein d'un des territoires suivants : le territoire métropolitain, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte.

14. Prestation de transit inter territoires. On entend par « prestation de transit inter territoires » une prestation de transit fournie entre deux des territoires suivants : le territoire métropolitain, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon.


Définition des marchés pertinents

Définition des marchés pertinents de détail

Définition des marchés pertinents de détail de l'accès


Article 2


Est déclaré pertinent le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle résidentielle. Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle résidentielle principalement pour accéder au réseau téléphonique public.

Article 3


Est déclaré pertinent le marché de détail de l'accès au réseau téléphonique public depuis un poste fixe du territoire d'analyse, permettant d'émettre et/ou de recevoir des communications téléphoniques et d'utiliser les services associés à l'accès, pour la clientèle professionnelle. Ce marché est constitué des produits d'accès utilisés par la clientèle professionnelle principalement pour accéder au réseau téléphonique public ; en particulier, il inclut les prestations spécifiques donnant principalement accès au réseau téléphonique public, contenues dans les offres de services de capacité destinées aux clients professionnels.


Définition des marchés pertinents de détail

des communications téléphoniques


Article 4


Est déclaré pertinent le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile du territoire national, pour la clientèle résidentielle.

Article 5


Est déclaré pertinent le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou terminal mobile extérieur au territoire national, pour la clientèle résidentielle.

Article 6


Est déclaré pertinent le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile du territoire national, pour la clientèle professionnelle.


Article 7


Est déclaré pertinent le marché de détail des communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe du territoire d'analyse vers un poste fixe ou un terminal mobile extérieur au territoire national, pour la clientèle professionnelle.


Définition des marchés pertinents de gros


Article 8


Est déclaré pertinent le marché de gros des prestations de départ d'appel fournies sur des accès en position déterminée, sur le territoire d'analyse.

Article 9


Est déclaré pertinent le marché de gros des prestations de transit intra territorial.

Article 10


Sont déclarés pertinents les marchés de gros des prestations de transit inter territoires suivants :

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Martinique ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Guadeloupe ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Guyane ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et la Réunion ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et Mayotte ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la métropole et le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Guadeloupe et la Martinique ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Guadeloupe et la Guyane ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Martinique et la Guyane ;

- le marché de gros des prestations de transit inter territoires entre la Réunion et Mayotte.

Article 11


Est déclaré pertinent le marché de gros de la terminaison des appels à destination de numéros géographiques sur le réseau de France Télécom.


Durée de validité


Article 12


Les marchés recensés aux articles 2 à 11 sont déclarés pertinents à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et jusqu'au 1er septembre 2008, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé de la liste des marchés pertinents, conformément aux dispositions de l'article D. 301 du code des postes et des communications électroniques.


Existence d'un opérateur exerçant une influence significative

Désignation de l'opérateur exerçant une influence significative

sur les marchés pertinents de détail


Article 13


La société France Télécom est réputée exercer une influence significative sur les marchés de détail définis aux articles 2 à 7.


Désignation de l'opérateur exerçant une influence significative

sur les marchés pertinents de gros


Article 14


La société France Télécom est réputée exercer une influence significative sur les marchés de gros définis aux articles 8 à 11.


Durée de validité


Article 15


Les articles 13 et 14 s'appliquent à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et jusqu'au 1er septembre 2008, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé, conformément aux dispositions l'article D. 302 du code des postes et des communications électroniques.


Obligations imposées à l'opérateur puissant sur les marchés

de détail et de gros

Obligations imposées sur les marchés de gros

Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès


Article 16


France Télécom est tenue de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés et relatives aux prestations des marchés pertinents définis aux articles 8 à 11 ou nécessaires à l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale sur les marchés définis aux articles 2 à 7.

A ce titre, lorsque la demande est raisonnable et relative aux prestations des marchés pertinents définis aux articles 8 à 11, ou aux prestations qui leur sont associées, France Télécom est notamment tenue :

- de négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent un accès ;

- de ne pas retirer à un opérateur un accès déjà accordé, sauf accord préalable de l'Autorité ou de l'opérateur tiers concerné ;

- d'offrir des services particuliers en gros en vue de leur revente à des tiers ;

- d'accorder un accès ouvert aux interfaces techniques, protocoles ou autres technologies clés qui revêtent une importance essentielle pour l'interopérabilité des services ou des services de réseaux virtuels ;

- de fournir une possibilité de colocalisation ou d'autres formes de partage des moyens, y compris le partage des gaines, des bâtiments ou des pylônes ;

- de fournir les services spécifiques nécessaires pour garantir aux utilisateurs l'interopérabilité des services de bout en bout, notamment en ce qui concerne les moyens destinés aux services de réseaux intelligents ;

- de fournir l'accès à des systèmes d'assistance opérationnelle ou à des systèmes logiciels similaires, nécessaires pour garantir l'existence d'une concurrence loyale dans la fourniture des services.

Tout refus de France Télécom de fournir ces prestations doit être dûment motivé.



Les conditions techniques et tarifaires des prestations d'accès fournies par France Télécom doivent être suffisamment détaillées pour faire apparaître les divers éléments propres à répondre à la demande. En particulier, la fourniture d'une prestation d'accès ne doit pas être subordonnée à la fourniture de services, de moyens ou de toute autre ressource, qui ne seraient pas nécessaires à la fourniture de cette prestation.

France Télécom devra s'engager, sur les prestations de raccordement physique et logique à son réseau, sur un niveau satisfaisant de qualité de service et proposer un mécanisme incitatif à son respect.

France Télécom doit maintenir les offres d'accès qu'elle fournit actuellement telles que décrites en annexe A de la présente décision. Ces offres comprennent notamment des offres de départ d'appel, de terminaisons d'appel, de transit et d'accès à des prestations associées telles que notamment des prestations de raccordement aux sites et de facturation pour compte de tiers.


Obligation de non-discrimination


Article 17


France Télécom doit fournir l'ensemble des prestations d'accès relatives aux marchés pertinents définis aux articles 8 à 11, y compris les prestations qui leur sont associées, dans des conditions non discriminatoires.


Obligation de transparence


Article 18


France Télécom est soumise à une obligation de transparence sur l'ensemble des prestations d'accès relatives aux marchés pertinents définis aux articles 8 à 11, y compris sur les prestations qui leur sont associées.

A ce titre, l'opérateur informe l'Autorité notamment de la signature de toute nouvelle convention d'accès et d'interconnexion pour laquelle il est partie, ou de tout avenant à une telle convention, dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.

France Télécom devra notamment communiquer aux opérateurs ayant signé avec elle une convention d'accès et d'interconnexion ou négociant avec elle la signature d'une telle convention des informations sur les caractéristiques de son réseau. Les modalités de publication de ces informations et le niveau de détail requis pourront être précisés par une décision ultérieure de l'Autorité.

France Télécom devra notamment informer, dans un délai de préavis raisonnable, les opérateurs bénéficiant d'une prestation d'interconnexion à son réseau et l'Autorité :

- des évolutions des conditions techniques et tarifaires de ses prestations d'interconnexion ;

- des évolutions d'architecture de son réseau, en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations d'interconnexion à modifier ou adapter leurs propres installations.


Indicateurs de qualité de service


Article 19


Au titre des obligations de transparence et de non-discrimination, France Télécom doit mesurer et publier un ensemble d'indicateurs de qualité de service relatifs aux marchés pertinents définis aux articles 8 à 11.

Cette obligation pourra être précisée ultérieurement par l'Autorité.


Sélection et présélection du transporteur


Article 20


France Télécom est tenue de fournir à tout opérateur qui en fait la demande les prestations d'accès et d'interconnexion nécessaires pour que ses abonnés puissent, à un tarif raisonnable, présélectionner le service téléphonique au public de cet opérateur et écarter, appel par appel, tout choix de présélection en composant un préfixe court.

France Télécom fournira ces prestations dans des conditions transparentes et non discriminatoires, et à des tarifs reflétant les coûts correspondants.

Les modalités de cette obligation seront définies par une décision ultérieure de l'ARCEP, en application de l'article D. 313 du code des postes et des communications électroniques. De manière transitoire, France Télécom fournira ces prestations dans les conditions prévues dans les décisions no 97-345, no 99-490, no 99-1077 et no 2001-691 de l'Autorité susvisées.


Offre de référence « Interconnexion et sélection du transporteur »


Article 21


France Télécom doit publier, au plus tard un mois après que la présente décision lui eut été notifiée, une offre technique et tarifaire d'accès et d'interconnexion, détaillée selon les modalités définies en annexe A. Cette offre devra notamment inclure un engagement de niveau de qualité de service et un mécanisme incitatif à son respect.

L'offre technique et tarifaire d'interconnexion approuvée par la décision no 2004-1000 de l'Autorité susvisée reste en vigueur, concernant les prestations couvertes par la présente décision, jusqu'à l'entrée en application, dans les conditions prévues à l'annexe susmentionnée, des dispositions de l'offre technique et tarifaire d'accès et d'interconnexion mentionnée au premier alinéa.


Offre de référence « Service téléphonique »


Article 22


France Télécom est tenue de fournir à tout opérateur qui en fait la demande les prestations d'accès et d'interconnexion nécessaires pour que les utilisateurs raccordés à son réseau puissent souscrire aux offres de service téléphonique au public de cet opérateur, sur des accès analogiques (lignes isolées ou groupements de lignes) ou des accès numériques (accès de base ou groupements d'accès de base) à la norme RNIS. L'opérateur devra pouvoir proposer une offre incluant l'acheminement des communications et les prestations de raccordement et d'accès au réseau téléphonique public.

France Télécom fournira ces prestations dans des conditions transparentes et non discriminatoires.

France Télécom devra publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès détaillant les modalités techniques et tarifaires dans lesquelles elle fournit ces prestations. Cette offre devra notamment inclure un engagement de niveau de qualité de service et un mécanisme incitatif à son respect.

Une décision ultérieure de l'Autorité précisera les conditions techniques et tarifaires de mise en oeuvre de cette offre.



Contrôle des tarifs


Article 23


France Télécom devra pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants sur l'ensemble des prestations relatives aux marchés pertinents définis aux articles 8, 10 et 11, qui sont inscrites à l'offre technique et tarifaire mentionnée à l'article 21.

France Télécom ne devra pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction pour l'ensemble des prestations relatives au marché pertinent défini à l'article 9, y compris pour les prestations qui leur sont associées.

Toutefois, à titre transitoire jusqu'au 31 décembre 2006, France Télécom devra pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants sur les prestations, incluses dans le marché défini à l'article 9, d'acheminement de trafic entre un commutateur de raccordement d'abonnés et le commutateur de hiérarchie supérieur auquel il est directement rattaché, y compris pour les prestations qui leur sont associées, sous réserve du respect du deuxième alinéa du présent article .

France Télécom devra également pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants sur l'ensemble des prestations d'acheminement de trafic au départ et à destination des réseaux alternatifs incluses dans le marché défini à l'article 9 et inscrites à l'offre technique et tarifaire mentionnée à l'article 21, ainsi que pour les prestations d'interconnexion forfaitaire pour l'internet incluses dans les marchés définis aux articles 8 et 9, sous réserve du respect du deuxième alinéa du présent article .

L'obligation de reflet des coûts est également imposée sur les prestations associées aux prestations visées aux alinéas 1 et 4 de cet article , sous réserve du respect du deuxième alinéa du présent article . France Télécom devra notamment pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants sur les prestations de raccordement à l'ensemble de ses sites d'interconnexion ainsi que sur les prestations de facturation pour compte de tiers mentionnées en annexe A.

La méthodologie actuelle de valorisation des coûts pour l'interconnexion, y compris les prestations qui leur sont associées, telle que notamment développée dans la décision no 2002-1027 susvisée, est maintenue sans préjudice de décisions ultérieures de l'Autorité qui pourront modifier ou préciser les modalités de mise en oeuvre de cette obligation.


Obligations comptables


Article 24


France Télécom est soumise à une obligation de séparation comptable et à une obligation relative à la comptabilisation des coûts de l'ensemble des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux marchés pertinents définis aux articles 8 à 11.

Les modalités de cette obligation seront définies par une décision ultérieure de l'Autorité. De manière transitoire, France Télécom transmet à l'ARCEP les données comptables selon les règles préexistant à la présente décision et selon les formats définis à l'article 18 du cahier des charges de France Télécom annexé au décret no 96-1225 du 27 décembre 1996, au chapitre XIII de l'annexe de l'arrêté du 12 mars 1998 susvisé et dans les décisions no 98-901 et no 2001-650 de l'Autorité.


Obligations imposées sur les marchés de détail

Obligations relatives à la proscription de certaines pratiques


Article 25


France Télécom fournit dans des conditions non discriminatoires les prestations d'accès incluses dans les marchés définis aux articles 2 et 3, ainsi que les prestations de communications téléphoniques incluses dans les marchés définis aux articles 4 à 7 qui y sont associées.

Article 26


France Télécom est tenue de ne pas pratiquer de couplages abusifs entre une prestation appartenant à l'un des marchés définis aux articles 2 et 3, ou une prestation de communication téléphonique incluse dans les marchés définis aux articles 4 à 7 qui y sont associées, et une autre prestation.

Article 27


France Télécom est tenue de ne pas pratiquer de prix excessifs pour les prestations d'accès incluses dans les marchés définis aux articles 2 et 3, ainsi que pour les prestations de communications téléphoniques incluses dans les marchés définis aux articles 4 à 7 qui y sont associées.

Article 28


France Télécom est tenue de ne pas pratiquer de tarifs d'éviction pour les prestations d'accès incluses dans les marchés définis aux articles 2 et 3, ainsi que les prestations de communications téléphoniques incluses dans les marchés définis aux articles 4 à 7 qui y sont associées.


Obligations relatives à la prévention et à l'identification

de pratiques proscrites


Article 29


France Télécom communique à l'Autorité, préalablement à leur mise en oeuvre, les tarifs des offres d'accès incluses dans les marchés définis aux articles 2 et 3, et les tarifs des offres de communications téléphoniques incluses dans les marchés définis aux articles 4 à 7 qui y sont associées, dans la mesure où ces tarifs ne sont pas contrôlés en application de l'article L. 35-2 du code des postes et des communications électroniques.

L'obligation de communication préalable s'applique à toute création ou modification de l'une des prestations citées à l'alinéa précédent.

Lorsqu'un contrat entre France Télécom et l'un de ses clients remplit les conditions définies à l'annexe B, France Télécom peut ne pas communiquer, préalablement à sa mise en oeuvre, les tarifs correspondants. L'opérateur doit alors fournir à l'Autorité des informations sur ce contrat, postérieurement à sa mise en oeuvre, selon les modalités définies dans l'annexe C.

Article 30


France Télécom respecte un encadrement pluriannuel des tarifs de base des communications téléphoniques interpersonnelles vers les clients des opérateurs mobiles nationaux incluses dans les marchés définis aux articles 4 et 6 et associées à une prestation d'accès incluse dans les marchés définis aux articles 2 et 3.

Une décision ultérieure de l'ARCEP précisera les modalités d'application de cette obligation.

Article 31


France Télécom est soumise à une obligation de comptabilisation des coûts des prestations fournies sur les marchés définis aux articles 2 et 3 et des prestations des marchés définis aux articles 4 à 7 qui y sont associées.



Les modalités de cette obligation seront définies par une décision ultérieure de l'ARCEP. De manière transitoire, France Télécom transmet à l'ARCEP les données comptables selon les règles et les formats définis à l'article 18 du cahier des charges de France Télécom annexé au décret no 96-1225 du 27 décembre 1996, au chapitre XIII de l'annexe de l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de téléphonie ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public précité, et dans les décisions no 98-901 et no 2001-650 de l'Autorité.


Durée de validité


Article 32


Les obligations figurant aux articles 16 à 31 de la présente décision sont imposées à France Télécom à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et jusqu'au 1er septembre 2008, sans préjudice des dispositions de l'article 21 et d'un éventuel réexamen anticipé des obligations imposées, conformément aux dispositions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques.

Article 33


Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'exécution de la présente décision. Il notifiera à France Télécom cette décision ainsi que ses annexes, à l'exclusion de l'annexe D. Cette décision et ses annexes seront publiées au Journal officiel de la République française, à l'exclusion de l'annexe D.


Fait à Paris, le 27 septembre 2005.


Le président,

P. Champsaur



A N N E X E A


LISTE MINIMALE DES ÉLÉMENTS QUI DOIVENT FIGURER DANS L'OFFRE TECHNIQUE ET TARIFAIRE D'INTERCONNEXION ET D'ACCÈS ET CONDITIONS D'ÉVOLUTION DE L'OFFRE, MENTIONNÉES À L'ARTICLE 21


1. Mode de publication, modification de l'offre

et évolution d'architecture du réseau

a) Mode de publication


Cette offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès sera publiée sur un site internet librement accessible. L'annexe décrivant la liste des commutateurs de France Télécom et leur localisation pourra être de diffusion restreinte à l'usage des seuls opérateurs de communications électroniques.


b) Modification de l'offre et évolution d'architecture du réseau


Sauf décision contraire de l'Autorité, et sous réserve des dispositions de l'article D. 99-7 du code des postes et des communications électroniques, toute évolution de la présente offre technique et tarifaire décidée par France Télécom et toute modification d'architecture de son réseau devront faire l'objet d'un préavis raisonnable. Ce préavis sera de un mois minimum, et sera porté au minimum à :

Un an en cas d'évolution ou de modification de nature à contraindre les opérateurs utilisant une des prestations inscrites à cette offre de modifier ou adapter leurs propres installations ;

Trois mois en cas d'évolutions tarifaires.

Par dérogation aux dispositions précédentes, France Télécom pourra modifier sans préavis ses tarifs si la modification proposée consiste à répercuter une modification tarifaire mise en oeuvre par un opérateur tiers et impactant sa propre prestation.


c) Entrée en application des modalités de la première offre

publiée en vertu de la présente décision


Par dérogation aux dispositions du point précédent, les modalités techniques et tarifaires prévues à la première offre de référence, publiée au plus tard un mois après la notification de la présente décision, entreront en vigueur le 1er janvier 2006 en cas d'évolution tarifaire par rapport à l'offre technique et tarifaire d'interconnexion approuvée par la décision no 2004-1000 de l'Autorité susvisée.



2. Informations générales


Les coordonnées des entités chargées des relations commerciales, contractuelles et techniques avec les opérateurs tiers.

3. Niveau de détail minimum de la description des offres de France Télécom figurant à la présente offre technique et tarifaire


a) Items généraux


L'intégralité des conditions de souscription de l'offre, notamment statutaires, financières et contractuelles, applicables lors de toute commande, modification ou résiliation des prestations.


b) Informations préalables


Organisation et architecture du réseau, avec les différents commutateurs ou routeurs, la description des zones géographiques de desserte, et les zones tarifaires associées.

Eléments du réseau auxquels l'accès et l'interconnexion sont proposés, couvrant notamment les éléments suivants :

- commutateurs de raccordement d'abonnés ;

- commutateurs de transit.

Informations permettant la localisation des points physiques d'accès et d'interconnexion.

Modalités d'accès aux informations préalables plus détaillées concernant ces équipements.


c) Caractéristiques techniques des services d'accès

et d'interconnexion et des prestations connexes


La description complète des prestations.

La description complète des interfaces d'accès et d'interconnexion.

La description complète des modalités d'acheminement du trafic.


d) Modalités d'accès à l'offre


Les conditions contractuelles types d'accès aux différentes offres, les restrictions d'utilisation.

Les conditions contractuelles types de commande et de livraison des ressources physiques ou logicielles nécessaires à l'interconnexion des réseaux : informations nécessaires à la commande, conditions de suspension des engagements,...

Les conditions contractuelles types de mise en oeuvre des modifications physiques ou logiques de l'interconnexion ou de l'accès.

Les processus de commande et de résiliation.

Les processus de signalisation et de rétablissement des dysfonctionnements constatés.

Les conditions de partage des installations liées à la colocalisation des équipements et au raccordement physique des réseaux.

La liste des prestations faisant l'objet d'offres sur mesure ou de devis préalables.


e) Qualité de service


Les conditions contractuelles types de qualité de service standard des prestations fournies et des options de qualité de service renforcées qui peuvent être souscrites.

Les délais de réponse aux demandes de fourniture de services et de ressources.

Les indemnités prévues en cas de non-respect des engagements de qualité de service, et notamment en cas de non-respect des délais de résolution de problèmes et de retour au service normal.


f) Grille tarifaire


L'intégralité des conditions tarifaires, notamment les tarifs, acomptes et pénalités en cas de manquements imputables à France Télécom, relatives aux prestations d'accès et d'interconnexion - y compris les prestations associées - figurant à l'offre de référence.

En particulier, seront précisées les conditions tarifaires :

- des souscriptions et modifications des offres ;

- des conditions des options de qualité de service souscrites ;

- des informations préalables.


g) Sécurisation du trafic et intégrité des réseaux


Les mesures appliquées pour assurer l'intégrité des réseaux.

Les mesures transitoires appliquées en cas de dysfonctionnement d'éléments du réseau de France Télécom pour assurer le maintien de la fourniture des prestations d'accès ou d'interconnexion.

Les conditions de rétablissement des prestations d'accès ou d'interconnexion suite à une panne, notamment les délais.

Les conditions, notamment de débordement de trafic, offertes par France Télécom aux autres opérateurs afin de limiter les risques d'engorgement de trafic au niveau de certains points d'interconnexion.


4. Les offres d'acheminement des communications


France Télécom doit inclure au minimum dans son offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès les prestations suivantes :

a) Au titre de l'acheminement des communications vocales ou de données, au départ ou à destination des utilisateurs, y compris des publiphones, raccordés au réseau de France Télécom

Une offre de départ d'appel accessible depuis l'ensemble des commutateurs de raccordement d'abonnés, pour l'ensemble des types de trafic bande étroite.

Une offre de collecte de trafic internet en bande étroite au départ de son réseau, accessible à l'ensemble de ses commutateurs de raccordement d'abonnés et de transit, et incluant :

- une offre tarifée à la durée ;

- une offre tarifée au forfait (interconnexion forfaitaire pour l'accès à internet, « IFI »), avec possibilité de débordement du trafic issu des faisceaux d'interconnexion livrés aux commutateurs d'abonnés sur des faisceaux tarifés à la durée ;



Une offre de terminaison d'appel accessible depuis l'ensemble des commutateurs de raccordement d'abonnés.

Une offre de transit permettant l'accès aux prestations susmentionnées de départ d'appel et accessible depuis l'ensemble des commutateurs de niveau hiérarchique directement supérieur à ces commutateurs de raccordement d'abonnés.

Une offre de transit permettant l'accès aux prestations susmentionnées de terminaison d'appel et accessible depuis l'ensemble des commutateurs de niveau hiérarchique directement supérieur à ces commutateurs de raccordement d'abonnés.

b) Au titre de l'acheminement des communications vocales ou de données, au départ et à destination de réseaux d'autres opérateurs

Une offre de transit permettant l'accès aux prestations de départ d'appel et de terminaison d'appel des autres réseaux de boucle locale et accessible à tous les commutateurs de raccordement d'abonnés raccordés directement aux commutateurs de ces autres opérateurs ainsi qu'à l'ensemble des commutateurs de transit. Cette offre inclura les prestations de transit à destination de numéros portés.

Pour l'ensemble des prestations mentionnées aux paragraphes a et b, France Télécom distinguera, le cas échéant, dans son offre tarifaire le prix de la prestation de transit de celui de la prestation de départ d'appel ou de terminaison d'appel.


5. Sélection du transporteur


France Télécom doit inclure au minimum dans son offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès une offre de sélection du transporteur appel par appel et de présélection des communications au départ de son réseau, dans les conditions précisées à l'article 20 de la présente décision.


6. Les prestations d'accès ou de moyens associés


Pour assurer leur activité d'acheminement de communications électroniques de bout en bout, les opérateurs alternatifs doivent acheter des prestations d'accès et d'interconnexion. Par conséquent, les offres d'accès et d'interconnexion incluent un ensemble de prestations élémentaires dont la fourniture est nécessaire au bon acheminement des communications des opérateurs alternatifs et à leur activité. Ces prestations associées comprennent notamment les prestations de raccordement aux sites d'interconnexion et d'accès, la facturation pour compte de tiers et la fourniture de l'ensemble des informations nécessaires à un opérateur alternatif pour exercer son activité.


a) Facturation pour compte de tiers


France Télécom doit inclure au minimum dans son offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès une offre de facturation pour compte de tiers des communications issues des lignes d'abonnés et des publiphones raccordés à son réseau, vers les fournisseurs de services à fonctionnalités complémentaires et avancés raccordés par des réseaux tiers, et incluant notamment les services gratuits, les services à coûts partagés et les services à revenus partagés, y compris les services d'accès à internet en bande étroite.


b) Accès aux sites ouverts à l'interconnexion et l'accès


France Télécom doit inclure au minimum dans son offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès les prestations connexes d'accès aux sites d'interconnexion suivantes :

Une offre de colocalisation (physique et, le cas échéant, distante et virtuelle) des équipements des opérateurs tiers dans les locaux hébergeant les commutateurs ouverts à l'interconnexion et l'accès, incluant notamment :

- des informations concernant les sites pertinents de l'opérateur notifié ;

- les caractéristiques des équipements mis en cause : le cas échéant, les restrictions concernant les équipements qui peuvent être colocalisés ;

- une information sur les mesures de sûreté mises en place par les opérateurs notifiés pour garantir la sûreté de leurs locaux ;

- les conditions d'accès pour le personnel des opérateurs concurrents ;

- les normes de sécurité ;

- les règles de répartition de l'espace lorsque l'espace de colocalisation est limité ;

- les conditions dans lesquelles les bénéficiaires peuvent inspecter les sites sur lesquels une colocalisation physique est possible, ou ceux pour lesquels la colocalisation a été refusée pour cause de capacité insuffisante.

Une offre de liaison de raccordement (LR) permettant aux opérateurs tiers d'utiliser les capacités de transmission nécessaires à l'acheminement du trafic entre leurs locaux et les locaux hébergeant les commutateurs ouverts à l'interconnexion et l'accès.

Une offre d'interconnexion en ligne (« In-Span Interconnection ») permettant la connexion des équipements des opérateurs tiers à des capacités de transmission de France Télécom situées sur le domaine public.


c) Prestations à l'acte


France Télécom devra inclure dans son offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès l'ensemble des prestations à l'acte standards nécessaires à la mise en oeuvre ou la résiliation des accès et des interconnexions, ou plus généralement à toute modification des conditions techniques d'interconnexion et d'accès.



A N N E X E B

CONDITIONS D'EXEMPTION DE L'OBLIGATION DE COMMUNICATION PRÉALABLE

DES TARIFS DE DÉTAIL PRÉVUE À L'ARTICLE 29

1. Principe


Lorsqu'un contrat entre France Télécom et l'un de ses clients porte sur un chiffre d'affaires annuel supérieur à un certain seuil pour l'ensemble des prestations incluses dans les marchés définis aux articles 2 à 7, France Télécom n'est pas soumis à l'obligation de communiquer à l'Autorité les tarifs correspondants préalablement à leur mise en oeuvre.


2. Définition du seuil


Le seuil mentionné au premier alinéa est fixé à 500 000 euros, sans préjudice de révision par des décisions ultérieures de l'Autorité.


3. Mise en oeuvre


Dans le cas d'un contrat dont la durée est inférieure à un an, le seuil est de 500 000 euros de chiffre d'affaires pour la durée du contrat.

Dans le cas d'un contrat à durée déterminée dont le montant est variable (par exemple en fonction de la consommation effective), le chiffre d'affaires prévisionnel pour chacune des années du contrat doit être supérieur à 500 000 euros.

Dans le cas d'un contrat à durée indéterminée, l'exemption n'est applicable que si le contrat prévoit un montant minimal de chiffre d'affaires annuel supérieur à 500 000 euros.


4. Cas exceptionnel des conditions spécifiques


Lorsque la spécificité technique de la demande le justifie, France Télécom peut ne pas communiquer préalablement les tarifs correspondants préalablement à leur mise en oeuvre.


A N N E X E C

MODALITÉS DE L'EXEMPTION DE L'OBLIGATION DE COMMUNICATION PRÉALABLE

DES TARIFS DE DÉTAIL PRÉVUE À L'ARTICLE 29

1. Principe


Pour les contrats dont les tarifs n'ont pas fait l'objet d'une communication préalable, France Télécom transmet à l'Autorité des éléments constatés :

- chaque trimestre, une liste des nouveaux contrats conclus au cours du trimestre précédent ;

- chaque année, un rapport sur les contrats en vigueur au cours de l'année civile précédente.

On entend par « nouveau contrat » tout nouveau texte contractuel modifiant la tarification des prestations de détail soumises par la présente décision à un contrôle tarifaire.


2. Calendrier de transmission


Les listes trimestrielles de nouveaux contrats sont transmis à l'Autorité le 1er mai pour le premier trimestre de l'année concernée, le 1er août pour le deuxième trimestre, le 1er novembre pour le troisième trimestre et le 1er février de l'année suivante pour le quatrième trimestre.

Le rapport sur les contrats en vigueur est transmis à l'Autorité au plus tard le 1er mars de chaque année, pour les contrats de l'année échue.


3. Contenu du rapport annuel


Ce rapport comprend au minimum les informations suivantes :

- le nom du client (y compris SIREN) ;

- les dates du contrat :

- date de signature du contrat initial ;

- date de signature des avenants ;

- date éventuelle de fin du contrat ;

- le chiffre d'affaires constaté durant l'année civile précédente pour l'ensemble des prestations incluses dans les marchés pertinents, avec la ventilation suivante :

- les prestations d'accès ;

- les communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe en France vers un poste fixe en métropole ;



- les communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe en France vers un terminal mobile en métropole ;

- les autres prestations ;

- le nombre d'équivalents lignes (canaux B) moyens constatés durant l'année civile précédente ;

- le volume de minutes sortantes constaté durant l'année civile précédente pour :

- les communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe en France vers un poste fixe en métropole ;

- les communications téléphoniques interpersonnelles depuis un poste fixe en France vers un terminal mobile en métropole ;

- les autres appels ;

- le volume de minutes entrantes constaté durant l'année civile précédente.


4. Cas des offres prévues au 4° de l'annexe B


S'agissant des offres prévues au 4° de l'annexe B, en plus des modalités prévues ci-dessus, France Télécom transmet à l'Autorité les conditions techniques et financières correspondantes au plus tard un mois après leur mise en oeuvre, en précisant les spécificités techniques qui ont justifié l'offre sur mesure.


5. Première transmission


La première liste trimestrielle sera transmise le 1er février 2006. Elle comportera la liste de tous les contrats conclus au quatrième trimestre 2005 comportant des tarifs non soumis à communication préalable.

Le premier rapport annuel sera transmis le 1er mars 2006. Il fera état de tous les contrats en cours au quatrième trimestre 2005 comportant des tarifs non soumis à communication préalable. Les informations transmises pour ces contrats porteront sur l'ensemble de l'année 2005.


A N N E X E D

(SOUMISE AU SECRET DES AFFAIRES)

Parts de marché des opérateurs actifs

sur les marchés pertinents


Les données relatives à la part de marché individuelle des opérateurs sont soumises au secret des affaires.